Les Kabylie Boys soutiennent la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK) de la ville berbère de Tizi Ouzou. Tout un symbole en Algérie, car en plus d’être le club le plus titré du pays, c’est aussi l’ambassadeur de la cause amazigh. Stigmatisés en tant qu’ultras, mais aussi de par leur identité berbère, les Kabylie Boys contestent l’autorité, prônent des valeurs antiracistes et sont tout le temps en résistance. Rencontre avec l’un des membres du groupe dont le combat politique dépasse largement l’arène du stade.
Identité amazigh
Fondés en 2009, les Kabylie Boys (UKB09) supportent un club de football qui est aussi un symbole identitaire de la région. C’est dans le virage « Zona Amazigh » que les Kabylie Boys ont élu domicile avec deux autres groupes d’ultras, les Samba Boys et Ultras the Leader. Le virage Zona Amazigh, c’est tout un symbole : amazigh signifie « homme libre » en kabyle.
Le groupe réunit des centaines de personnes, à Tizi-Ouzou et bien au-delà. « Ce groupe contient des sections dans les quatre coins de la région de Kabylie, Tizi-Ouzou – la base, Béjaï, Boumerdas, Bouira, Sétif, d’autres villes du pays comme Alger, Blida, Oran, Sidi Belabes » mais aussi « la communauté algérienne en Europe » nous précise notre interlocuteur, A., qui souhaite rester anonyme. La section France a même fait un tifo lors d’un match amical JSK – Red Star au stade Michel-Hidalgo de Sain-Gratien en 2019.
En Zona Amazigh, bâches, animations, craquages sont là pour « apporter du soutien et glorifier l’équipe », mais aussi « la région et l’identité amazigh ». Les tifos ont de nombreuses références à la culture berbère. Le drapeau bleu, vert, jaune de Kabylie est visible en arrière-plan de tifos à feuilles des UKB09. On le retrouve dans des tifos d’autres groupes berbères tels que les Ultras Imazighen et les Red Rebels marocains (Hassania Agadir), avec qui les UKB09 sont jumelés. Le chiffre 2959 revient fréquemment en tribune : c’est l’année de création du groupe en date berbère, équivalent à l’année 2009 sur le calendrier grégorien. La lettre Yaz de l’alphabet berbère, ⵣ, petit élément graphique design et pourvu de sens, vient s’insérer sur des drapeaux, des bâches ou les tee-shirts du groupe. Mais les messages sont universels : les Kabylie Boys jonglent avec les langues kabyle, arabe, français, anglais ou italien, prônant la tolérance et l’ouverture sur le monde.
Parmi leurs icônes, le joueur camerounais Albert Ebosse, meilleur joueur du championnat en 2013, qui meurt dans des circonstances étranges après avoir reçu des projectiles venant de la tribune. Les supporters de la JSK sont pointés du doigt, et les matchs se jouent ensuite à huis-clos. Pour A., la date de sa mort, le 23 août 2014, est une date qui restera gravée. Les Kabylie Boys rendent hommage à Albert Ebosse dans des tifos, des étendards et des chants encore plusieurs années après le drame.
Une autre de leur icône est le poète Matoub Lounès, militant de la cause identitaire amazigh mort assassiné en 1998. « On le considère comme un symbole de liberté car il a chanté la liberté et a défendu tous les peuples opprimés, et a aussi dévoilé toutes les magouilles du gouvernement sur le peuple algérien et la communauté kabyle ». Ils ont en commun cette affinité pour l’anarchisme « il a également prouvé son attachement aux idées des philosophes anarchistes à l’image de Michael Bakounine dans ces chansons ».
Les symboles de leur culture ne font pas l’unanimité. La bâche 2959 est interdite d’accès dans plusieurs stades en Algérie et des membres « ont été en prison pour avoir brandi le drapeau berbère dans des marches révolutionnaires ». Car au-delà de la culture qu’ils revendiquent, c’est bien sûr la liberté d’expression qu’ils réclament. Des tribunes à la rue, il n’y a qu’un pas. Les privations de liberté des ultras s’étendent également à une privation de la liberté d’expression.
Liberté pour les ultras et liberté d’expression
Comme A le mentionne, « depuis toujours les ultras en Algérie sont victimes de répression, marginalisation, discrimination, de racisme parfois… Les forces de l’ordre, le pouvoir, la fédération de football incriminent le fait d’être ultras ». Cependant, « en Algérie malgré la répression les publics dans les stades n’hésitent pas à chanter les chants dont les paroles ne se font que murmurer à l’extérieur ». Cette liberté, les UKB2959 ne cessent de la revendiquer, et le formulent très clairement dans leurs chants.
La tribune est un espace de liberté qui va à l’encontre de la figure de l’autorité : « Le mouvement ultra est un mouvement anarchique (…). Sans loi sans patron, il est très différent d’une organisation politique ou quelque chose de synonyme ».
