Dans les profondeurs de la Liga et ne comptant qu’une victoire sur ces dix dernières rencontres, le Villarreal de Javi Calleja a coulé. Le technicien espagnol limogé est remplacé par Luis García. Alors que le nouveal entraîneur a accroché jeudi dernier le Real Madrid de Solari (2-2), le sous-marin saura-t-il retrouver les eaux claires sur la deuxième partie de saison ?
Après une Liga 2017-2018 réussie pour le Villarreal de Javi Calleja avec une 5ème place décrochée devant le Real Betis et le FC Séville, son équipe s’enlisait dès le début de la nouvelle saison : défaite 1-2 à domicile contre la Real Sociedad, nul 0-0 au Sánchez Pizjuán et une nouvelle défaite à domicile contre Girona (0-1). Ensuite, elle n’a gagné que trois fois en treize rencontres de championnat. Alors que son prédécesseur Fran Escriba avait été viré après 6 matchs de championnat et une 14èmeplace au classement, l’ancien joueur du club (124 capes) aura été maintenu jusqu’à la quinzième journée mais n’aura pas survécu à la défaite (2-3) du 08 décembre face au Celta Vigo. Nommé deux rencontres avant la trêve, le nouvel entraineur Luis García tient une victoire 2-0 contre le Spartak Moscou en Europa League et trois matchs nuls (2-2 face à Huesca, 2-2 contre le Real, 0-0 à Eibar). Mais à l’aube de 2019, doit-on s’inquiéter pour Villarreal ?
La dictature du « 1 »
Depuis l’arrivée d’un Javi Calleja largement marqué par l’empreinte du 4-3-1-2 de Manuel Pellegrini (2005-2006), Villarreal est tombé dans le régime autoritaire de la création. Celle qui est exaltée grâce à un homme. Alors que l’équipe était portée par un 4-4-2 à plat depuis le passage de Marcelino qui avait construit une organisation connue pour son équilibre remarquable – repris par Fran Escriba -, depuis l’arrivée de Javi Calleja Villarreal se présente avec un rombo au cœur du jeu. Et, si avec Riquelme l’organisation de Pellegrini a séduit durant une année, celle de Calleja avec Fornals aussi. Car le système repose presque exclusivement sur la performance d’un chef d’orchestre. Et l’an passé, Villarreal vivait au rythme des mouvements de Pablo Fornals, qui participait grandement à la réussite de son équipe avec ses neuf passes décisives. Mais il y a un « presque » car une dictature ne s’installe pas via les pieds d’un seul homme. Dans tous les cas, il s’agit d’un phénomène où s’inscrit une figure et de nombreux soutiens. Pablo Fornals en a-t-il encore ?
Alors que la saison précédente elle s’était montrée à l’aise avec un football de position en plus d’être l’une des meilleures équipes d’Europe en transition, l’équipe a passé la première partie de saison 2018-2019 ne sachant plus créer balle au pied. Pourquoi ? Le départ de Rodri à l’Atlético de Madrid est le facteur X. Et ses remplaçants en tête basse du losange, Santi Cáseres ou Javi Fuego ne présentent pas les mêmes qualités de relance. Si, l’Argentin détient 91,1% de passes réussies cette saison, elles n’apportent pas les mêmes effets dans l’orientation du jeu. Résultat : Villarreal doute quand elle possède la balle et l’expression collective se perd dans les séquences d’utilisation du ballon.
Sur cette séquence, Vilarreal subit le pressing du Barça. Cáseres est entouré mais une ligne de passe est ouverte vers Chukwueze. De ¾ vers le but adverse, Santi pourrait s’ouvrir une autre ligne de passe vers Trigueros, mais de ¾ vers son but, il annule celle-ci. En misant sur le Nigérian, un circuit d’attaque est ensuite possible grâce à la présence de Manu Trigueros seul entre les lignes. Mais le milieu argentin, contrôle anxieusement la balle puis la porte autour de quatre Barcelonais. Après une perte de possession, l’arbitre siffle un coup-franc pour Messi aux abords de la surface.
