La nouvelle est tombée hier soir aux alentours de 21h. Riccardo Garrone, président de l’U.C. Sampdoria depuis 2002 s’en est allé à l’âge de 76 ans des suites d’une longue maladie. Bien plus qu’un simple dirigeant, le calcio perd l’un de ses plus éminents représentants.
Il est toujours très difficile de commenter la mort d’un homme sans tomber dans les formules d’usages mêlant dithyrambie, tristesse et compassion. Difficile également d’éviter les analyses ennuyeuses et encyclopédiques, visant à raconter la vie d’un seigneur laissant orphelins toute une colonie de fidèles non préparés à l’irrémédiable. Pourtant aujourd’hui, il est difficile de ne pas faire exception à nos principes pour rendre hommage à un homme exquis, propulsé sauveur d’un club mythique au bord de la disparition dix ans plus tôt.
Quant au cours de l’hiver 2002 Riccardo Garrone reprend le club, la Sampdoria flirte alors dangereusement avec la Serie C, bien loin d’un glorieux passé construit de main de maître par Paolo Mantovani. Plus qu’un engagement financier pour le propriétaire d’une société pétrolière par ailleurs sponsor maillot du club, cette acquisition représente un véritable engagement moral d’un homme profondément amoureux du club doriano. L’objectif n’était alors pas de survivre, mais plutôt de ramener la Sampdoria à la place qui était la sienne, parmi l’élite à viser l’Europe. Durant toutes ces années, beaucoup ont appris à connaître cet homme d’un point de vue purement footballistique via l’étiquette de président. Mais seuls les tifosi blucerchiati ont eu le privilège d’apprécier réellement l’aura et la classe du dirigeant en tant qu’individu. Riccardo Garrone faisait partie de ceux capables de se faire à la fois aimer et contester sans jamais que les mots « respect et classe » ne soient remis en question par les Sampdoriani de tous horizons. Tout simplement car ce Génois pur souche a su redonner sa fierté à tout un peuple. Quand le club se voyait tourner en dérision par ceux-là même qui prenaient un malin plaisir à semer d’embûches la route de la Samp’, Riccardo Garrone était là. Quand après des années de galère, la mort dans l’âme beaucoup renonçait à soutenir encore et toujours les plus belles couleurs du monde, Riccardo Garrone était encore là. Quand il a fallu enfin redonner un sens au mot unité au sein de la famille Sampdoria, notre président était là.
De la quasi-faillite à la Ligue des Champions
Beaucoup lui ont souvent reproché sa trop grande rigueur budgétaire, devenue par ailleurs source des moqueries adverses, au moment de la période des transferts. Il y a du vrai dans tout cela. Il n’empêche qu’après avoir récupéré une Samp’ au bord de la faillite, Riccardo Garrone la lègue aujourd’hui à son fils avec des comptes positifs. Ce malgré une douloureuse relégation en 2011 vécue avec recul, la faute à la maladie. Cet homme au regard constamment pointé vers le futur, voulait tout simplement le meilleur pour un club qu’il aimait profondément. Force est de constater qu’en ce 22 janvier 2013, « Duccio » a accompli sa mission avec brio. Deux promotions en Serie A, une finale de Coupe d’Italie, quatre participations européennes et tant de satisfactions autres pour les doriani. L’invasion de Brème par l’armata blucerchiata un soir de tour préliminaire de Champions League peu de temps après la transhumance vers Rome pour la finale de la coupe. Ce dimanche 16 mai 2010 où, au soir d’une qualification pour la compétition européenne reine, Gênes a basculé dans une douce euphorie empreinte de folie et de fierté. Mais aussi les batailles multiples menées sur tous les fronts par un homme à l’écoute de ses tifosi dont il était en quelque sorte, membre à part entière. Une répartition des droits télés plus égalitaire, la refonte du droit italien visant à simplifier la construction de nouvelles enceintes sportives, ou encore sa lutte permanente pour les libertés des supporters. Autant d’éléments ayant forgé l’image extraordinairement positive dont jouit maintenant la famille Garrone. Riccardo a su, des années après l’historique président Paolo Mantovani, remettre au goût du jour les valeurs de la Sampdoria basées avant tout sur l’élégance et le fair-play.
D’une grande discrétion, Riccardo Garrone se muait en véritable père de famille plein d’affection pour ses joueurs. Un trait de caractère qui n’empêchait pas un certain degré de fermeté tant l’homme n’avait pas pour habitude de revenir sur ses décisions. Cette extraordinaire accolade avec Antonio Cassano et Giampaolo Pazzini au soir du 14 mai 2010 restera comme la dernière image « joyeuse » d’une figure du calcio. Aussi, et après avoir souvent regardé vers l’avenir et le futur, il est enfin temps aujourd’hui après onze années de bons et loyaux services de se tourner vers le passé. A ce titre, nous retiendrons l’image de Riccardo Garrone brandissant fièrement les couleurs de son club devant la Gradinata Sud du Luigi-Ferraris. Hier, c’est un homme à jamais accolé à la ville de Gênes et représentant un certain idéal footballistique de plus en plus rare qui nous a laissé…
Ciao Presidente, grazie di cuore.