Certaines dates sont inoubliables pour les supporters. Pour ceux de la Lazio, celle du 20 juin 2005 a un goût amer. Ce n’est pourtant pas celle d’un échec dans la course au titre ou d’une finale perdue. C’était le jour de la présentation d’un nouveau stade de rêve… qui n’a jamais été plus loin qu’une maquette. Un anniversaire d’autant plus douloureux que le terrain sur lequel le président Claudio Lotito comptait construire son nouveau stade est une piste sérieuse pour y ériger le nouveau Clairefontaine italien sur fond de gros sous.
Il y a exactement 10 ans, Claudio Lotito, le président de la Lazio, présentait son projet de nouveau stade. La séduisante idée du Stadio delle Aquile (stade des Aigles) était lancée après une oubliable seizième place en championnat, loin de la splendeur du Scudetto de 2000. Le fantasme de quitter le vétuste Olimpico est un vieux serpent de mer, aussi bien du côté de la Lazio que de la Roma. Centre commercial, cinéma, restaurants… la maquette réalisée par le géant du BTP Ama Group prévoit un chantier à 500 millions d’euros, que Lotito prétend pouvoir financer.
Le terrain est déjà choisi : il se situe près de Formello, le centre d’entraînement laziale, au nord de Rome. Il s’agit de 493 hectares le long de la rue Tiberina, appartenant à Agricola Alpa. Cette société est contrôlée à 99% par Micromarket 2000, une filiale immobilière détenue par Cristina et Marco Mezzaroma. Soit la femme de Claudio Lotito et son associé de beau-frère au sein de la Salernitana, l’autre club qu’il possède promu en Serie B cette saison. Aux alentours, un véritable quartier devait émerger, avec 12.000 habitations. Le terrain familial gracieusement proposé, estimé à 1,4 million d’euros, voit sa valeur immobilière exploser à 21,4 millions d’euros en 2009 grâce à ce projet d’envergure. Jackpot.
10 ans de mensonges
Malgré de nombreuses promesses et belles paroles, le projet n’aboutira jamais, à la différence du Juventus Stadium, pourtant présenté au même moment. Rien n’a été commandé, même pas une étude de faisabilité ou de viabilité des travaux. Pendant des années, différentes équipes municipales ont invité Lotito à soumettre un projet détaillé avec son espace aérien, répartis entre les installations sportives, commerciales et résidentielles. En vain. Lotito prétendait attendre la loi sur les stades (votée en 2009) qu’il s’était d’ailleurs rédigée sur mesure. Celle-ci a ensuite été rejetée et réécrite par la gauche, avec de nombreuses contraintes pour éviter la spéculation. Et avec comme conséquences dramatiques d’empêcher (ou de retarder grandement comme à Cagliari) l’émergence de nouveaux stades en Italie.
C’est le coup de grâce qui met fin au rêve de l’entrepreneur romain. Car outre cette enceinte multifonctions de 60.000 places, ce sont les plans de tout un quartier qui tombent à l’eau. Parmi les freins au projet, le secteur est sujet aux glissements de terrain puisque régulièrement inondé par le Tibre. Et comme si cela ne suffisait pas, plusieurs bâtiments historiques y sont protégés, comme une résidence d’été du pape Clément X datant du XVIe siècle. Pour Claudio Lotito, c’était « Tiberina ou la mort » du stadio delle Aquile. Cet acharnement sur ce site pose question, s’il en va du seul intérêt de la Lazio. Pourquoi refuser le stade Flaminio, utilisé par la sélection de rugby et aujourd’hui à l’abandon, ou les terrains constructibles proposés par la mairie le long de l’autoroute de l’aéroport Roma-Fiumicino ? Ou ne pas proposer d’alternatives ? Réponse : sans stade, le terrain familial perd la valeur immobilière qu’il a acquise.
La fédération pour sauver les meubles ?
Pendant ce temps, le rival, l’AS Roma, distille plusieurs images alléchantes de sa future arène, avec un complexe similaire à celui promis par Claudio Lotito, estimé à 1,3 milliard d’euros. Le constat est terrible : en 500 jours, tout était réglé pour les Giallorossi, du choix du lieu (Tor di Valle au sud) à l’accord du maire, en passant par la signature du contrat avec le prestataire. L’édifice sera terminé dans deux ans. De quoi agacer davantage les tifosi de la Lazio que le président a (encore) menés en bateau sur ce dossier.
Parce que le doute n’est plus permis. Leur président a compris que le béton pouvait rapporter gros. Alors autant se servir de ses liens privilégiés avec le football et le président de la fédération (FIGC), Carlo Tavecchio, qu’il a aidé à se faire élire. Justement, la FIGC cherche à établir un nouveau Coverciano (le Clairefontaine italien basé à Florence) du côté de Rome. Une aubaine pour Claudio Lotito qui a bien entendu proposé le domaine de la Tiberina, malgré les obstacles. Le projet prévoit de construire 8 terrains de jeu, un siège pour les bureaux de la FIGC, un auditorium pour les congrès. L’investissement à l’achat serait de 5 millions d’euros.
Comment Lotito compte remporter le gros lot
Michele Uva, le directeur général de la fédération, l’a confirmé ces derniers jours : « À Coverciano, il n’y a pas de marge d’expansion et nous avons 17 sélections entre le foot à onze, à cinq, le beach soccer, sans compter les arbitres ». Problème pour Lotito, selon Ulva, « six ou sept sites sont en lice » pour accueillir la FIGC. Et d’après diverses indiscrétions, certains candidats sont tout aussi influents : propriétaires de journaux, groupes de BTP… La fédération promet de faire prochainement un appel d’offres, pour la forme.
Alors pour remporter le marché, Claudio Lotito a un atout. La filiale Federcalcio SRL est chargée de la transaction financière de ce Coverciano bis. Son patrimoine est estimé à 31 millions d’euros. À sa tête, on retrouve de jolis noms : le président Tavecchio avec son célèbre dérapage raciste bien sûr, Mario Macalli, président de la Lega Pro (D3) et impliqué dans un scandale d’écoutes avec Lotito, Felice Belloli, président des ligues amateurs et démissionnaire après avoir regretté de « financer le football féminin pour 4 lesbiennes », et bien sûr notre Claudio Lotito, inculpé d’extorsion de fonds. Pratique pour se payer soi-même.
C’est certain, le gain espéré est plus faible qu’envisagé initialement. Cependant, un certain terrain via Tiberina devrait reprendre un peu de valeur grâce à un homme qui n’hésite pas de se servir du football pour spéculer. En attendant, les tifosi de la Lazio n’ont qu’à se préparer à ne plus pouvoir rivaliser financièrement et sportivement avec leurs voisins. Business is Business.
La pire date pour le club est le 19 juillet 2004 quand Claudio Lotirchio a repris le club.