Le 8 février 1984, la Triestina rencontre l’Udinese en Coupe d’Italie, un match capital en raison de la rivalité historique opposant les deux clubs. Au terme de cette rencontre, Stefano Furlan, tifoso des Giuliani est victime d’une bavure policière et succombe à ses blessures. Trente ans après sa mort, les ultras de la Triestina lui rendent hommage ce samedi. Récit d’une tragédie qui a secoué l’Italie.
Malgré leurs convictions politiques communes proches de l’extrême droite, les tifosi des deux clubs éprouvent une haine viscérale de l’autre. Précisons que le football des années 1980 n’est pas autant exposé à la télévision, le mouvement ultra est en pleine expansion et la présence policière est mal vécue par les supporters. Dans ce contexte, les fans en provenance d’Udine déferlent sur Trieste et la police n’est pas préparée à un tel événement. Le stade se situe à la périphérie de la ville et le déplacement des supporters vers l’enceinte sportive est marqué par une flambée de violences. Une fois le match commencé, la tension est loin d’être retombée et se fait ressentir dans les tribunes obligeant les forces de l’ordre à intervenir pour calmer les esprits. Sur le terrain les deux équipes se neutralisent 0-0, les coéquipiers du Brésilien Zico n’ayant pas réussi à se s’imposer dans ce derby. Mais le tournant de la journée va se dérouler après la rencontre lors de nouvelles violences.
Stefano, au mauvais endroit au mauvais moment
À la sortie du stade, les tifosi des deux clubs n’attendent que l’affrontement pour le début du match des tribunes. Les autorités séparent les deux camps à coups de gaz lacrymogène et de charges afin de maintenir l’ordre. Un climat de guerre civile règne à proximité de l’ancien stade « Grezar ». Loin des tensions, Stefano Furlan jeune homme de 20 ans et supporter de la Triestina observe la scène qui a lieu sous ses yeux. Pourtant, trois policiers sortent du rang et prennent à partie Stefano qui a le malheur de porter un foulard aux couleurs de la ville de Trieste pour protéger son visage. Trois jeunes femmes qui se situaient à proximité des lieux ont affirmé avoir vu l’un des policiers frapper à plusieurs reprises le jeune tifoso à la tête. Par la suite, Stefano Furlan est amené au commissariat et libéré dans la soirée. À la suite de cette bavure, la mère du supporter s’est exprimée dans le Corriere dello Sport : « Maman, j’ai été battu. Un policier m’a donné un coup de matraque sur la tête, puis au poste de police des gifles, des coups de poing et coups de pied. Je sais que Stefano n’est pas violent, je l’ai cru immédiatement. Il ne se sentait pas bien ». En effet, un jour après sa garde à vue le jeune homme se plaint de maux à la tête, Renata décide donc d’emmener son fils à l’hôpital. Malheureusement le mal est fait, atteint d’une fracture de l’os temporal, Stefano perd connaissance. Après 19 jours passés dans le coma, la victime est décédée le 1er mars 1984.
Renata Furlan : « Je sais que dans ce stade, il y a toujours une longue bannière avec le nom de mon Stefano. Toutefois, si vos amis veulent vraiment se rappeler, il faut aller au stade juste pour s’amuser et ne pas commettre des actes de violences. Je dis seulement une chose, vous ne pouvez pas mourir pour du sport ».
Hommage et justice à deux vitesses
Le policier responsable de la bavure a été reconnu par trois témoins et aussitôt suspendu de ses fonctions. En novembre 1985, la justice italienne a condamné le coupable à un an de prison pour homicide involontaire et usage illégitime des armes. Malgré tout, le policier en question a été réhabilité dans ses fonctions quelque temps après. La mère du défunt supporter s’est alors une nouvelle fois confiée concernant ce rebondissement : « Quelqu’un m’a demandé de faire passer un message pour les mères qui laissent leurs enfants aller au stade. Je vais envoyer un message aux autorités : la police devrait envoyer des gens qui savent ce qu’ils font et non pas des jeunes policiers qui ont leur première expérience et qui peuvent perdre la tête… ». La disparition de Stefano Furlan n’est pas oubliée à Trieste et lors de la construction du nouveau stade, le club lui rend hommage. Désormais, la tribune occupée par les ultras du stade Nereo Rocco porte son nom. En 1994 et 2004, lors du dixième et vingtième anniversaire, les ultras de Trieste ont formé un cortège avec une banderole « Stefano présent » en son honneur.
Trente ans ont passé après ce drame mais les bavures policières perdurent. Cette histoire ressemble à celle de Gabriele Sandri, tifoso laziale tué sur une aire de repos par un policier alors qu’il se rendait à Milan pour assister au match face à l’Inter. Aujourd’hui, l’Unione Sportiva Triestina Calcio affrontait Montebelluna. Et les supporters locaux n’ont évidemment pas manqué de se rappeler de Stefano.