Après deux mois de trêve hivernale, l’Ekstraklasa a repris ses droits la semaine dernière. Cette 23ème journée de championnat polonais nous offre l’un des matchs les plus attendus de la saison, Wisla Kraków-Cracovia Kraków. Le derby de Cracovie, le match le plus attendu pour les supporters des deux clubs mais également l’une des rencontres les plus violentes d’Europe.
Cracovie, deuxième ville de Pologne derrière Varsovie et capitale culturelle du pays, possède deux clubs de football : Wisla Kraków et Cracovia Kraków. Ces deux équipes ont toutes les deux vu le jour en 1906, rajoutant à la rivalité géographique un aspect historique. En Pologne, le derby de Cracovie prend le nom de Święta Wojna que l’on peut traduire par la « guerre sainte ». Selon la légende, Ludwik Gintel, défenseur de Cracovia dans les années 1910 annonça à l’équipe avant de quitter le vestiaire : « Messieurs, allons gagner cette guerre sainte ». Le premier derby inscrit dans les archives remonte au 20 septembre 1908. Cependant, comme un symbole, le match fut suspendu en raison de fortes pluies. Il faut noter que jusqu’aux années 1920, aucun journal ne communiquait sur les compositions d’équipes. Malgré tout, les années passent, les derby gagnent en intensité et l’antagonisme monte. Le 4 septembre 1939, le derby de Cracovie était à l’affiche mais l’invasion de la Pologne par le III Reich mit fin à l’opposition. Il faudra alors attendre le 28 janvier 1945, après la libération du pays pour voir se jouer un match de football dans une Pologne libérée de l’oppresseur nazi. Sur la scène nationale, le Wisla Kraków a remporté treize titres de champion contre seulement cinq pour le KS Cracovia, dont le dernier remonte à 1948. De même, à l’échelle européenne avec une participation régulière du club à l’étoile blanche aux compétitions internationales contre une simple présence en Coupe Intertoto pour le Cracovia en 2008. Le football évolue parallèlement à la politique et la présence des nazis puis des soviétiques a un impact sur la vie quotidienne de la région. La chute du bloc communiste en 1991 entraîne avec elle la chute de l’activité industrielle accompagnée d’une forte hausse des demandeurs d’emploi. Alors que le chômage atteint plus de 20%, la jeunesse polonaise se révolte, la violence se démocratise alors dans les stades. Une situation qui dure maintenant depuis près de vingt ans.
Entre violence et football
Deux mois de trêve hivernale, de quoi rendre fou plus d’un fan de football. Les supporters polonais ont quant à eux passés le temps à reproduire les tribunes en lego. Mais le championnat a bien repris et nous offre l’un des derbies les plus attendus d’Europe. La rivalité entre les supporters des deux clubs ne se limite pas au jour de match, une « guerre » quotidienne oppose les hooligans des deux camps. Les graffitis divisent la ville, les quartiers, les rues entre les partisans des deux équipes. En rentrant dans un quartier de Cracovie pro-Wisla, on peut lire sur une fresque murale : « Nous te montrerons une vision et t’offrirons un sentiment différent que ce que tu connais : Aujourd’hui un ennemi, hier un frère », comprenez par là que si l’on trahit les supporters du Wisla, on devient alors leur ennemi. Plus généralement en Pologne, des nouveaux supporters sont apparus depuis quelques années, les « hooltras » (contraction de ultra et hooligan). Ce type de supporterisme s’est developpé en raison de la banalisation de la violence dans les stades et de la passion exacerbée. Les hooligans polonais, exceptés ceux de Cracovie, ont signé le « pacte de Poznan » interdisant l’utilisation des armes blanches lors des combats. Les fights entre les hooligans des deux clubs de la petite Pologne ne sont donc régis par aucune règle, aucun code, le seul objectif étant de tuer. Il faut dire que les combats entre les deux factions ne sont pas organisés, il s’agit de « polowanie » que l’on pourrait traduire par « chasse ». En effet, les supporters les plus violents errent dans la ville à la recherche de leurs rivaux. Le jour du match, la ville est en état de siège et la police quadrille le stade afin de contenir les fans de chaque camp. L’un des épisodes les plus violents du derby date de 1990. Lorsqu’une rixe éclate entre les fans du Cracovia et la police, les forces de l’ordre ont une réaction jugée trop violente par les supporters entrainant une flambée de violence dans la ville. Les hooligans du KS Kraków partent en contre-attaque de la police qui est alors accompagnée des supporters du Wisla. Une scène improbable se déroule en plein cœur de la ville avec une bataille rangée tout azimute entre les supporters et les policiers. Un groupe de hooligans se rendit dans le centre-ville saccager l’ambassade soviétique, où des officiers avaient trouvé refuge.
Un match sous haute tension
En cas de victoire, le KS Kraków pourrait revenir à cinq points du troisième, synonyme de qualification pour l’Europa League. Le Wisla quant à lui consoliderait sa place de dauphin derrière le Legia Varsovie. Un match capital pour les deux équipes avec l’espoir d’accrocher le wagon pour l’Europe. Cependant, les caméras seront braquées sur le terrain mais c’est bien sur les tribunes que tous les regards se porteront. Et pour cause, la haine entre les fans des deux clubs est montée d’un cran depuis quelques mois. Le 14 septembre dernier, une semaine avant le choc de Cracovie, les supporters du Wisla ont déployé une énorme banderole dérobée à leurs rivaux qui était prévue pour le derby. Le jour de la rencontre, la tension était à son paroxysme se soldant par une intervention musclée de la police dans les tribunes. De plus, le 17 janvier 2011, Tomasz Czlowiel considéré comme le numéro deux des ultras du KS Kraków est assassiné de 64 coups de couteau par les hooligans du Wisla. Après deux ans d’enquête, huit supporters du Wisla Kraków ont été condamnés entre huit et dix ans de prison en décembre 2013. Le match des tribunes commencera donc avec un sentiment de revanche de la part des supporters des deux camps.
Sur une serie de quatre matchs sans victoire, le KS Kraków est désigné comme l’outsider de ce derby. Rendez-vous ce dimanche à 15 h 30 pour connaitre le verdict de la rencontre. Une chose est sûre, la rencontre promet du sang, de la sueur et des la(r)mes.