Vous le savez, tous les jeudis place à une affiche du week-end entre deux clubs qui se détestent. En l’occurrence qui se haïssent, en ce qui concerne cet Inter-Juve.
Le « derby d’Italie » comme on l’appelle là-bas. Gianni Brera, illustre journaliste italien, est le premier à utiliser ce terme pour désigner ce match en 1967. C’est dire si l’animosité entre ces deux clubs est grande. A l’inverse de beaucoup d’autres rivalités, celle-ci s’est fondée essentiellement sur des décisions arbitrales et cimentée par quelques divergences philosophiques. La sauce monte lors de la saison 1960-1961. La Juventus est menée par Boniperti et Sivori tandis que l’Inter est depuis peu dirigée par Helenio Herrera. Le 16 avril 1961, les Bianconeri sont en tête et reçoivent le troisième qui accuse un retard de 4 points. L’attente est énorme, les autorités sont vite débordées. 10 000 personnes en trop rentrent dans le stade. Le stade est littéralement plein à craquer (voir vidéo). Les spectateurs squattent le bord du terrain et deux d’entre eux, pas gênés, vont même s’assoir sur le banc du Franco-argentin. Les Milanais demandent à ne pas jouer le match, l’arbitre Gambarotta ne veut rien entendre. Jusqu’à la 31e minute. Le score est alors de 0-2 et le match est arrêté avec pour conséquence une victoire de l’Inter. la Lega valide ce résultat 10 jours plus tard mais la Juve fait appel et l’avocat Chiusano établit un recours à la CAF (Commissione di Appello Federale) pour rejouer ce match à la fin du championnat. L’appel aboutit. L’Inter crie au scandale puisque la CAF est un organe fédéral, donc sous l’égide d’Umberto Agnelli président de la fédération et du club piémontais. Et, devinez quoi, ce match sera décisif pour le Scudetto. Furieux, Angelo Moratti décide d’envoyer la Primavera. Il n’y aura pas match, 9-1 pour la Juve. Boniperti termine sa carrière sur cette polémique tandis qu’un certain Sandro Mazzola fait ses débuts ce jour-là.
Une haine exacerbée depuis 15 ans
Mais c’est à partir du 26 avril 1998 que rien ne sera plus comme avant. Et c’est encore à Turin qu’un litige va éclater. La Juventus est première avec 66 points et le FC Internazionale de Ronaldo est deuxième avec 65 points. Il Fenomeno tombe dans la surface turinoise bien aidé par Iuliano mais Piero Ceccarini ne bronche pas. L’arbitre reconnaitra par la suite son erreur. Del Piero, lui, obtient un penalty grâce à une faute de West un peu plus tard dans la rencontre. La Vieille Dame l’emporte encore, de là naissent les premières accusations de faveurs arbitrales. L’Inter tiendra sa revanche le 19 octobre 2002 à Giuseppe Meazza. Buffon est chargé par Vieri mais le bien-aimé Collina ne voit rien. But accordé, victoire interista 1-0. De longues joutes verbales sur fonds de soupçons de fraudes sportives des deux côtés fusent lors de la saison 2005-2006. Que ce soit Luciano Moggi ou Moratti fils, chacun traîne l’autre dans la boue avec des accusations qui se révéleront pour certaines malheureusement vraies. Le scandale Calciopoli éclate. Partout, la Juve est pointée du doigt pour des présumés matchs truqués. A l’inexactitude près que le procès est bâclé et que la suite du procès de Naples démontrera que la principale fraude sportive est l’intervention dans les désignations d’arbitre et que la méthode était pratiquée par tous les principaux clubs de Serie A… dont l’Inter. En clair la « Rubentus », les « ladri » (voleurs) souvent repris par les Interisti sont opposés aux « prescritti » régulièrement utilisés par les Juventini pour désigner leurs rivaux, qui comme d’autres, s’en tirent bien. Sans oublier les disputes sur l’attribution du (des) Scudetto (Scudetti) attribué à l’Inter et retiré(s) à la Juve.
Jamais un tifo lors d’un derby d’Italie n’avait fait autant de bruit. C’était l’an dernier, lors du derby retour au Meazza. Pas insultant, ni nauséabond, non, quelques mots bien sentis pour toucher la susceptibilité bianconera sur un sujet scabreux et encore sensible. « Mai stati in B » (comprenez, « Nous n’avons jamais étés en Serie B »). Avant le scandale Calciopoli, seuls ces deux clubs n’avaient jamais connus les affres de la Serie B. Bref, d’un côté de la mauvaise foi mêlée à un peu d’amnésie, de l’autre une plaie béante en plus du sentiment de bouc émissaire. Un chambrage en règle qui n’est pas sans rappeler cette banderole : « Inter, 20 ans de grande gueule pour deux Scudetti en carton ».
Il y a presque un an, le 3 novembre 2012, le derby d’Italie avait une saveur particulière pour les Nerazzurri. L’Inter mettait fin, cerise sur le gâteau au Juventus Stadium, à la folle série de 49 matchs sans défaite en Serie A de la Vieille Dame. Cette saison, les deux équipes ont démarré le championnat par deux victoires en autant de matchs. A qui le premier faux pas ? Réponse samedi 18 heures.
Par Adrien Verrecchia (avec Thibaut V.)