Bologne, relégué en Serie B en fin de saison dernière, retrouvait son rival éternel, Modène vendredi soir. Cela faisait huit ans que les deux équipes ne s’étaient pas affrontées. Leurs supporters se haïssent. Les retrouvailles en tribunes s’annonçaient donc intenses. Immersion.
« Modenese pezzo di merda ! » (Modénois, salopard), entonnent les ultras bolognais. Depuis Bologne, c’est en train que nous effectuons la quarantaine de kilomètres qui relie la « ville rouge » à Modène. À deux heures du derby d’Émilie-Romagne, le train est bondé de supporters rouge et bleu. Il fait chaud, ça sent la sueur et l’alcool. Les tifosi du Bologne FC sont déjà bouillants : chant anti-Modène, anti-flic, anti-napolitain, tout le monde en prend pour son grade. 2400 Bolognais sont attendus.
Un derby d’Histoire, de voitures et de pâtes
Arrivés à Modène, les Bolognais se regroupent. Un important dispositif policier les encadre. Les chants anti-Modène redoublent d’intensité, « Modena, Modena, Vaffanculo ! », pas besoin de traduction. Les fidèles de Modène et de Bologne se haïssent, et ça s’entend. Les raisons de cette rivalité sont historico-culturelles. Bien que très proches l’une de l’autre, les deux plus importantes villes d’Emilie-Romagne ont longtemps été en guerre. Une guerre symbolisée par la sanglante bataille du « sceau volé » et de ses 3000 morts en 1326.
Modène versus Bologne, c’est aussi la ville de la Ferrari, contre celle de la Lamborghini. Autre point de discorde entre Modène et Bologne : les tortellini. Les deux villes se disputent l’origine des fameuses pâtes.
En 10 minutes, le cortège bolognais arrive au stade Alberto Braglia. Difficile de s’en extirper. Arrivé au guichet, plus de tickets en Curva Sud, le virage des supporters du Modène FC. « Première fois que ça arrive cette saison », nous assure un passant. Direction donc la tribune latérale pour retrouver Fabrizio. Ce cinquantenaire à l’allure sérieuse est le leader du groupe Belli Carichi qu’il a fondé en 1988. Lui et ses hommes occupent la partie de tribune latérale, jouxtant le parcage visiteurs. Fabrizio est tendu. Une défaite de son équipe ce soir, permettrait à l’ennemi juré de prendre provisoirement la première place et éloignerait Modène (12e) des play-off pour la montée.
À l’entrée des joueurs, les ultras locaux déploient un beau tifo jaune et bleu sur tout le virage (voir vidéo). Une banderole apparait : « Intempéries 2014, Modène remercie Bologne », tout le stade, visiteurs compris, applaudi. « L’année dernière la ville a été touchée par des inondations. Les ultras de Bologne se sont directement mobilisés pour nous porter secours », explique Fabrizio. Et d’ajouter : « Leur aide a été précieuse. Nous nous devions de les remercier ». Malgré leur rivalité, les supporters se serrent les coudes dans les moments difficiles. C’est aussi ça, la mentalité ultra.
Disputes en virage sud
Sur le terrain, on s’ennuie. Peu d’occasion, les deux équipes craignent la défaite. En tribunes, chants d’encouragement et insultes s’enchaînent. Aux « qui ne saute pas est de Modène », la Curva Sud répond : « Bolognais, vous êtes comme Césène » (autre club détesté des Bolognais ndlr). Les visiteurs se font entendre. Ils sont deux fois moins nombreux mais leur constance et leur unité dans les chants les distinguent de leurs homologues jaune et bleu. « On n’arrive pas à être synchro, admet Fabrizio. Il y a trop de conflits entre groupes ultras, du coup chacun chante de son côté ». À Modène, après la disparition du groupe Curva Sud en début de saison, plusieurs ultras se contestent le leadership du virage. Certains en sont même venus aux mains. Ces tensions nuisent à l’unité de la tribune. « Ils sont deux fois moins nombreux, mais c’est les Bolognais qu’on entend ce soir », déplore Fabrizio.
Après un 0-0 décevant, rencontre avec Turi, 53 ans. Une figure historique du virage sud. Ce vendredi soir, c’était lui le capo. Il partage l’analyse de Fabrizio mais il assure que tout « rentrera bientôt dans l’ordre entre les groupes ». Armé d’un seul mégaphone, il a eu du mal à se faire entendre ce soir : « Avant, on avait installé une sono puis le club nous l’a interdit ».
Le retour à Bologne sera calme. Huit ans après, ce « derby du sceau », fut un derby sans saveur. Côté tribunes, un beau tifo et des visiteurs déterminés auront embelli la soirée. En ce qui concerne les tortellini, on ne sait toujours pas qui, de Modène ou de Bologne les a inventés.