La finale de la Coupe d’Italie remportée par Naples aux dépens de la Fiorentina (3-1) qui se déroulait hier à Rome restera longtemps dans les mémoires. Pas tant sur le plan sportif, mais au moins pour les incidents qui ont causé dix blessés côté napolitain dont un grave. Alors, à qui la faute ?
Quarante-cinq minutes de retard sur l’horaire initial, du jamais vu pour une finale de Coupe. Hamsik au pied de la Curva Nord du Stadio Olimpico tente d’apaiser ses tifosi qui font tout pour annuler le coup d’envoi. Depuis quelques minutes, la rumeur circule qu’un des leurs aurait été mortellement blessé par une arme à feu dans les rues de Rome. Plus le cœur au football. Par solidarité, les Napolitains débâchent leur zone et décident que ce match ne doit pas avoir lieu. Une décision à laquelle se rangent les supporters de la Viola qui, après concertation entre les capi (chefs) ultras, décident également de décrocher tout signe ostensible de soutien. Puis l’attente, avant l’annonce du speaker : pas de mort, le match se jouera.
Chronologie d’une journée de la honte
Une situation impensable, combinaison d’un grand n’importe quoi à l’italienne, qui prend naissance à la suite d’une somme d’erreurs. Distinguons d’une part la légèreté de la presse transalpine (puis française) dans son traitement de l’information, mais également d’autre part, la légèreté des pouvoirs publics au moment d’encadrer le bon déroulement d’événements sportifs.
La presse italienne d’abord. Aux environs de 18 heures, les premiers incidents entre tifosi sont signalés. Rapidement, les brèves se répandent sur la toile. Quelques minutes plus tard, les informations évoluent: plusieurs Napolitains auraient été blessés par balle. Le mal est fait. La presse italienne annonce que ces coups de feu font suite à une rixe entre Florentins et Napolitains. Les incidents sont immédiatement imputés aux ultras des deux camps. Nouvelle dépêche. Il ne s’agirait pas en réalité d’ultras de la Fiorentina, mais d’ultras de la Lazio. Erratum, énième correction, il s’agirait in fine d’ultras de la Roma et du Hellas. Schizophrénie. Parallèlement, certains médias commencent à annoncer la mort d’un supporter napolitain. Les réseaux sociaux font le reste. La rumeur enfle, sans que l’on ne sache vraiment la part de vrai ou de faux, jusqu’à parvenir aux fans déjà présents au stade. Pour la suite que l’on connaît.
Un supporter blessé par balle
En réalité, à cette heure-là, le supporter napolitain, Ciro Esposito, transporté dans un état grave à l’hôpital n’est pas mort (son état est jugé « critique » mais stable, un projectile est logé près de sa colonne vertébrale). De plus, les incidents relayés par la presse italienne ne seraient dus, ni aux tifosi toscans, ni aux tifosi romains au pluriel. Encore moins à ces fameux groupes ultras si vite mis en avant dès 18 heures.
L’auteur des coups de feu se trouve être Daniele De Santis, effectivement supporter de la Roma (interdit de stade par ailleurs), et arrêté par la police pour tentative d’homicide. Rien d’une rixe organisée en somme, mais un acte isolé à distinguer du monde ultra. De Santis, propriétaire d’un kiosque où se sont déroulés les incidents était déjà connu des services de police, notamment pour ses accointances avec des mouvances néo-nazie. Plusieurs éléments sont à signaler autour de cet événement. D’une part, les secours ont mis près d’une heure et demie à arriver sur place. À leur arrivée, les ambulanciers ont pris en charge les blessés, dont le Romain auteur des coups de feu, transporté dans le même établissement que ses victimes. D’autre part, au moment de partir du lieu de la fusillade, les secours ont refusé que les Napolitains présents au moment de l’incident les accompagnent à l’hôpital, pire ils ont refusé de leur donner durant les heures qui ont suivi des nouvelles des blessés. Problème, sur place étaient notamment présents deux responsables ultras important de la Curva A de Naples. Ces deux mêmes responsables qui, quelques heures plus tard, verront leur photo faire le tour du pays.
L’un d’eux, Gennaro de Tommaso est le premier à avoir apporté des soins à Ciro Esposito, le supporter grièvement blessé. Les deux responsables ne voulaient pas se rendre au stade initialement. Une fois sur place (après le refus des autorités de les emmener à l’hôpital), la rumeur de la mort de leur ami relayée par les médias a conduit à cette situation assez incroyable sur les coups de 21 heures. En réalité, la tifoseria napolitaine souhaitait simplement avoir des nouvelles concrètes de l’état du blessé. Peut-on réellement reprocher à ces hommes de ne plus avoir la tête à la fête ? Trop tard, le mal était déjà fait. À force d’abuser de raccourcis en tout genre, à force de toujours vouloir sortir « l’information » qui fera le buzz, les médias ont, comme souvent conduit à une situation de désinformation aux conséquences dramatiques. Loin de nous l’idée d’excuser l’ensemble de ces actes (et notamment les jets de pétards, visant à écarter les officiels des discussions, et fumigènes ayant blessé un pompier), mais la réalité lorsque l’on gratte un peu, est quand même bien différente des informations parcellaires relayées depuis hier.
