Les ultras du Sporting Club de Toulon ont fêté les 30 ans de la création du mouvement dans leur ville contre Hyères ce samedi 12 mai. Et si les résultats sportifs ne suivent pas depuis deux décennies, la tribune Mouraille prouve que la flamme ne demande qu’à être rallumée.
« La passion n’a pas de division ». Le slogan est un peu trop connu sur la Rade et définit sans doute le mieux les ultras du Sporting. Parce que contrairement aux idées reçues, Toulon n’est pas qu’une ville de rugby. Pour les plus anciens ou les plus fins connaisseurs du ballon rond, le stade Mayol abritait en plus du Rugby Club Toulonnais une chaude ambiance de football dans le milieu des années 1980. S’y déplacer en D1 pour jouer le mythique SCT des Rolland Courbis, Luigi Alfano et bien d’autres n’était guère une partie de plaisir. Tout inspirait la crainte : tant l’équipe rugueuse sur le terrain, les tribunes surchauffées, et la ville elle-même réputée malfamée où un quartier attenant au stade était surnommé Chicago.
Et si cette époque a marqué les esprits de ceux qui l’ont connue, c’est surtout grâce aux groupes fondateurs du mouvement ultra toulonnais témoins des années dorées du Sporting. Le mythe des populaires de Mayol commence avec la création des South Wolfs en 1987, puis les Rastas Bronx en quelque sorte le bras armé de la tribune. Un peu plus tard, une génération un peu plus jeune forme en 1990 la Brigade Azur et Or en face, en tribune Delangre. À l’heure où le club commence à entamer ses déboires sportifs et financiers dans les méandres du football amateur, de la fusion de ces trois groupes naîtront les Irréductibles 1993. Un groupe à l’italienne, original, avec un répertoire unique et qui a su se forger une crédibilité dans le paysage ultra au-delà des résultats médiocres du Sporting. Hélas, les IRD93 suspendent leurs activités 20 ans plus tard pour des raisons internes, un coup dur pour l’ambiance de la Mouraille du stade Bon-Rencontre.
Une unité retrouvée
Cette incapacité du Sporting Toulon à remonter les échelons n’a pas aidé, et ces dernières années les Fedelissimi Toulon 1998 – bien que les fondateurs se soient retirés également pour des raisons internes – étaient le seul groupe ultra toulonnais encore en activité. Désormais, d’autres entités composent la tribune avec le Bloc D (composé d’anciens IRD et Fedelissimi) et les Amoureux du passé (l’ancienne jeune garde des IRD93) sans compter la bâche Old Clan qui rassemble les pionniers depuis de nombreuses années. Pour une fois, tout ce monde a enfin su faire corps. Outre le déplacement au Stade Bordelais en début de saison, l’anniversaire des 30 ans du mouvement ultra a été préparé de concert même si en dernière minute. Une petite révolution à Toulon où les divisions passées semblent être effacées.
Et il n’en fallait pas moins. Aussi bien pour l’hypothétique et espérée remontée en National attendue depuis 10 ans que pour obtenir une fête réussie où Toulon retrouve son potentiel maximum en tribunes à ce niveau. C’est par une exposition de photos en centre-ville que la journée démarre. Dès 13 heures, le bar et la place choisis sont pleins. Une mobilisation inédite des noyaux durs, qui touche même quelques supporters lambdas conscients du rôle des groupes ultras dans l’histoire du Sporting. Ce n’est pas pour rien si des anciens joueurs emblématiques (Cédric Charlet, Franck Zingaro, Luigi Alfano) étaient aussi présents. Tout comme les diverses amitiés et jumelages des groupes : Paris (Tigris, K-Soce, Menilmontant), Genoa, Alessandria, Pise, Naples, Celtic, Cannes, Dortmund). Claude Joye, l’actionnaire principal du SCT « bluffé » est lui aussi passé féliciter les leaders de groupe. Classées par ordre chronologique et étalées sur des panneaux ou des tables, des photos et des écharpes racontent successivement 30 ans d’histoire.