Ici, Javi Fuego a tout le temps qu’il veut pour construire le jeu ou l’accélérer. Dans l’énorme intervalle entre Ramos et Varane, Fornals se projette mais le milieu espagnol de 35 ans en possession du ballon ne joue pas long et mise sur le côté droit. S’en suit un circuit de passe infertile.
La saison passée, les joueurs avaient pris l’habitude de trouver Fornals entre les lignes ou face au jeu par un circuit de recherche du troisième homme lancé via les pieds de Rodri. Mais, si ce mal chronique depuis l’été à le trouver révèle une maladresse dans le positionnement du joueur espagnol : c’est un milieu qui a besoin d’espace et positionné en 10 il ne peut pas utiliser ses qualités de percussion. Face à l’absence de ballon, il est contraint de quitter le bloc adverse, revenir en son sein pour le faire avancer mais il n’y a plus personne entre les lignes tandis que sur les côtés les latéraux sont en infériorité numérique. Le demi-finaliste de la Ligue Europa 2015-2016 garde en ses rangs deux milieux souverains avec Trigueros et Cazorla, seulement ce sont des profils capables d’orienter le jeu dans la première relance qui font souffrir Villarreal, car ni Cáseres, ni Javi Fuego – des récupérateurs certains -, n’en ont les facultés.
Santi Cazorla décroche et se propose devant l’autre Santi. Il a la possibilité ensuite de servir Fornals derrière le deuxième rideau du Barça, où il est seul et pourrait utiliser sa puissance. Mais Cáseres remise sur son central derrière lui et annule cette chance de déséquilibre.
Villarreal s’étiole donc quand elle a le ballon et qu’elle doit créer. Car sur les côtés, l’équipe adverse est souvent en surnombre (les côtés du 4-3-1-2 sont quasiment exclusif aux latéraux) et dans l’intérieur du jeu, la relance peine à être réussie en dépit d’un manque d’aisance avec la balle. Alors qu’ils avaient inscrit 57 buts la saison passée, et plus de 25 à la trêve hivernale, les joueurs de Villarreal en ont seulement inscrit 17 cette saison à la même époque. Sur l’ensemble des cinq premiers mois, les joueurs peuvent regretter un manque d’efficacité (17 buts au total, 22 xG*). Mais ce déclin surprenant (recrutement de Gérard Moreno, 4 buts, 7 xG et Karl Toko Ekambi, 2 buts, 3 xG) est surtout le grain d’une phase offensive infructueuse. Car cette organisation repose en grande partie sur la prestation de son « 1 ». Mais si, comme dans le cas de Pablo Fornals, ce « 1 » se retrouve en pleine solitude de ballons et de soutiens, il ne peut donc pas installer son diktat sur l’équipe adverse. Et tout le système est terrassé.
La panne de torpilles
En installant le 4-3-1-2 sur le 4-4-2 traditionnellement implanté par Marcelino, Javi Calleja voulait introniser sur phase avec ballon, un bloc médian compact capable de trouver ses attaquants proches du but adverse sur peu de passes très verticales. Mais deux ans après le départ de l’actuel technicien de Valence, la force principale de Villarreal reste toujours le jeu de transition. C’est ainsi que le duo Bakambu-Bacca de la saison passée a performé par les projections rapides du premier et le sang-froid dans la surface du second. Mais cette saison, sous Calleja, le jeu rapide n’était plus la force, sinon uniquement la caractéristique principale du jeu de l’équipe.
Pourtant, en août, les arrivées de Karl Toko-Ekambi et Miguel Layún ainsi que les retours de Gérard Moreno, Carlos Bacca, Santi Cazorla et Alfonso Pedraza, laissaient planer l’embellissement d’un collectif impressionnant la saison passée, sur attaques placées et attaques rapides. Mais finalement, il ne l’a été que sur le papier. Et dans notre imaginaire. Mais pas les faits. Car les maux de l’équipe lors de la phase avec ballon, significatifs des choix de joueurs déployés dans le dispositif en losange par Calleja, se font également ressentir lors des transitions.