Parmi les dates les plus marquantes de l’histoire des Kabylie Boys, avec celle de la création du groupe et de la mort tragique de l’icône Albert Ebosse, le porte-parole cite le 01/05/2018, date de la finale de la Coupe d’Algérie. Le foot se mélange avec la résistance contre l’autorité, avec le désir de liberté. « Une trentaine de milliers de supporters se sont déplacés vers la capitale pour remporter la Coupe d’Algérie, c’était aussi un face-à-face avec les officiers et responsables militaires les plus gradés du pays, des insultes, des reproches… C’est ainsi que le public kabyle a rencontré les responsables du pays, il est vrai que nous avons perdu la finale, mais (…) c’était une porte d’entrée vers le début du mouvement populaire et la révolution algérienne des mois plus tard ». Le combat pour le titre devient un combat politique fondamental.
À cette occasion, les banderoles sont exposées aussi en dehors du stade. Le discours dépasse évidemment la cadre du foot. « Le groupe fait toujours l’éloge des personnages antifascistes et des militants qui défendent les causes de la liberté et les peuples opprimés ». En 2019, le groupe a notamment déployé une banderole « Impunité, discrimination, de ça vie l’humanité » en soutien au peuple kurde. « Dans le monde d’aujourd’hui l’impunité offre une absence de droits à un point où l’humanité pleure du sang ou moisit derrière les barreaux en revendiquant tout simplement son identité, comme le cas kurde en ces moments-là de détresse en revendiquant son identité, sa liberté avec discrimination. Par conséquent, le groupe cherche à transmettre ses idées aux partisans et au reste du peuple sur la base que le racisme est un crime… Et à mettre fin à l’exploitation de l’homme par ses frères. Et que toute polémique, qu’elle soit religieuse, ethnique ou de couleur de peau… est une illusion théorique qui se nourrit de la vie du peuple pour servir la classe bourgeoise. » On n’aurait pas dit mieux.
Combat politique et antiraciste
C’est bien toute une théorie de l’autorité renversée que développent les UKB2959. S’ils sont victimes du racisme, ils savent aussi d’où il vient. « Nous, en tant que groupe représentant l’identité amazigh, sommes soumis au racisme dans la plupart des déplacements dans les stades algériens de la part des locaux (…) nous répondons souvent par des applaudissements car nous savons que ces personnes ont été intellectuellement colonisées et ont planté des idées dans leurs esprits. ». Le racisme serait la conséquence d’une politique et des gouvernements successifs sur la société civile « L’autorité et le gouvernement ont comme arme la discrimination. Ils implantent le racisme dans l’esprit des gens pour continuer à piller leur richesse ».
Les autorités, aux commandes du gouvernement et du pouvoir, sont responsables de la répression, mais également de manipuler la société civile. « Le groupe lui-même classe naturellement le pouvoir comme son premier ennemi (…). L’État n’a qu’un seul objectif : le siège de l’individu et sa restriction pour qu’il y reste toujours soumis et contre toute activité libre ». De fait, en 2013, les Kabylie Boys déploient une banderole en hommage à deux supporters de l’USM Alger décédés des suites de la chute d’une partie des tribunes, réclamant justice. « Le groupe a donc été le premier à présenter ses condoléances, et un tifo a été complété au nom des deux morts avec un message « Les responsables doivent payer »… À noter que les supporters de la JSK souffraient beaucoup lors du déplacement vers le stade de l’USMA à cause d’expressions racistes ». Le message est clair : « Le premier ennemi est l’autorité, nous déclarons notre solidarité avec le simple citoyen, quelles que soient ses idéologies, contre l’autorité ».
Pas étonnant donc qu’on retrouve les ultras dans les marches durant la révolution. Ils subissent la répression, et le vent de liberté émane directement des stades. « Durant la révolution le pouvoir a joué ses dernières cartes et a tenté de jouer la carte de la division en générant du racisme au sein du peuple mais ce dernier ne s’est pas fait avoir si facilement et les a bien vu venir ».
Présents sur le plan du foot, de l’identité, de l’antiracisme, et de l’anarchisme, les UKB2959 prouvent que les ultras peuvent jouer un rôle pour la société. Cette « résistance sur tous les plans« , pour reprendre des paroles d’un de leur chant, a le point commun d’être une résistance toujours au service de la liberté et du citoyen.
Merci à A.
Kabylie Boys a été le premier groupe précurseur a la révolution du 22 février, a l’image de toute la Kabylie. Loin des lumières aveuglantes des projecteurs, le groupe a eu un impact considérable dans le processus de sensibilisation du peuple, qui a abouti a l’enclenchement de la révolte populaire, et cela par la diffusion de nombreux messages a travers les tifos, animations et chants depuis les tout débuts du groupe.
Tilelli i-agdud adzayri , Tilelli i UKB !
Liberté pour le peuple algérien , libère pour les UKB !
ⵜⴰⵏⴻⵎⵉⵔⵝ ⴰⵜⴰⵙ ⵉ ⴰⵡⴰⵍ ⴰⵢⵉ
Tanemirth atas i awal ayi
Merci beaucoup pour cet article.
Kabylie boys symbole de fidèlitè ….c ‘est l espoire de la jskabylie
Vamos kb09
Je suis vieux je n’ai jamais entendu parler des UKB2959 et la en prenant connaissance de votre existence je renais bravo et que Dieu soit avec vous. Que vive l’Algerie libre mais l’Algerie des hommes libres!
Kabylie boys siamo NOI! a des années lumiéres de tout autres groupe sur ce meme continent …