Dimanche à 21 heures, c’est dans le cadre de la treizième journée du Brasileirão que Fluminense et Flamengo croiseront à nouveau chemin. Quel que soit le contexte, chaque rencontre entre les deux géants de Rio de Janeiro au Maracana sonne comme un rendez-vous avec l’histoire. Une rivalité qui prend vraisemblablement ses sources dès les premières confrontations entre les deux clubs, dès le début du xxe siècle. Présentation de ce « Fla-Flu », comme il est surnommé au Brésil, où tout Rio de Janeiro devient dingue l’espace de 90 minutes.
C’est dans un stade Maracana flambant neuf que va se dérouler ce « Clásico das Multidões » (le classico des multitudes). Un stade qui aujourd’hui comprend une capacité totale de 78.838 spectateurs. On est loin, très loin du record d’affluence pour ce derby et des 177 656 personnes qui étaient venues assister au premier sacre du Flamengo en 1963 à une époque où l’on était un peu moins regardant sur la sécurité. Personne n’a aussi bien défini les origines du « clasico » Flamengo – Fluminense que le chroniqueur sportif Nelson Rodrigues, qui déclara un jour : « Fla – Flu est apparu 40 minutes avant le néant ». On trouve les origines de ce « clasico carioca », avant sa première édition, le 7 juillet 1912. Fin 1911, le Clube de Regatas do Flamengo est un club qui est reconnu essentiellement dans l’aviron et ne comporte même pas à l’époque d’une section football. Cette dernière est créée suite à un différent au sein d’un autre club appelé… Fluminense Football Club. C’est dès lors qu’en 1911, neuf joueurs de Fluminense, champion de l’état de Rio en titre, quittent leur club pour créer la section football de Flamengo. Vous l’avez bien compris, la rivalité Fla – Flu repose sur une histoire commune. C’est Fluminense qui remporte la première édition du derby 3-2. A l’époque ils sont déjà 800 spectateurs à assister à la rencontre, une affluence très correct. Bien sur cela n’a rien à voir avec celles constatées des dizaines d’années plus tard, où l’affiche attirera à chaque reprise des dizaines de milliers de fans au Maracana. Contrairement à ce que tout le monde imagine, l’abréviation « Fla – Flu » qui désigne cette rencontre n’est pas née de l’opposition entre les deux clubs, mais d’un rare moment d’unité. C’est le journaliste sportif Mário Filho, personnalité tellement respectée que le Maracana sera baptisé à son nom dans les années 1960, qui surnomme « la formation Fla-Flu » l’équipe carioca retenue en 1925 pour jouer le championnat des sélections d’États. En effet cette équipe est exclusivement constituée de joueurs de Flamengo et de Fluminense. Cette expression sera définitivement reconnue lorsque ces deux alliés d’un jour remporteront le titre. Un moment d’unité qui ne durera pas…
Fluminense, le doyen de Rio de Janeiro
Bien que moins titré que son voisin Flamengo, le Fluminense est le doyen du football local. Le club, surnommé «Tricolor» (Les tricolores), est la première organisation de l’Etat de Rio de Janeiro spécifiquement destinée au football. Il a servi de modèle pour un grand nombre d’autres clubs au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique latine. Bien entendu, l’histoire de ce « Fla-Flu » a été marquée par de très grands noms, de Leônidas da Silva et Júnior pour Flamengo à Telê Santana et Rivelino pour Fluminense par exemple. Au niveau des chiffres, rien n’est à l’avantage du Fluminense dans ce derby. Même si celui qui restera longtemps comme le plus jouissif pour les supporteurs du « Fluzão » eut lieu en 1995. Renato Gaúcho, idole « flamenguista » dans les années 1980, est à l’époque le héros du club. Ce qui ne l’a pas empêché de rejoindre l’ennemi. Mené 2-0, le « Fla » parvient à arracher une égalisation synonyme de titre. Alors que ses supporteurs fêtent déjà ce nouveau sacre, un centre d’Aílton depuis la droite trouve Renato, qui fait taire les « Torcedores » (groupe de supporteurs) de son ancien club en poussant le cuir au fond des filets… Résultat : le « Flu » s’impose 3-2 et le « Fla » voit le titre lui échapper. On imagine l’immense joie des supporteurs du Fluminense ce jour-là. Ces fans appartiennent aux classes sociales aisées de la ville et le club est beaucoup moins populaire que Flamengo. Malgré cela, le « Flu » peut compter sur un soutien inconditionnel de leur part avec pas moins de sept groupes qui donnent de la voix au Maracana : « Young Flu » , « Força Flu », « Garra Tricolor », « Torcida Flunitor », « Fiels Tricolor », « Flu Bar », « Jovem Flu ». Amis avec les supporteurs du FC Guarani, leurs principaux rivaux sont bien évidemment Flamengo mais aussi Vasco de Gama et Botafogo. Le groupe le plus important est le « Young Flu ». Pour la petite anecdote, c’est le seul groupe au monde à jeter de la farine et du talc à l’entrée des joueurs, formant ainsi un immense nuage de fumée dans les gradins.
