Dimanche, le Portugal a subi une nouvelle humiliation en étant battu sur son terrain par l’Albanie lors de la premières journée des qualifications à l’Euro 2016. S’il n’y a pas péril en la demeure, la physionomie du match montre bien que Paulo Bento n’a toujours pas trouvé les solutions aux problèmes lusitaniens, largement entrevus lors du Mondial brésilien…
Les mouchoirs blancs étaient de sortie dimanche à Aveiro. On joue les dernières minutes de la rencontre entre le Portugal et l’Albanie, lorsque les supporters portugais ont commencé à brandir les mouchoirs, en signe d’au revoir, accompagnés de nombreux sifflets. Un message fort envoyé non pas aux Albanais de Lorik Cana mais bien à leurs propres joueurs, et surtout à Paulo Bento, le sélectionneur de la Selecçao. Car après une Coupe du monde totalement ratée (élimination au premier tour), les Rouge et Vert ont débuté leur campagne de qualifications par une défaite face à la modeste Albanie… À domicile qui plus est. De quoi enflammer les principaux journaux du pays, A Bola et Record évoquant tous deux le mot « honte ». Et dans un groupe qui compte également la Serbie (avec des joueurs comme Kolarov, Ivanovic ou Matic) et le Danemark (la bête noire des Lusos en qualifications), les craintes du peuple portugais sont fondées. Et même si les éliminatoires n’ont jamais été la tasse de thé de CR7 and co, le mal est profond, et une mise au point s’impose au pays de la morue.
La révolution attendra
dimanche, le onze de départ par rapport à la dernière sortie portugaise (la victoire contre le Ghana 2-1 au premier tour de la Coupe du monde) était très peu remanié (six joueurs étaient titulaires dimanche comme à Brasilia). Mais que l’on ne s’y trompe pas, la plupart des absences n’étaient dues qu’aux circonstances. Ainsi, Beto, Cristiano Ronaldo, Ruben Amorim et Bruno Alves étaient absents car blessés, et non par choix de Bento (à part CR7, préservé en raison de son genou). Le dernier changement opéré entre le Ghana et l’Albanie concernait la place de latéral gauche, récupérée par Fabio Coentrao, de retour de sa blessure contractée au Brésil. L’opinion publique reprochait au sélectionneur national de ne pas avoir assez fait confiance aux jeunes. Dire qu’il s’est entêté est un euphémisme. Et même si Ricardo Horta et Ivan Cavaleiro sont entrés en jeu (respectivement première et deuxième sélection), la révolution attendra. Car mis à part William Carvalho, qui semble parti pour s’installer dans l’entrejeu de la Selecçao das Quinas pour de bon au détriment du vieillissant Raul Meireles, les Adrien Silva, Cédric Soares, Nelson Oliveira ou encore Bruma se font attendre. Ce n’est pas faute pour certain d’avoir du temps de jeu en club à l’instar d’Adrien, dépositaire du jeu du Sporting aux côtés de… William. Une association des deux hommes, qui se connaissent parfaitement, pourrait relancer le Portugal comme elle a relancée le Sporting l’an dernier. Et incorporer des jeunes aux dents longues, qui ont prouvé dans les catégories inférieures qu’ils avaient du talent (notamment Ruben Neves, qui a 17 ans, est titulaire à Porto), pourrait faire réagir certains cadres, installés depuis trop longtemps dans un certain confort en sélection (Moutinho, Veloso, Pereira).