Dans le jeu, l’équipe est toujours remplie d’hommes capables d’exercer une pression sur le porteur de balle. Mais c’est également ensuite dans la phase de transition que Villarreal souffre. Alors qu’elle aspire l’adversaire par son bloc médian et les grands espaces laissés sur les côtés, ses joueurs peinent à se projeter rapidement vers l’avant. Santi Cáseres, garant de l’équilibre du bloc, reste derrière. Manu Trigueros et Santi Cazorla, placé sur les côtés du losange n’ont pas le volume de jeu et la capacité de projection d’un Castillejo, parti cet été au Milan et dont le manque se fait brutalement ressentir, ou d’un Cheryshev en prêt à Valence. Et comme lors des phases avec ballon, pendant les transitions les deux espagnols au poste de Carrileros (craignant la profondeur dans leurs dos ?) participent aux déboires des séquences d’attaque.
Après avoir aspiré le bloc barcelonais, Santi Cáseres récupère le cuir dans l’axe. Fébrilement il va la donner dans les pieds de Fornals alors qu’il effectue un appel dans le dos de Semedo pour aller affronter les deux centraux restants. Alors qu’il a une trentaine de mètres devant lui, l’Espagnol ne peut pas mettre ses capacités de percussion à profit. Á côté, Gérard Moreno se propose en appui, tandis que de l’autre côté du terrain, ni Chukwueze, ni Manu Trigueros ne se projettent. Suite à une mauvaise transmission de Cáseres, la séquence finira par une sortie en touche à hauteur de la ligne médiane.
Après des mois qui montraient Villarreal se noyer dans une possession basse avant d’attendre un éclair individuel, l’équipe s’est acceptée en 4-4-2 à plat et l’animation offensive s’est reconcentrée sur l’attente et la profondeur. Et après avoir seulement joué en Copa Del Rey et en Europa League, Calleja a fait débuter Samuel Chukwueze en Liga, en pointe de l’attaque ou sur le flanc droit. Bilan : depuis le début du mois de novembre, le Nigérian a remis de l’incertitude dans la phase d’attaque et l’équipe traine une moyenne d’1,9 but inscrit par matchs alors qu’elle tournait autour d’1,3 but depuis le début de saison.
C’est sur cette configuration que Luis García a bâti son Villarreal. Grâce à l’explosivité de Chukwueze, l’activité de Pedraza ou encore la vélocité de Bacca, le nouveau technicien Luis García est pourvu de multiples joueurs aptes à dynamiser la phase offensive de Villarreal. Et les tracas offensifs de l’équipe, qui fléchit dans cette étape depuis le début de saison, pourraient rapidement s’évaporer. S’il serait savoureux de voir Pablo Fornals dans le duo du milieu avec Trigueros ou Cáseres, il est désaxé sur l’aile gauche avec beaucoup d’espace. Et c’est Manu Trigueros, comme lorsqu’il formait son duo avec Bruno sous l’ère de Marcelino, qui est chargé de créer, au côté de Cáseres responsable de la couverture et de la destruction. Quant à l’attaque, il y a quelques jours, Chukwueze a une nouvelle fois martyrisé la défense adverse en s’occupant personnellement de la paire Ramos-Marcelo à La Ceramica. De plus, la présence de Fornals à gauche, comme celle du Nigérian de l’autre côté donnent lieu à des permutations dans les couloirs : dédoublement du latéral dans le dos de l’ailier ou course dans l’intérieur du latéral lorsque l’ailier colle la ligne de touche. Là où il y a quelques semaines les pertes de balles des latéraux dues à une infériorité numérique étaient nombreuses. Mais aussi beaucoup de variété dans les mouvements lors des projections rapides vers l’avant. Face au Spartak Moscou du 13 décembre dernier (victoire 2-0), le premier but est issu d’une passe intérieure de Jaume Costa vers Gerard Moreno lors d’une attaque placée. Le second provient d’un jeu en triangle sur l’aile entre Toko-Ekambi et Fornals à la suite d’une contre-attaque menée comme une torpille par le jeune Chukwueze. Résister à la pression des grands fonds avant de remonter à la surface pour les cérémonies du mois de mai ?
* Expected Goals : outil permettant de mesurer la qualité d’une occasion de but avec une valeur de 0 à 1 et qui signifie que telle occasion à entre 0 et 100% de chance de finir par un but.