Compétitifs depuis plus de 10 ans à l’échelle nationale et continentale, Pep Guardiola et Diego Simeone se retrouvent pour la troisième fois en Ligue des champions à l’occasion des quarts de finale. En janvier 2019, Jorge Valdano avait consacré une chronique sur la fièvre commune qui anime les deux entraîneurs.
Un bon entraîneur a des idées et une compétence didactique pour les transmettre. Mais il y a des entraîneurs qui renforcent ces deux traits par une fièvre obsessionnelle qui ne laisse pas planer le moindre doute. Comme la passion n’a pas de style, on parle de personnes comme Simeone, Guardiola, Quique Setién ou Abelardo, tous différents mais avec une caractéristique commune : pour rien au monde ils négocient leurs principes footballistiques. Guardiola raconte que Simeone a regardé ses séances d’entraînement à Barcelone pendant une semaine et, lorsqu’ils se sont rencontrés pour en discuter, el Cholo lui a avoué que ce [football] n’était pas pour lui. Guardiola lui a rendu hommage en disant : « C’est là que j’ai compris que c’était un grand entraîneur ». L’attachement fanatique à un type de football clarifie les messages, stabilise un projet et défie les revirements d’opinion que les médias bombardent aux entraîneurs jusqu’à les confondre. Ne pas imiter qui que ce soit et choisir des idées en fonction de votre propre sensibilité aide à transmettre non seulement ce que vous pensez mais aussi ce que vous ressentez.
Joueurs “menteurs”
En football, le talent vit de la tromperie : plus le joueur est renommé, mieux il trompe. Pour preuve : Cruyff venait de se louper sur sa dernière feinte, je me suis opposé à lui mais, étonnamment, Johan a baissé les bras et s’est plaint à l’arbitre d’un ton agressif. J’ai regardé l’arbitre pour voir comment se déroulait la discussion mais il n’y a pas eu de réponse. Je n’ai pas revu Cruyff, qui a profité de ma distraction pour changer de rythme et me perdre de vue. Aujourd’hui encore, je ris de cette feinte bizarre. Je ris de moi, bien sûr. Autre preuve : mieux que quiconque (cela n’est pas non plus à prendre très au sérieux), j’ai vu comment Maradona a trompé cinq Anglais lors de la Coupe du monde 1986 et j’ai su instantanément que ça, c’était du vrai football. Une contre-preuve pour finir : c’est un signe de médiocrité de regarder un joueur faire ce qu’il s’apprête à faire.
Joueurs audacieux
Le football de haut niveau est pour les audacieux. Il y a des joueurs dont les visages témoignent d’un rapport presque tragique au jeu dû à une timidité qui les empêche de s’exprimer naturellement. Coutinho, par exemple, ne répond pas tout à fait aux attentes et, du fait de son caractère renfermé, a tendance à tomber dans une langueur qui enlève l’expressivité de son jeu. Sur beaucoup de ballons qu’il touche, on perçoit une indécision qui finit par nuire au jeu. L’Uruguayen [Federico] Valverde est aussi un garçon timide et, même si ça agit positivement sur son humilité, cela ralentit son évolution. C’est tout le contraire pour Vinícius, dont l’énergie vient de l’audace et qui a marché fort dès le premier jour. C’est peut-être parce qu’il ne sait toujours pas dans quoi il s’est embarqué. Ou parce qu’il a intériorisé une supériorité qui lui permet de s’amuser là où les autres souffrent.
Joueurs vaniteux
De nombreuses décisions que les entraîneurs prennent et qui sont jugées comme « incompréhensibles » concernent des conclusions qu’ils tirent au mauvais endroit. On appelle « joueurs d’entraînement » ceux qui font en privé ce qu’ils n’osent pas faire en public. Et à l’inverse, il y a des joueurs qui n’existent pas à l’entraînement et qui sont des fauves en match. En général, c’est la différence entre apprécier ou souffrir du trac. Jouer au football est une chose ; défier le public en est une autre. Le crack a le sens du temps et de l’espace mais il doit aussi avoir le sens du spectacle : une vanité mise au service du public pour créer un lien aussi proche que celui de l’acteur au théâtre ou du chanteur en concert. Être vaniteux sur un terrain de football est tout aussi utile pour un buteur qu’être égoïste dans la surface. On parle de défauts de fabrication.