Une organisation défaillante
D’autant plus qu’après les légers incidents causés par certains tifosi azzurri lors de l’avant-match, la question qui reste en suspend est la suivante : Comment un groupe d’une centaine de fans du Napoli a-t-il pu se balader plusieurs heures dans Rome en toute liberté ?
Une situation d’autant plus étonnante quand on connait les relations extrêmement tendus entre une frange de tifosi romains et napolitains depuis la rupture du jumelage entre les deux tifoserie. Comment un tel laxisme peut cohabiter avec autant de répression ? Les autorités interdisent les déplacements, les drapeaux, les tambours et les mégaphones. Elles distribuent des Daspo (interdiction de stade) à tout va. Pire, elles imposent la tessera del tifoso qui leur permet de savoir qui se déplace et dans quelles conditions, mais ces mêmes autorités ne seraient donc pas capables de gérer les flux de supporters convergeant vers la capitale un jour de finale ? Aberrant. Une situation d’ensemble difficile à comprendre pour le plus grand nombre, ce d’autant plus lorsque le capo de la Curva A, Gennaro de Tommaso (fils de Ciro, affilié au clan Misso de la Camorra, et surnommé « Genny la charogne ») échange avec Marek Hamsik avant le coup d’envoi dans une ambiance délétère, aux yeux du monde entier.
L’hymne italien est sifflé comme jamais par l’ensemble du stade, sous les yeux incrédules et impuissants de Matteo Renzi, le chef du Conseil. Des chants anti-napolitains relevant de la « discrimination territoriale » ont été entonnés. Mais c’est bien l’image du colosse à la tête de bandit, avec un t-shirt frappé de l’inscription « Speziale libero » du nom d’un supporter de Catane condamné pour meurtre sur un policier, qui est allègrement reprise. Et pour cause, c’est lui qui « a donné son accord » pour le déroulement de la rencontre. Pourtant, les dix blessés napolitains, dont un gravement par balle, mériteraient tout autant d’attention si ce n’est plus qu’un « chef ultra », aussi douteux soit-il, dont le « pouvoir » est maximisé.
En réalité samedi soir, c’est une nouvelle fois la faillite d’un système qui s’est étalé aux yeux des italiens. Un système non adapté où le dialogue n’existe plus, et qui se refuse à comprendre les caractéristiques et les multiples facettes de son public, pas toujours policé. Un système sans le sens où, les débordements et leurs auteurs sont toujours présents, mais où les véritables passionnés sont de plus en plus absents. Une situation d’autant plus difficile à accepter, qu’il suffirait de quelques mesures intelligentes pour apaiser le football italien.
Le contraste saisissant avec Parme-Sampdoria
Ce dimanche, la Sampdoria se déplaçait à Parma. Comme l’an dernier (et après les suggestions d’avocats de supporters au cours d’un colloque organisé au Sénat le mois dernier), au terme de nombreux dialogues avec les pouvoirs publics, les autorités locales, les clubs et les tifoserie organizzate, le déplacement a finalement été autorisé aux supporters non tesserati, eu égard de l’amitié vieille de plus de trente ans entre les deux tribunes.
Deux tifoserie parmi les plus passionnées et respectées d’Italie, résolument opposées à la tessera depuis sa mise en application et qui, par conséquent ne peuvent plus suivre les déplacements de leur équipe. Pour une fois, le bon sens l’a donc emporté. Conséquence ? Les 2200 billets mis à disposition des tifosi blucerchiati ont été vendus en à peine quelques minutes. 1000 billets supplémentaires ont ainsi été demandés au club parmesan qui a accédé à cette demande. Ces mille sésames sont partis aussi vite que les premiers. Au total, 3300 tifosi ont fait le voyage jusqu’à Parme, contre une quinzaine habituellement pour les déplacements avec tessera.
Qui pour en parler ? Qui pour faire la publicité de ce Calcio-là ? Des solutions existent, il est grand temps que l’Italie s’interroge sur le visage qu’elle souhaite donner à son football.
Avec Adrien Verrecchia
J’avoue avoir un peu de mal à vous suivre sur cet article. Si globalement je m’intéresse au monde des ultras et reconnait volontiers les abus dont certains sont parfois victime certains groupes de supporter, et si je suis également d’accord pour parler de traitement médiatique insuffisant ou orienté, je trouve que ces événement, tels qu’ils sont relatés dans cet article, font ressortir des paradoxes criants liés au monde des ultras.
