Même s’ils ont souffert après le retour des vestiaires et sont tombés dans les derniers instants, les Millonarios ont surpris les Brésiliens pendant une heure grâce à un plan de jeu audacieux et parfaitement préparé.
La finale de Copa Libertadores a tenu toutes ses promesses, tant au niveau du spectacle émotionnel que du combat tactique. Auteur d’une grosse performance en première période, River Plate a récité son plan de jeu : un pressing haut et individuel bien adapté à l’animation offensive de Flamengo, bloquant toute créativité depuis l’arrière et les côtés. Mais deux faits de jeu en deux minutes ont fait basculer la rencontre : les buts miraculeux de Gabriel Barbosa en toute fin de match (89e et 92e).
Le pressing de River face à la sortie de balle courte et patiente de Flamengo
À Lima (Pérou), le River Plate de Marcelo Gallardo s’est présenté dans un 4-1-3-2 et un schéma de pressing adapté à l’animation offensive du 3-5-2 de Flamengo. Plus souvent propriétaire du ballon, le jeu des Rubro-Negros a été neutralisé par le bloc haut adverse.
Première étape du jeu de position de Flamengo depuis l’arrivée de Jorge Jesus en juin, la sortie de balle : quand Diego Alves possède le ballon, la défense à quatre (Filipe Luis-Pablo Mari- Rodrigo Caio-Rafinha) occupe toute la largeur du terrain et Willian Arão vient décrocher entre ses centraux pendant que les latéraux montent pour former un 3-5-2 destiné à offrir les moyens de sortir proprement par le jeu court et les triangulations avant de s’installer dans le camp adverse.
Mais Marcelo Gallardo avait un plan spécial pour bloquer la sortie de balle courte de Flamengo. Quand les Brésiliens se mettaient en place, Suarez et Borré chargeaient les centraux tandis que Palacios sortait sur Gerson. Derrière les Argentins formaient alors un 4-1-3-2 avec Enzo Perez prêt à suivre De Arraescaeta dans ses décrochages, les ailiers prêts à sortir sur les latéraux de Flamengo selon le déroulé de l’action et tout derrière la charnière Martinez – Pinola était à deux contre un face à Gabriel Barbosa pour contrôler la profondeur.
De l’influence de Bielsa ? Un 2 contre 1 derrière, de la défense individuelle partout au milieu, et un joueur de moins face aux relanceurs adverses. Willian Arão était de fait le joueur laissé libre par cette approche, créant ainsi une supériorité numérique face à la première ligne de pression de River. Toutefois le pressing en un contre un généralisé dans l’axe le poussait à jouer long ou horizontalement sur un des latéraux quand Borré récupérait le marquage afin de bloquer toutes les solutions courtes autour du porteur, abandonnant ainsi le latéral opposé.
Le 4-1-3-2 de River Plate face aux sorties courtes de Flamengo : 1vs1 côté ballon et abandon côté opposé.
Avec un pressing très intense, River Plate transformait la proximité des joueurs de Jorge Jesus – essentielle pour les combinaisons rapides – en faille. Car en coupant toutes les lignes de passes autour du porteur de balle dans un petit espace, les joueurs de Gallardo se facilitaient ainsi la récupération du ballon. Surtout, alors que Jorge Jesus faisait travailler Bruno Henrique dos au but pour aider son équipe à gagner du terrain et à franchir le pressing adverse, il tombait sur des défenseurs régnants dans l’anticipation. Bilan : une première mi-temps colossale qui met en lumière la qualité du jeu sans ballon de River, privant l’adversaire de sortie de balle courte, réduisant l’attaque la plus prolifique d’Amérique du Sud à un seul tir à longue distance, mais aussi et surtout fournisseur d’occasions de but.
River très profond
L’objectif de Marcelo Gallardo était clair au moment de la transition offensive : River Plate a cherché à vite jouer vers l’avant en fonction de la zone de récupération. D’abord, lorsque le ballon était récupéré dans l’axe, l’ambition était de trouver un ailier par une passe verticale pour créer de la largeur, attirer l’un des deux ou trois joueurs de Flamengo en couverture loin de la surface et pénétrer à l’intérieur grâce à des projections dans les intervalles. Puis, quand le ballon était récupéré sur un côté, le latéral opposé (Montiel ou Casco) avait un rôle déterminant à jouer en offrant une largeur maximale afin de jouer en profondeur dans l’espace le long de la ligne de touche avant que le bloc de Flamengo ne coulisse. Ce que le Grêmio de Renato Gaúcho n’avait pas réussi à réaliser en demi-finale (1-1 aller, 5-0 retour).
River Plate vient de récupérer le ballon dans l’axe, joue en profondeur vers l’extérieur pour étirer les deux centraux de Flamengo en couverture.
Cette fois, River Plate vient de récupérer le ballon côté gauche, a renversé côté opposé et joue en profondeur dans l’espace le long de la ligne de touche.
L’oxygène par Diego
Si pendant quasiment une heure de jeu Flamengo n’a eu aucune chance de désorganiser un bloc aussi compact et autant de joueurs investis dans la défense haute, le dernier tiers du match a démontré toute l’importance de la première phase de jeu dans l’animation offensive de Flamengo. Gerson blessé, l’entrée de son remplaçant Diego (66ème minute) qui coïncide au moment des entrées de Julián Álvarez et Lucas Pratto côté River, est le point de bascule avant l’installation de Flamengo dans le camp adverse.
Plus mobile et plus technique que Gerson pour résister au pressing, se retourner et ainsi casser le pressing de River – forcé à se replier dans son camp et craintif face à la qualité de passe du milieu de terrain brésilien -, les Argentins ont légèrement reculé, et souvent oublié les coéquipiers de Diego. Les joueurs de Jorge Jesus ont pu peu à peu accéder à la surface.
Côté gauche : Diego sera servi entre les lignes, protégera la balle de la pression d’Enzo Perez et lancera Gabriel sur le côté. Le pressing sera cassé.
De même côté droit : Diego est la seule option pour Rafinha. Sur son contrôle, il éliminera le milieu de River qui se jette sur lui et cassera le pressing de River.
La suite, on la connaît. Une possession de balle importante (70%), plusieurs grosses occasions et puis les buts encaissés : d’abord une course latérale d’un côté à l’autre par Lucas Pratto suivi d’une perte de balle et d’une transition efficace. Et après, la présence trop distante du même joueur expérimenté laissant temps et espace à l’élaborateur Diego pour contrôler, se mettre dans le sens du but et jouer long.
Dans le timing, cela ressemble à la finale de la Ligue des champions en 1999 Manchester United-Bayern Munich (2-1), avec une avance installée rapidement, une équipe pas inquiétée pendant la grande partie de l’opposition et finalement, deux buts encaissés dans les derniers instants pour tout faire basculer. En interview d’après-match, Filipe Luís admettait : « Nous avons très mal joué. River Plate nous marquait très bien et nous a rendu tout difficile. C’était une vraie finale. » Remportée comme un grand ?