En préambule du Superclasico du football argentin entre Boca Juniors et River Plate qui se jouera ce dimanche, La Grinta vous propose de découvrir une rivalité de Buenos Aires moins connue mais pas moins intense entre Chacarita Juniors et Atlanta. La dernière opposition s’est jouée ce jeudi pour le compte du championnat de troisième division argentine et a vu les Funebreros de Chacarita remporter le clasico à la dernière minute.
Atlanta et Chacarita sont deux institutions très porteñas (buenos-airiennes), de la capitale argentine. En évoquant ces deux clubs, on a tout de suite en tête le Buenos Aires des anciens : celui du tango, des cafés traditionnels, des dimanches au stade et des matés partagés au coin des rues. On a également en tête deux grandes équipes, la première division et le beau jeu. Ce temps est révolu. Chacarita et Atlanta, les deux protagonistes du clasico de Villa Crespo (quartier géographiquement au centre de Buenos Aires) évoluent désormais en Primera B Metropolitana, l’équivalent de la troisième division. Pourtant, ce derby est pour beaucoup une affiche digne de l’élite puisque les trois-quarts des confrontations se sont joués en première division au cours de 80 ans de haine mutuelle.
La guerre des voisins
Le club d’Atlanta est né en 1904, crée par des jeunes des quartiers de Monserrat et San Telmo tandis que Chacarita a vu le jour en 1906 dans une zone limitrophe entre les quartiers de Colegiales et Chacarita. En 1922, Atlanta déménagea sur la rue Humboldt dans le quartier de Villa Crespo et Chacarita fit de même une année plus tard.
Jusqu’au milieu des années 1940, les stades du « Bohemio » et du « Funebrero » étaient séparés d’une centaine de mètres. Au début, la cohabitation était plutôt pacifique. En 1945, Chacarita dut quitter Villa Crespo pour des raisons économiques. Les Funebreros s’installèrent dans la proche banlieue nord, dans le département de San Martin. La rivalité a vraiment commencé lorsqu’Atlanta récupéra les terrains qui appartenaient à Chacarita. En 1960, les Jaune et Bleu construisirent leur nouveau stade à l’emplacement de l’ancienne enceinte de Chacarita. Le surnom de « Bohemio » (bohémien) provient, justement, de changements de stade à répétition. Cet événement sera à l’origine d’une des plus grandes rivalités du football argentin.
12 ans sans se voir
Chacarita et Atlanta ont joué 94 clasicos en première division, le dernier datant de 1994. Après le milieu des années 1990, les deux institutions ont connus les crises, les descentes et les galères. Entre 1999 et 2011, les deux clubs ne se sont pas rencontrés une seule fois. Atlanta alterne entre la B Nacional (deuxième division) et la B Metropolitana (troisième division) et Chacarita entre la B Nacional et la première division. Par malchance, l’effet ascenseur des montées et des descentes ne permet pas d’avoir une nouvelle édition du clasico de Villa Crespo. Les plus jeunes supporters ont donc respectivement trouvé un autre rival : Tigre pour le Funebrero et All Boys pour le Bohemio. De fait, les matchs entre Chacarita et Tigre sont toujours très chauds et les hinchas des deux camps les considèrent comme une sorte de nouveau clasico. Pour les anciens, pas question de parler de clasico s’il ne s’agit pas du « vrai ».
Club de la communauté juive et club de gauche
Chacarita a historiquement toujours eu un rapport très fort avec la gauche argentine. Logiquement, puisque le club a été fondé par des ouvriers anarchistes et socialistes et ses couleurs n’ont pas été choisies au hasard : le rouge pour le socialisme, le blanc pour la pureté de ses membres et le noir pour le cimetière du quartier de Chacarita. Par ailleurs, la barra brava du club a toujours été très politisée et a été de nombreuses fois en première ligne lors de meeting pour le parti de l’actuelle présidente du pays Cristina Kirchner. L’influence de ses membres s’est accrue de manière importante lors de la présidence de Luis Barrionuevo, un chef syndicaliste, entre 1993 et 2005. « La famosa Banda de San Martin » a la réputation d’être l’une des barras les plus violentes du pays et a été protagoniste de nombreux affrontements au cours de son histoire notamment contre « la Doce » de Boca Juniors. Le « Funebrero » a encore aujourd’hui du mal à se défaire de son étiquette de club violent et représentant la jeunesse des bidonvilles.
Du côté d’Atlanta, le panorama est différent. Villa Crespo est le quartier de Buenos Aires où la communauté juive y est la plus importante. Par ailleurs, deux de ses fondateurs étaient de confession judaïque. Bien que la proportion de supporters juifs est difficile à établir, Atlanta a toujours eu cette image de club de la communauté juive en Argentine. À tort ou à raison.
Lors d’un clasico en 2012, Chacarita avait été sévèrement sanctionné après que ces supporters aient entonné ce chant aux paroles sans équivoque envers leurs rivaux d’Atlanta : « Ahi va Chaca por el callejon matando judios para hacer jabon » (Chaca arrive par la petite ruelle en tuant des juifs pour faire du savon). Lors du match retour à Villa Crespo, les Bohemios avaient répondu : « Que feo es ser hincha de chaca y boliviano y en una villa tener que vivir, la vieja revolea la cartera, la hermana chupa pija por ahi. che chaca no lo pienses andate a vivir a bolivia , toda tu familia esta alla ». Traduction : « Que c’est moche être supporter de Chaca et bolivien, de devoir vivre dans un bidonville, ta mère doit se prostituer, ta sœur suce des ***** par-ci, par-là, eh Chaca ni pense plus, va vivre en Bolivie , toute ta famille est là-bas » .
La plupart des matchs entre les deux clubs se jouent sans visiteurs. Et pour cause, le clasico de Villa Crespo a tout les ingrédients de la rivalité de quartier. La vraie, bien loin de Boca-River…