Le mouvement ultra au Brésil n’est pas comparable avec les autres pays d’Amérique du Sud, excepté au sud du pays dans la ville de Porto Alegre par exemple, où la proximité avec l’Argentine a influé les fans dans le style de supportérisme. Partout ailleurs dans le pays, les chants partent un peu de n’importe quelle tribune et tout le monde s’improvise « capo ». Cela na pas d’incidence avec l’ambiance qui reste exceptionnelle dans les stades brésiliens où tifos, pyrotechnie, drapeaux et chants viennent s’ajouter à cette ferveur qui n’est plus à prouver. Nul doute que ce dimanche ce Fla-Flu ne dérogera pas à la règle. Même si le début de saison est délicat pour Fluminense, actuellement champion en titre, qui vient de pousser vers la sortie son entraîneur Abel Braga remplacé par Vanderlei Luxemburgo.
Tous les compteurs sont au vert pour Flamengo dans ce derby. Nombre de victoires supérieur et le plus large triomphe de toute l’histoire du « Fla-Flu » (7-0 en 1945). Au niveau des titres remportés ? Même refrain, six championnats nationaux contre quatre, trente-deux championnats d’Etats contre trente-et-un et une Copa Libertadores plus une Coupe intercontinentale à rien en faveur du Flamengo. Tous ces succès ont contribué à l’immense popularité dont jouissent les « Rubro-Negros » (Rouges et Noirs) aujourd’hui à Rio de Janeiro mais également dans tout le pays. Un récent sondage a montré qu’au Bresil, Flamengo était le club le plus supporté avec plus de 39 millions d’habitants qui se revendiquent sympathisants du club de Rio. Loin devant les 21 millions du Corinthians de São Paulo. La « torcida » de Flamengo est essentiellement constituée de gens issus des classes populaires voire pauvres, ce qui vaut aux supporteurs du club d’être l’objet de moqueries de la part des supporteurs des équipes rivales, notamment de Botafogo, un de leurs ennemis avec Vasco de Gama et le voisin Fluminense. Par contre les fans de Flamengo entretiennent une très grande amitié avec ceux de Cruzeiro, club de Belo-Horizonte et ceux du São Paulo FC. Neuf groupes de supporteurs garnissent les travées du Maracana lors des matchs de Flamengo. « Torcida Jovem », « Raça Rubo Negra », « Fla Manguaça », « Urubuzada », « Paixao Rubro Negra », « Dragoes Rubro Negros », « Fla Roots », « Imperio Rubro Negro », « Urubuzada Guerreiro ».
Les deux plus influents sont la « Torcida Jovem » et « Raça Rubo Negra ». Le premier est le plus ancien, tout d’abord crée le 6 décembre 1967 sous le nom de « Poder Jovem ». Il s’inspire du mouvement Black Power aux États-Unis. La volonté affichée par le club est alors de s’affranchir du contrôle des dirigeants de Flamengo et de lutter contre les préjugés racistes dont sont victimes les supporteurs de Flamengo, majoritairement noirs et pauvres. Le deuxième, « Raça Rubro-Negra », voit le jour en 1976 et se développe très vite pour compter aujourd’hui dans ses rangs plus de 60 000 membres. Rien que ça. Un autre groupe se démarque aussi par son originalité, « Fla Manguaça ». Créé par un noyau d’amis pour le centenaire de la fondation de l’institution en 1995, c’est un groupe dont l’esprit festif vise principalement à réunir tous les supporteurs de Flamengo aimant la bière… Le mot « manguaça » signifie en portugais « boisson » ou « bibine » dans un registre plus familier. Ce n’est toutefois qu’à partir de 2001 que l’association est véritablement reconnue par Flamengo qui accepte de mettre à disposition au Maracana une zone réservée à ces supporteurs. « Fla Manguaça » se veut être un groupe ouvertement pacifique et contre toute forme de violence, physique ou verbale, à l’encontre des joueurs ou des supporteurs adverses.
A voir si dimanche tous les supporteurs du Flamengo respecteront cette philosophie face en allant au « Templo do Futebol » (temple du football) qu’est le Maracana. D’autant plus dans un derby où ceux-ci espèrent se sortir du ventre mou (13e) à l’instar de leurs homologues du Fluminense (11e).