À l’aube de cette nouvelle saison de football en Géorgie, il semblait certain que le Dinamo Tbilissi allait pouvoir aligner son troisième titre consécutif, sans réel concurrent à son niveau en Umaglesi Liga. Et pourtant, une équipe anonyme est sortie du bois avec un très jeune entraîneur à sa tête. C’est l’histoire d’un exploit incroyable du Dila Gori d’Ucha Sosiashvili.
Gori ? A priori, il y a plus de chance que vous connaissiez cette ville de Géorgie pour un fait historique plutôt que pour son football. En effet, cette municipalité de 55 000 habitants est le lieu de naissance de Joseph Staline, un jour de décembre 1878. Il y resta d’ailleurs pendant sa jeunesse et son adolescence. Aujourd’hui, c’est un autre jeune homme qui fait parler de Gori : Ucha Sosiashvili. Et pourtant, quand ce dernier est arrivé au club du Dila Gori l’été dernier, c’était loin d’être gagné.
Du scepticisme à son arrivée
Dila Gori sortait d’une saison très décevante et connaissait des problèmes financiers. Après deux exercices réussis où le club avait fini cinquième puis deuxième du championnat de Géorgie, Dila Gori échoue à la 9e place en 2013-2014, à seulement cinq points de la relégation. L’été dernier, les dirigeants cherchent logiquement à offrir un nouvel élan à l’équipe, et recrutent pour cela un technicien géorgien de 24 ans.
Pour sa première conférence de presse en juin 2014, le scepticisme est de mise, que ce soit chez les journalistes ou les supporters. Quelques questions lui sont d’ailleurs posées concernant son âge. Mais Ucha Sosiashvili, sûr de son fait, répond simplement que « l’âge n’est pas une barrière pour [lui]. » Il faut dire que bien que jeune, Sosiashvili a déjà quelques expériences en tant qu’entraîneur. Il a débuté à 19 ans, avec des équipes de jeunes. Mais sa chance vient relativement vite en seniors.
En 2013, à 23 ans, il prend les rênes de Samtredia en deuxième division géorgienne. Six mois plus tard, il quitte l’ouest du pays – laissant Samtredia en haut de classement – pour rejoindre la capitale, où le Dinamo Tbilissi l’appelle pour s’occuper de son équipe réserve. Là-bas, il parvient à accomplir six mois de belle facture, avec une troisième place en fin de championnat en deuxième division. Ces performances remarquées lui ouvrent les portes de la première division, qu’il découvre donc avec Dila Gori cette saison.
Une première moitié de saison honnête
Sosiashvili profite logiquement de ses connexions avec le Dinamo Tbilissi pour récupérer quelques joueurs. Un joueur par ligne, et surtout Irakli Modebadze pour assurer l’animation de sa ligne offensive. Les premiers résultats sont encourageants. Après trois matchs, Dila Gori compte quatre points, avec une défaite à domicile contre le Dinamo Butami, une des meilleures équipes d’Umaglesi Liga.
Au cours de l’automne, un vrai collectif prend forme avec les idées de Sosiashvili. Bien que plus jeune que la plupart de ses titulaires (son gardien Somkhishvili a 10 ans de plus que lui), la mayonnaise prend et le groupe respecte le jeune technicien. Les résultats commencent à voir le jour. Fin septembre, Dila Gori accroche ainsi le Dinamo Tbilissi à domicile (0-0). Bien entendu, l’équipe connaît encore quelques déconvenues avec une défaite 3-0 à Shukura ou encore un nul 2-2 concédé sur le terrain du dernier juste avant la trêve.
Le bilan à mi-saison est malgré tout bon pour une équipe nouvelle, qui sort d’une saison très décevante : huit victoires, quatre nuls et trois défaites. Les espoirs restent de mise pour accrocher une place européenne en fin de saison, d’autant plus que Dila Gori est qualifié en quarts de finale de Coupe de Géorgie, où le Dinamo Tbilissi l’attend en février.
Une année 2015 de rêve
L’année 2015 reprend avec un nouveau 0-0 contre le Dinamo Tbilissi en quarts de finale aller de coupe. La confiance s’accroît du côté de Gori avec cette deuxième bonne performance contre le champion sortant. Dila continue avec deux victoires faciles mais vient une période un peu plus compliquée : des défaites sur les terrains du Dinamo Batumi puis du Dinamo Tbilissi (en coupe). Mais ces échecs restent minimes avec deux 1-0 qui ont permis de voir que Dila Gori n’était pas loin des meilleures équipes du pays.
Dès lors, l’équipe de Sosiahvili enchaîne. Le match nul glané dans les dernières minutes de jeu sur le terrain du Dinamo Tbilissi début avril fait office de match charnière. Ce 2-2 offre de vraies perspectives de titre au petit club, au coude-à-coude avec les deux Dinamo, Tbilissi et Batumi. Dila Gori ne lâche alors plus rien ; depuis ce match nul, les hommes de Sosiashvili enchaînent les superbes performances avec cinq victoires en cinq matchs. 12 buts inscrits et seulement 2 concédés sur ces cinq rencontres. Pendant ce temps, les deux Dinamo lâchent des points à de multiples reprises.
Ainsi, mercredi dernier, Sosiashvili et son équipe se déplaçaient sur un terrain bien connu de l’entraîneur : Samtredia. Une victoire 1-0 grâce à un but du capitaine Aleksandr Kvakhadze a suffi. À deux journées de la fin du championnat, Dila Gori a ainsi été sacré à la surprise générale, doublant quasiment son nombre de points par rapport à la saison dernière.
Sosiashvili, un nom à retenir
Dans cette aventure, nombre d’observateurs ont logiquement mis en avant Irakli Modebadze, arrivé dans les valises de son entraîneur. L’international géorgien a ainsi mis 14 buts cette saison, étant le meilleur buteur du championnat. Mais Sosiashvili a aussi su construire une vraie équipe solide, qui n’a concédé que 20 buts en 28 matchs.
Au lendemain de ce sacre, Sosiashvili a déclaré qu’il « vivait les moments les plus agréables de [sa] vie. C’est un grand bonheur de voir le résultat de notre travail avec l’équipe. Je veux féliciter tout le monde, particulièrement les supporters qui ont toujours été derrière nous. Nous sommes heureux que cette équipe ait conquis le premier titre de champion du club. »
Du haut de ses 25 ans, il a aussi taclé les sceptiques de l’été dernier : « On dit que l’expérience est la clé pour réussir au haut niveau, mais mon exemple montre qu’il peut en être autrement. Je n’avais aucun doute quant à ma capacité à mener une équipe de première division, mais bien entendu je ne pensais pas pouvoir gagner le titre cette saison. » Il ajoute même : « Je peux comprendre ceux qui se posaient des questions, mais si vous regardez mon travail, j’ai toujours su créer des équipes efficaces, que ce soit à Samtredia, au Dinamo Tbilissi, ou maintenant à Dila Gori. Et plus important, mes équipes ont toujours joué le haut de tableau. »
Ces premières belles heures de carrière en appellent certainement d’autres, comme le souhaite Sosiashvili. « J’espère que ce titre restera dans notre mémoire mais au côté de performances encore plus belles », mais le plus dur reste toujours de confirmer. Heureusement Sosiashvili a encore de nombreuses décennies pour le faire, à commencer par l’été prochain où il découvrira la Ligue des champions. En ce mois de mai, peut-être vit-on la naissance d’un très grand entraîneur de demain…