Comme à son habitude, José Mourinho a démontré ses talents de communiquant en faisant preuve d’une mauvaise foi sans égale dans son analyse du huitième aller PSG-Chelsea du 17 février (1-1) de Ligue des champions. En attirant l’attention sur sa personne, le Portugais a éloigné les regards de la performance de son équipe, qui a pourtant beaucoup souffert défensivement lors de la première manche.
Prudence contre prudence
Les huitièmes de finale aller de la Ligue des champions sont souvent des pics de tension dans une saison. C’est le passage brutal des matchs où il existe une seconde chance, à ceux où il n’y en a pas. Décidé à ne pas compromettre les siennes dès la première manche, le PSG s’est présenté face aux Blues avec un plan ultra-prudent.
Organisés dans un 4-1-4-1 à la fois bas et compact, les Parisiens n’ont jamais chassé le ballon au-delà d’une ligne imaginaire à 60 mètres de leur but. Forcés à le posséder en première mi-temps, leurs adversaires n’ont pas fait preuve de beaucoup plus d’audace. Blanc refusant d’offrir à Mourinho les espaces pour contrer, la présence de Ramires au cœur du jeu devint rapidement inutile offensivement : si Chelsea joue avec un double pivot, tous les ballons passent par Matic, et Verratti sort sur lui lorsque c’est le cas.
Peu de (ou aucune) prise d’initiative offensive : souvent, (en première mi-temps) 4 maillot jaunes sont dans leur camp alors que 10 Parisiens sont dans le leur, avec le seul Ibra en pointe. Verratti et Matuidi font le boulot face au porteur quand le ballon circule latéralement. La tension est partout, le danger nulle part.
Les changements de marquage / Comment Paris a créé le danger
Avec deux plans aussi prudents, c’est le spectacle du match, et surtout la spontanéité offensive des deux équipes qui passe à la trappe. Pour autant, c’est Paris qui tire son épingle du jeu dans cette course au plus lent. Au milieu, ce sont deux systèmes similaires qui se font face : des 4-5-1 à tiroirs. L’avant-centre fait acte de présence et, derrière lui chacun des 5 milieux a un joueur à marquer en face, s’il vient dans sa zone.
Dans ce contexte, Paris a créé le danger de deux façons : d’abord en exploitant le manque de spontanéité de Chelsea sur attaque placée. Sur plusieurs séquences, le ballon circule latéralement, sans que l’attaque londonienne ne devienne jamais « totale », les défenseurs ne prenant aucune initiative dans la construction.
En surnombre dans leur camp, les Parisiens peuvent opérer des prises à deux sans risque. Ils récupèrent et se projettent rapidement vers l’avant. Forcément du côté anglais, un léger flottement apparaît dans les marquages sur ces passages brutaux de l’attaque (ou plutôt la possession) à la défense.
Sur l’occasion de Matuidi, la présence d’Ibra dans la zone de Matic offre au Français la liberté de chauffer Courtois une première fois.
Paradoxalement, c’est Paris qui craque le premier : Cavani oublie Cahill qui se prend pour Guti : Ivanovic glace le Parc. Sur un coup franc long joué court, les Londonien ouvrent le score sur leur quasi-seule frappe du match. Il a fallu un coup de pied arrêté pour que les défenseurs prennent enfin l’initiative de faire le nombre offensivement, face au plan prudent de Paris. Malheureusement pour le PSG, ça a payé tout de suite.
Chelsea en difficulté défensive…
Chelsea s’en sort très bien sur la première période, mais va vite payer ses errements défensifs. Ou plutôt son système défensif. Sur l’action de l’égalisation, Cesc est promené entre Matuidi, David Luiz et Cavani. Avec un système défensif mixte, qui n’est ni une individuelle ni une zone, les Londoniens vont s’emmêler les pinceaux, et payer une certaine confusion dans les marquages. Surtout, la façon dont ils sont échangés. C’est l’hésitation de Cesc qui casse la chaîne pour offrir à Matuidi une liberté que Cavani va exploiter, avec le concours de Cahill, très douteux sur cette séquence.
… Et sans transition offensive
Paris prend alors le contrôle d’une seconde mi-temps à sens unique. La séquence qui précède l’énorme occasion d’Ibrahimovic est symptomatique de difficultés défensives dont Chelsea a déjà fait preuve cette saison.
Quand le ballon va sur un côté, les Blues passent en individuelle. Face à une équipe qui joue en 4-2-3-1, Matic suit automatiquement le créateur adverse. Son rôle défensif était difficile à définir au Parc lors du match aller, Paris n’ayant pas de 10. Toujours est-il qu’il a souvent dû se déporter latéralement pour couvrir ces marquages confus.
L’axe étant ainsi dégarni, les Blues ont beaucoup souffert sur les seconds ballons, se mettant en grand danger, et se privant de toute transition offensive. En ne tirant quasiment qu’une seule fois, ils ramènent un nul (avec but à l’extérieur) assez heureux du Parc.
Malgré cela, ils ont toujours pu profiter d’un surnombre dans une surface dont leur plan a parfois ouvert l’accès au PSG. Moins protégée que par le passé, la charnière blue n’aura finalement failli que sur le but de Cavani où Cahill se troue.
A qui les regrets ?
Après des mois passés à bâtir une équipe plus ambitieuse dans le jeu, Mourinho aura géré la première manche de ce premier sommet européen de la saison de façon très défensive, et ce sans grande efficacité. La seule séquence du match sur laquelle les Blues ont fait preuve d’ambition offensive est celle de leur unique but.
La qualité de ses gardiens est sûrement entrée dans la réflexion du Mou, mais il est désormais face à un dilemme stratégique.
Aujourd’hui, ses joueurs ne sont que légèrement en position de force, et il sera intéressant de voir son approche, dans un match retour où un seul but encaissé lui ferait perdre l’avantage du terrain.
Aurait-il dû se donner les moyens (offensifs) d’aborder le retour plus sereinement ?
Avec 14 tirs à 2, Paris pourra forcément regretter un certain manque d’efficacité offensive. Cela dit, en plaçant David Luiz plutôt que Verratti devant la défense (et de fait Pastore sur le banc) Blanc s’est privé d’une certaine qualité créative.
Pour préserver la solidité défensive de son équipe, il a fait preuve d’une certaine prudence (notamment dans le plan sans ballon), face à un adversaire qui a montré ses limites défensives. D’une façon assez malchanceuse, le Cévenol n’est pas parvenu à emmener en Angleterre cette précieuse clean sheet à domicile.
L’an dernier avant le retour, Blanc avait prévu le momentum de Chelsea dans les 20 premières minutes. Les Blues avaient accéléré – et marqué – à la demi-heure. Mourinho s’appuiera-t-il sur les nouvelles qualités offensives dont il a doté son équipe cette année pour régler l’affaire ?
Victor