En ce moment ça se passe au Twiggy café à Toulon pic.twitter.com/Myc10nsJ8R
— Sporting Club Toulon (@sportingtoulon) May 12, 2018
— Sporting Club Toulon (@sportingtoulon) May 12, 2018
Magnifiques photos lors de l’expo #ultrastoulon #national2 #toulon pic.twitter.com/GcyOq62HwJ
— Sporting Club Toulon (@sportingtoulon) May 12, 2018
Cortège, tifo et fumis
« Si on ne gagne pas aujourd’hui, on casse des jambes », l’a prévenu à moitié en plaisantant l’un des anciens Rastas Bronx. Avec ces festivités, on en oublierait presque l’enjeu sportif. Le Sporting doit battre son voisin hyérois et espérer une défaite de Marignane pour passer en tête avant la dernière journée. En National 2, seul le premier monte et les Azur et Or sont seconds du groupe A. Après une soirée la veille déjà bien arrosée et finie pour certains à 6 heures du matin, les boissons s’enchaînent dans une atmosphère détendue. Petit à petit les effectifs se dirigent à l’opposé de la ville, devant le Palais des Sports, juste derrière Bon-Rencontre. Un cortège sur quelques centaines de mètres jusqu’au stade est prévu à 16 heures. Au point de rassemblement, un ultra lance une fusée de détresse dans le ciel qui part au-dessus de l’autoroute. Des forces de l’ordre déjà sur place rappellent qu’il s’agit d’une zone militarisée et qu’il est interdit de recommencer, sans toutefois entraver le spectacle pyrotechnique à venir. Le cortège peut enfin débuter en plein cagnard, renforcé par des supporters lambdas nostalgiques des belles ambiances, des visages disparus depuis des années, et les amitiés.
Fumigènes, pétards à en perdre l’ouïe, un engouement que de nombreuses équipes de divisions supérieures peuvent envier. Parmi la ribambelle de bâches apposées au grillages, celle des Tigris Mystic 1993 fait un effet particulier plus de dix ans après leur auto-dissolution officielle. L’ancien groupe d’Auteuil, qui fêtait ce qui aurait dû ses 25 ans à Amiens la semaine dernière, a d’ailleurs vu certains de ses membres écoper d’une amende de 150 euros la veille pour s’être déplacés en train « à l’ancienne » en toute clandestinité. Dans les coursives, une superbe feuille de match sous forme de vieux journal en noir est blanc est distribuée à la bande des Amoureux du passé. L’en-tête reprend la rascasse de l’ancien club des supporters, l’emblème du SCT. Il est d’ailleurs fidèle au fanzine historique des IRD « 12è homme » : une part de sportif avec un édito, le classement et le calendrier du club et une part réservée aux tribunes.
La Mouraille n’a pas été aussi garnie depuis un sacré moment, des lambdas habituellement en face en Depallens s’y sont même invités. En toute franchise, le tifo des 30 ans qui accueille les joueurs ne restera pas le meilleur vu à Toulon. Assez sommaire mais correct, il est sans doute le résultat d’une préparation tardive de l’événement. En revanche, la prestation vocale est des plus abouties. Peu de blancs, une tribune qui pousse alors que son équipe est totalement acculée jusqu’à l’ouverture du score peu avant la mi-temps. Parmi les moments sympas, les hommages rendus aux groupes pionniers du mouvement à Toulon et des leaders historiques ( de la trentaine à la quarantaine d’années) de retour au mégaphone pour lancer quelques chants. Le Sporting tiendra jusqu’au bout son résultat, les joueurs viendront d’ailleurs communier et célébrer ce résultat avec leurs fidèles supporters. Pour éviter un rapport du délégué, les groupes attendent dix bonnes minutes avant de procéder à un beau craquage de fumigènes. Une dernière photo de famille sur la pelouse et la fête se poursuivra encore jusqu’à tard dans les bars de la ville.
Hélas dans le même temps, Marignane n’a pas trébuché. Statu quo avant l’ultime journée. Alors que les Toulonnais auront un déplacement compliqué du côté de Tarbes, le leader reçoit la faible formation de Paulhan-Pézenas. Résignés, les Varois savent que les chances de monter sont maigres. Mais avec une unité retrouvée, les ultras auront la fierté de faire perdurer leur mouvement une 21e années sans équipe professionnelle, là où d’autres auraient abdiqués.
Magnifique article, superbes photos…
Unis par la même passion
TM93