Un réservoir plutôt intéressant
Le futur du Portugal ne passe plus par des Nani, des CR7 ou des Pepe, mais bien par ces jeunes-là. Et profiter de l’expérience de ces grands joueurs pourraient permettre aux néophytes d’être prêt à prendre la relève à l’aube de l’Euro 2020. Car le réservoir lusitanien n’est pas encore tari. Les dernières performances des U19 (finalistes de l’Euro cet été), emmenés par le Lillois Marcos Lopes, montre bien que l’avenir de la sélection n’est pas (pour le moment) en péril. Reste qu’il faudra faire confiance à cette nouvelle génération, et ne pas les faire disparaître à la manière des U20 de 2011 (finalistes de la Coupe du monde) : de cette génération, seul Nelson Oliveira compte des sélections en A (pour le résultat que l’on connaît). Si les joueurs doivent se faire une place en club, il faut aussi leur laisser leur chance avec le maillot national. Mais comme pour préparer le futur, il faut préparer le présent, revenons à aujourd’hui. Et le fait est que ce n’est pas brillant. Cette défaite a rappelé une fois de plus que le Portugal était devenu une équipe moyenne, incapable de jouer en équipe, de trouver des solutions contre un adversaire qui joue regroupé (comme ce fut le cas de l’Albanie dimanche), et surtout, toujours aussi stérile devant le but adverse.
Trouver un numéro 9, vite !
La rencontre d’Aveiro a été un condensé de tout ce que les supporters portugais vivent depuis maintenant huit ans. Une rencontre jouée avec le frein à main, sans forcer, jusqu’à l’ouverture du score adverse qui précipite une réaction de la part des ouailles de Bento. Depuis les qualifications à la Coupe du monde 2006, terminées haut la main à la première place (avec en point d’orgue, un 7-1 infligé à la Russie), les Portugais galèrent à chaque éliminatoires. La faute à des défenses regroupées face aux coéquipiers de Cristiano Ronaldo. Problème ? Le Portugal n’est pas une équipe qui aime dominer et faire le jeu. C’est une équipe qui évolue relativement bas sur le terrain et contre son adversaire, en exploitant la vitesse de ses ailiers grâce à des passeurs de talent comme Moutinho. Face à des formations totalement regroupées, qui se projettent en contre, les Ibériques se heurtent très souvent à un mur, et tombent dans une caricature du tiki-taka barcelonais, qui n’aboutit le plus souvent à rien. Ou à un centre… Ce qui est à peu près la même chose.
Car devant, le numéro 9 est complètement laissé à l’abandon durant 90 minutes. Éder est critiqué à juste titre depuis la Coupe du monde pour ses mauvais contrôles, ses mauvaises passes ainsi que sa maladresse, mais il n’a pas la partie facile. Pour toucher des ballons, l’avant-centre du Portugal doit redescendre bas, et jouer en pivot. Sauf que cela implique qu’il n’y ait plus personne à la réception des centres. Lorsqu’il est présent dans la surface, l’attaquant de Braga (et ses coéquipiers Helder Postiga ou Hugo Almeida), doit faire face à deux voire trois défenseurs. Même s’ils sont d’excellents joueurs de tête, il est toujours compliqué de s’imposer dans les airs face à plusieurs adversaires. Cette question est dans toutes les bouches depuis le départ de Pauleta, il faut trouver un numéro 9 et vite !
Mais il faudrait aussi essayer de changer de système, comme jouer à deux pointes, avec un avant-centre pur, et un autre qui tournerait autour, redescendrait et distribuerait le jeu dans les 30 mètres adverse. S’entêter dans ce 4-2-3-1 version 2004-2006, avec Pauleta à la finition et Deco à la baguette n’a plus de sens. Et comme cela fait maintenant bien longtemps que la sérénité défensive a elle aussi quitté le pays de Martim Moniz, les résultats ne sont plus au rendez-vous. Car les Portugais ont une fois de plus encaissé un (magnifique) but sur l’une des rares offensives de leurs adversaires, à l’image de ces huit dernières années. Les dirigeants portugais doivent rapidement se rendre compte du chantier qui les attend. Car le mois prochain, outre le déplacement au Stade de France, les hommes de Bento seront au Danemark pour leur deuxième match de qualifications. L’occasion d’oublier la défaire contre l’Albanie. Ou de couler définitivement. Il sera alors temps de se poser les bonnes questions et d’agir en conséquence, pour préparer l’avenir, quitte à sacrifier l’Euro 2016, qui devrait être le dernier de Cristiano Ronaldo, si ce n’est sa dernière compétition internationale avec la Selecçao. Mais ça, c’est une autre histoire…