En septembre 2015, des incidents perturbent l’affiche Marseille-Lyon à quelques mois de l’Euro organisé en France. La machine médiatique est enclenchée, le député Guillaume Larrivé (LR) dépose dès la semaine suivante une proposition de loi contre le hooliganisme. Le texte a été examiné en première lecture début février à l’Assemblée Nationale et mardi dernier au Sénat. De quoi dévoiler déjà un large aperçu de la loi qui se dessine.
Depuis des mois, les différentes organisations nationales de supporters effectuent un travail de fond auprès de parlementaires pour se faire entendre. Le manque de dialogue avec les autorités publiques et sportives est un refrain entendu à maintes reprises. Le Conseil National des Supporters de Football (CNSF) notamment avait ainsi posé les premières pierres d‘un projet de loi sur la représentation nationale des supporters au sein des instances avec le soutien du secrétaire d’État aux Sports Thierry Braillard.
Suite aux événements susmentionnés, le député Guillaume Larrivé dépose donc son projet de proposition de loi (PPL) contre le hooliganisme et essentiellement axé sur la répression. Les protestations contre ce projet se multiplient dans les stades sous l’impulsion de l’Association Nationale des Supporters (ANS). L’agenda est bousculé, la proposition initiale des supporters sera mixée avec le texte du député de l’Yonne. S’en suit un débat en première lecture à l’Assemblée Nationale début février sans consultation des intéressés. « On a réussi à rééquilibrer la loi entre prévention et répression », se réjouira pourtant quelques semaines plus tard Thierry Braillard devant ces derniers.
La « loi Larrivé » pour les nuls
Comme pour beaucoup de lois, les longs textes inextricables auront eu raison de la plupart des passionnés de football. Souvent nommée « loi Larrivé », la dénomination officielle se veut la suivante : « dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme ». À moins d’une éventuelle majorité silencieuse, ils sont cependant nombreux à se positionner contre. À l’image du CNSF, ils peuvent se réjouir de l’aboutissement de la proposition de dialogue initiale et dénoncer les mesures de fichages (contre lesquels seuls le FN et les communistes se sont prononcés).
Depuis les débats en première lecture au Sénat, les grandes lignes de la future loi sont désormais connues. L’ANS a été auditionnée entre temps et les débats entamés peu avant 18 heures par les sénateurs se sont prolongés jusqu’à 1 heure du matin (avec une suspension de séance à l’heure du dîner). Cette fois, l’investissement sur ce dossier ne pourra pas être pointé du doigt. Le Parlement doit encore uniformiser le texte de loi en seconde lecture à l’Assemblée Nationale, il s’agit de la fameuse « navette ». Pour savoir ce qui a été voté ou non, conjointement ou non, par le Sénat et l’Assemblée Nationale, une simplification s’impose.
Ce qu’il faut retenir de l’article 1er : Ce premier article, adopté quasiment intégralement par les deux assemblées, semble conçu spécialement pour le Paris Saint-Germain. Même si selon la rapporteur au Sénat Catherine Troendlé (LR) « d’autres clubs sont intéressés et en ont fait la demande ». Il s’agit en effet ni plus ni moins que de l’autorisation du fichier STADE retoqué par le Conseil d’État sur l’exclusion arbitraire des supporters non concernés par une interdiction de stade. La voix est aussi libre pour la collecte de données dans des conditions qui restent à déterminer. Le Sénat n’a pas suivi l’Assemblée Nationale sur la publication d’un rapport annuel par la CNIL sur la question malgré l’avis favorable du gouvernement. Ce rapport annuel pourrait ne jamais voir le jour.
Ce qu’il faut retenir de l’article 2 : Les Interdictions Administratives de Stades (IAS, à ne pas confondre avec les IDS, délivrées par un juge) souvent attaquées par les avocats de supporters et annulées voient leur durée maximale portée à deux ans (contre un an auparavant). Et trois ans (contre deux ans auparavant) si le sujet était déjà interdit dans les trois dernières années. Le Sénat entend rationaliser l’obligation de « pointage » (se présenter et signer un document au commissariat les jours de matchs) en fonction du comportement de la personne. Une obligation parfois lourde, sachant qu’un club en lice jusqu’au bout en compétition européenne peut disputer une cinquantaine de matchs dans une saison.
Ce qu’il faut retenir de l’article 3 : Les parlementaires se sont rejoints pour que la FIFA et l’UEFA disposent des fichiers d’interdits de stade lorsqu’une équipe française prend part à une compétition de ces organisateurs.
Ce qu’il faut retenir de l’article 4 : Après le PSG, l’OM dispose aussi de « son » article soutenu notamment par le député marseillais Patrick Mennucci (PS). Les supporters olympiens ne pourront plus vendre les abonnements de leur club dans les virages.
Ce qu’il faut retenir de l’article 5 : La prévention est enfin abordée. Il aura donc fallu un texte de loi « pour forcer » la main de dirigeants du football à dialoguer. Si les relations s’améliorent avec la FFF, pas certain qu’un dirigeant de la LFP à la moustache aiguisée apprécie. Une instance nationale de représentation des supporters, placée auprès du ministre chargée des Sports, sera donc créée. Un décret doit déterminer sa composition et ses missions. Les clubs pros sont obligés, ce sera inscrit dans le Code du sport, de dialoguer avec leurs supporters. Pour la représentation au sein des clubs, malgré l’insistance du Sénateur Ronan Dantec (EELV), « nous y reviendrons peut-être dans quelque temps, lorsque le système sera bien rôdé », affirme le secrétaire d’État aux Sports. Reste à savoir quelles seront les « associations agréées » par le ministère des Sports et sur quels critères.
Ce qu’il faut retenir de l’article 7 : Nous inversons l’ordre des articles puisque l’article 7 nécessitant l’aval de l’Assemblée Nationale précise que la précédente partie sur le dialogue des supporters entrera en vigueur trois mois après la promulgation de la loi. Le temps pour les associations d’obtenir l’agrément indispensable du ministère des Sports.
Ce qu’il faut retenir de l’article 6 : Le Sénat n’est pas en concordance avec l’Assemblée Nationale sur l’extension de l’interdiction de stade aux lieux de retransmissions publiques des matchs (par exemple, les bars ou les fans zones de l’Euro).
Nous pourrions aussi mentionner les amendements rejetés, dont la détention de cannabis aux motifs d’interdiction de stade du député Philippe Goujon (LR). Ou plus regrettable, celui des communistes sur l’obligation de prononcer une interdiction de déplacement huit jours minimum avant la rencontre pour éviter les pertes financières des supporters s’organisant pour se déplacer. La question de l’actionnariat populaire est à l’étude dans le cadre de la conférence sur le sport professionnel selon Thierry Braillard et « des annonces seront faites vers le 20 avril ». Concernant la « loi Larrivé » si quelques points sont à peaufiner, les grandes lignes sont déjà dévoilées.
Merci à l’avocat Pierre Barthélemy pour sa précieuse aide.