En premier lieu, il serait peut-être temps que les groupes et le mouvement en général commence par assumer les tristes faits-divers qui leur sont associés : Je pense notamment à cette phrase « L’auteur des coups de feu se trouve être Daniele De Santis, effectivement supporter de la Roma (interdit de stade par ailleurs), et arrêté par la police pour tentative d’homicide. Rien d’une rixe organisée en somme, mais un acte isolé à distinguer du monde ultra ». Comment peut-on décemment affirmer qu’il faut dissocier ces incidents du monde ultra ? La bagarre est totalement liée au monde ultra, aux rivalités entre Naples et Rome, et découle uniquement de cette rivalité. Si cela avait été un conflit politique ou autre, on aurait pu discuter, mais dans le cas présent, ces malheureux événements sont directement liés au monde ultra (et croyez-bien que je suis le premier à le regretter).
Deuxième paradoxe, qui apparait quelques lignes plus loin. On voit sans arrêt, sur les divers forum ultras, des individus s’insurger contre les dispositifs policiers en place lors des déplacement, orientant les parcours et n’offrant aucune liberté aux supporters présent dans le cortège. Ce point là est sans doute pour beaucoup de groupe fan un point contesté de manière légitime (je pense notamment aux incidents survenus lors du match ETG-Sainté d’il y a une semaine ou deux). Mais quand on lit : « Comment un groupe d’une centaine de fans du Napoli a-t-il pu se balader plusieurs heures dans Rome en toute liberté ? » ça parait tout de même très hypocrite de la part d’une personne se voulant défenseur des ultras. Si la sécurité a été en effet défaillante, se réfugier derrière cet argument pour les ultras est le comble du paradoxe d’un mouvement qui demande à juste titre de la liberté mais qui ne condamne presque jamais ses débordements de violence. Si le dispositif avait été mieux prévu, je doute que les ultras de la Roma n’ait rien tenté, on se serait alors sans doute retrouvé avec un conflit direct avec la police, entrainant des violences policières qui auraient été dénoncées par le mouvement.
Qu’on soit clair, je ne me range pas du côté des interdictions et de la police, je suis un défenseur du mouvement ultra, mais existe un vrai problème lié à la violence au sein de ce mouvement, et ça, seuls les ultras en sont les responsables, mais refusent de l’admettre.
On voit régulièrement des individus affirmer que la violence fait partie du mouvement, tout en réclamant plus de liberté, en s’insurgeant contre la répression : Cela constitue pour moi un des grands paradoxe qui prouve que ces problèmes sont loin d’être terminés.
Bonjour,
Nous n’avons nullement la prétention ni la vocation à défendre les ultras. Nous essayons de retranscrire les événements sans exagération, à l’inverse de certains.
Ensuite, nous avons toujours pointé du doigt, en particulier sur l’Italie l’incompétence des autorités sur ces questions de supporters. L’Allemagne montre qu’une autre voie est possible que le tout répressif.
Enfin, un seul ultra romain pour nous (comme pour vous, j’en suis certain), c’est bien une personne isolée. D’autant que les ultras n’ont pas le monopole de l’antagonisme entre Romains et Napolitains…
Merci pour votre commentaire et au plaisir.
Bonjour,
Je précise évidemment que le texte ne s’adressait pas à l’auteur de cet article en particulier et n’avait pas pour but d’être agressif.
Je réagis simplement à quelques paradoxes du mouvement ultra qui me désolent et qui sont criant dans cette affaire (et également dans cet article).
Continuez votre super boulot
Salutations
Bravo pour votre article et de votre rectificatif sur la presse qui accusait à tort les ultras .
C’est bien c’est trop facile de nous montrer du doigt.
Bonne suite à vous.
La vérité? que vous apportez? mais la vôtre uniquement, le juge émet l’hypothèse plus que sérieuse d’un guet appens de supporters de la Roma et non pas d’une personne se trouvant la presque par hasard.
C’est dommage de manipuler l’information de la sorte, n’ayez pas peur de la vérité votre site en sortira grandi.
Le texte de Telex est lui d’une grande vérité. Merci d’avoir l’honnêteté de faire suivre l’information à vos lecteurs, surtout après les arrestations effectuées.
La vérité?? Suite aux arrestations, le juge avance l’hypothèse d’un guet appens des ultras de la Roma, ennemi de toujours des ultras Napolitains.
C’est embêtant à dire, c’est vrai, mais la vérité c’est plutot ça.
Bonjour,
Nous sommes actuellement (toute comme nous l’avons fait dimanche) en train de vérifier certaines informations auprès de sources italiennes.
Pour le moment, rien ne permet de dire qu’il s’agissait d’un guet-apens. La seule certitude désormais est qu’effectivement Daniele de Santis n’était pas seul.
Nous ferons le point rapidement sur les dernières nouvelles concernant les incidents de samedi.
Bien à vous.