Le collectif des « 300 » en dérange certains, parce qu’à l’heure où l’on fait taire les associations de supporters, les 300 apparaissent fièrement dans les journaux en prônant leur totale dévotion au club du Paris Saint-Germain. Groupe, asso, potes, au fond que sont ces 300 ?
Connected people
Les 300, ce sont des supporters de Paname qui ne sont pas regroupés dans les tribunes du Parc mais dans un groupe caché sur Facebook. Les supporters de Paris ne manquant pas, le groupe qui commence en 2011 s’accroît très rapidement par réseau et le « coach », comprendre le fondateur de cette idée de génie, arrête les frais à 300, et semble bien fixé sur ce chiffre. 300, comme la BD et le film, d’où des comparaisons récurrentes aux Spartiates.
Chez les 300, aller au stade n’est pas obligatoire, par contre il faut savoir poster. Les amis et connaissances de potes se regroupent parfois en dehors du stade, mais c’est sur Facebook qu’ils ont leur raison d’être. Sur YouTube aussi, avec des vidéos où l’on se bidonne. Parce que les mecs ont de l’humour, et qu’ils sont sympas. Pour rentrer, il faut connaître quelqu’un du noyau, passer un entretien, et la liste d’attente s’allonge, au cas, par miracle, une éviction aurait lieu. Groupe fermé, image publique, et le buzz se crée.
Vidéo des 300. Y’a de l’ambiance en dehors du Parc, au moins.
Chaque membre du groupe a pour obligation de suivre 18 commandements rassemblés dans un règlement, entre gros délire et philosophie marketing. Point 3 : pas de propos raciste. Point 1 : pas de femme. C’est pas du racisme, mais du sexisme. Va pour le sexisme. Le 300 est courtois et sait s’exprimer dans un bon français, sans trop d’abréviations ni de fautes d’orthographe, sous risque d’avertissement voire d’éviction. Parce qu’Internet remplace la machine à écrire, et que le foot est un sujet qui inspire les belles lettres. L’écriture et le délire sont au centre de leur expérience de supportérisme.
Groupe virtuel, donc. Côté stade, ils sont un tiers (trop facile, ça fait 100) à être abonnés au Parc, éparpillés en virage, en présidentielle ou en quart virage. Les 300 font les frais, au même titre que les autres supporters, du placement aléatoire des supporters, mesure issue de la politique du nouveau PSG.
Le fric c’est chic
DJ, producteur, réalisateur, responsable relations presse, DG, publicitaire, chef de produit mode, les 300 regroupent du beau monde de la publicité et de la communication, même s’ils clament haut et fort la présence de RMIstes dans leurs rangs. Nous voilà rassurés. (le RMI n’existe plus depuis 2009, mais le RMIste se reconnaîtra). Le règlement impose le port des maillots « sous le costume » les jours de Ligue des champions. Perso, on le mettra sous notre jupette. Et le RMIste fait tomber le costume, comme nombre d’autres travailleurs. Charles Bukowski a bien été facteur. Pour plus de diversité, nous proposons une modification du règlement et une prise en considération de tous ceux-là.
Si l’objectif est de redorer et dépoussiérer l’image du supporter, la presse ne lésine pas sur les moyens. Les 300 aiment se fringuer, comme on peut le voir dans les pages mode d’un magazine destiné aux hommes, toujours, nommé L’Optimum : « Baptiste porte un bombers en peau de chamois pré-collection « icône » Louis Vuitton, une surchemise G-Star x Marc Newson, un jean en coton brut The Kooples, des sneackers en cuir et toile New Balance, un bonnet en acrylique Neff et un pull en laine vintage ». Sapés, costumés, le supporter, désormais, s’habille en Prada. Les 300 sont les princes du Parc.
Les 300 ont créé écharpes, tee-shirts et sweats à leur effigie au même titre qu’un groupe de supporters. Le groupe Facebook de supporters prendrait-il le relais des association désormais dissoutes, instaurant ainsi un nouveau modèle ?
La gueule de l’emploi
Les 300 collent bien avec le désir de public haut de gamme des Qataris. Une image impeccable et un discours politiquement correct. Nicolas Hourcade, sociologue et spécialiste des supporters, expliquait dans Le Monde que l’objectif des dirigeants du PSG « est désormais d’avoir un public lisse, consommateur, qui paie et ne formule pas de critiques envers l’institution ». Les 300 ne critiquent pas leur club parce qu’ils l’aiment. Et apprécient pas mal cette nouvelle équipe star system. Mais ils ont une ambition, le retour de l’ambiance au Parc. Les 300 ont un combat, lâche le coach, « c’est de réorganiser les tribunes ». Et pour ça, la place est libre.
Plusieurs membres des 300 travaillent déjà, de par leurs métiers respectifs, avec le PSG. « On espère que les dirigeants vont comprendre que si c’est fait correctement, le Club pourra redevenir plus cool », lance Hadrien des 300. « Pour nous, un stade doit rester vivant, on n’a pas envie de le voir comme une salle de cinéma. C’est le seul sujet qu’on aimerait aborder avec le club » dit le coach. Ils semblent bien placés pour, à défaut des associations de supporters recalées d’office.
Parleront-ils du retour des chants et de la fin du placement aléatoire érigé par le Paris Saint-Germain ? Des problèmes des ultras, ils se disent « spectateurs ». S’ils se désolidarisent du combat des supporters, pour James, porte-parole de l’ADAJIS (Association de Défense Administrative et Judiciaire des Intérêts des Supporters) et ex-Liberté pour les Abonnés, ils aident, puisqu’ils posent le débat.
Si les 300 ont tendance à devenir une référence en matière de fans du PSG dans les médias, c’est parce qu’il s’agit du milieu dans lequel nombre d’entre eux évoluent. Reste que ce groupe pourrait devenir un modèle futur d’association de supporters exhibé fièrement par la direction, et les porte-paroles d’un public qu’ils ne représentent pas dans sa totalité. Selon James, « la diversité des publics représentés est primordiale, c’est ce que le PSG n’a pas compris aujourd’hui ».
C’est sûr, les 300 ne seront pas exclus du stade pour avoir lancé un chant critiquant l’augmentation des abonnements. Ils n’insulteront pas Nasser, les adversaires (sauf l’OM), l’arbitre. Ils chanteront pour Paris, la Ville Lumière. Dans un Parc où les fresques historiques des supporters ont été effacées, mais où certains continuent de l’écrire, de façon moins spectaculaire, plus lisse et consensuelle, sur la toile. Leur slogan Fluctuat Nec Mergitur, devise de Paris quand elle était Lutèce, ne signifie-t-il pas « résiste aux flots mais ne sombre pas » ? Les 300 s’ancrent dans l’histoire. Espérons qu’ils ne l’oublieront pas.