Ce samedi annonçait la huitième journée de CFA dans cette poule B entre le FC Mulhouse et le leader, le Grenoble Foot 38. L’occasion était belle pour La Grinta d’humer une nouvelle fois les terrains du football amateur français. Cette rencontre opposait deux clubs historiques qui comptent sur le soutien respectif de deux groupes de supporters réputés dans l’hexagone : La Brigade Ultras 1988 côté Mulhouse et le Red Kaos 1994 côté grenoblois. On Tour.
Il est 10 heures du matin sur Mulhouse (Haut-Rhin) ce samedi et le jour peine à se lever au milieu de la brume assez épaisse. Située dans le sud de l’Alsace, Mìlhüsa, comme se dénomme la ville en alsacien, est une cité connue pour sa proximité et ses liens avec l’Allemagne et la Suisse. De ces liens est issu l’aéroport international Bâle-Mulhouse-Fribourg (Euroairport), le plus important du Grand Est français. Fondée selon la légende autour d’un moulin à eau, symbole omniprésent dans toute la ville, la cité industrielle comprend le plus grand musée automobile du monde. Cette concentration intronise Mulhouse « capitale européenne des musées techniques ». La ville, labellisée, est même ville d’art et d’histoire. Mais Mulhouse possède aussi son club de foot : Le Football Club de Mulhouse fondé en 1893 sous le nom de FC Mülhausen 1893, dans la mesure où l’Alsace était alors sous administration allemande. Avant cette rencontre qui s’apparente à la plus alléchante du championnat de CFA côté tribunes, nous partons donc en centre-ville à la rencontre du groupe de supporters mulhousien la Brigade Ultras 1988, connu aussi sous le sigle BU88.
Galères, dépôt de bilan et déplacements fantasques
C’est tout près du réputé Temple de Saint-Etienne (souvent considéré comme la « cathédrale » de Mulhouse) que nous retrouvons en terrasse d’un bar Mika, accompagné de deux de ses amis. Le président de la BU88 se montre moins enthousiaste que nous sur le match du soir : « Match de l’année, oui et non. Forcément en tribunes car il y a deux groupes de supporters actifs, chose assez rare à ce niveau. Mais honnêtement depuis 1998, on stagne en CFA avec même une descente aux enfers en CFA2 en 2004. Tu sais, beaucoup de groupes ultras disent qu’une ou deux années galères en amateur restent des souvenirs inoubliables car ils n’ont pas forcément l’habitude et que les déplacements sont tout autre mais nous on a eu notre dose depuis plus de 17 ans maintenant ». En effet, dans toute son histoire, le FC Mulhouse a atteint la Ligue 1 à seulement deux reprises en 1982 puis en 1989, c’est à dire une seule fois dans l’existence de la Brigade Ultras 1988.
« Il est vrai que l’on a plus connu la D2 que la D1, mais aujourd’hui j’y retournerais sans aucun problème en D2 », s’amuse Mika. La D2 oui, jusqu’en 1998 avec la relégation en championnat National, le troisième niveau du football français. Suite à cela, les problèmes financiers récurrents du club aboutissent à un dépôt de bilan prononcé en 1999 et une relégation administrative en championnat de France amateur. « Depuis, plus rien. C’est le désert », poursuit Mika avant d’ajouter : « Sportivement, on a vibré une seule fois en plus de 17 ans et vous savez pourquoi ? Quand on est remonté de CFA 2 en CFA. C’est assez maigre tout de même. Mais nous on est toujours là, on aime notre club, on aime notre ville et on ne lâchera pas. C’est vrai que dès fois c’est démoralisant de se déplacer dans des bleds comme Yzeure, Moulins sur Allier ou encore Le Puy, c’est d’ailleurs une source de dispute avec nos femmes (rires) mais voilà pour le groupe, nos couleurs et le FCM on est là. »
La BU88 a aussi su gagner le respect dans le reste de la France via sa fidélité inébranlable et son organisation avec un local, du matériel à l’effigie de l’association, des animations en tribune assez fréquentes et ses amitiés avec d’autres groupes réputés en France comme les Devils Bordeaux 1990 (aujourd’hui dissout), les Green Angels 1992 de Saint-Etienne et les Gladiators Nimes 1991. « Au début, il y avait aussi des liens avec les Boulogne Boys de Paris », ajoute Mika. Avant de quitter les membres de la BU88, l’antagonisme historique avec Strasbourg et l’identité régionale sont aussi évoqués « Il y a toujours eu une rivalité entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin et pas forcément footballistique, cela est encré. Nous, notre identité régionale nous tient aussi à coeur, la roue du moulin de Mulhouse est souvent arborée sur notre matériel et au stade et on en est assez fiers. Lors de la saison 2012-2013, on a retrouvé Strasbourg après des années sans s’être rencontrés et il est vrai qu’il y avait un certain engouement rarement vu à Mulhouse depuis quelques temps, ça nous a fait du bien de retrouver le derby. D’ailleurs, ce soir Milovan Sikimic qui était le capitaine de Strasbourg fait ses débuts chez nous. Il avait marqué contre nous lors du derby et avait fêté son but dans le parcage strasbourgeois. On ne sait pas trop comment on va l’accueillir celui-là ».
Escarmouches et une victoire face au leader
Direction donc le quartier de Dornach, au bord de la rivière de l’Ill où se situe le bien nommé Stade de l’Ill inauguré le 11 août 1979 en remplacement du vétuste stade de Bourtzwiller qui avait lui-même substitué le Vélodrome en 1921. Aux abords du stade, les 150 supporters grenoblois venus par l’intermédiaire de deux bus (avec la présence d’amis du Red Star et de Foggia) sont déjà présents et les premiers chants se font entendre. Quelques minutes plus tard, l’arrivée des supporters mulhousiens se fait elle aussi remarquer par des chants et un cortège. Problème, et match de CFA oblige, les effectifs de sécurité n’avaient sûrement pas imaginé que les deux groupes de supporters puissent se retrouver nez à nez à leur arrivée au stade. Quelques escarmouches partent entre les deux camps, ce qui entraîne une intervention policière et retarde le coup d’envoi du match de plus d’une demi-heure. Les débuts de Sikimic passent donc en second plan. « On n’est pas habitués à cela, ce fut assez difficile a gérer », confie un peu gêné le responsable de la sécurité du FCM à notre entrée au stade. Le match débute et nous nous plaçons a quelques mètres du parcage grenoblois désormais encadré par la police et en facee de la tribune où loge la BU88 pour avoir une vue optimale. Jean-Louis Garcia, entraîneur du GF38, aligne son onze type toujours invaincu cette saison qui met de suite la pression sur les locaux. Mais au fil des minutes, c’est le FCM qui se montre finalement plus à son aise. Grenoble est acculé dans son camp et Maubleu est mis à contribution à plusieurs reprises. Côté tribune, le parcage grenoblois est impressionnant et pousse les siens avec des chants détonants et de très belles gestuelles ce qui aide l’équipe affublée du maillot rouge à tenir tant bien que mal, avant de rompre à la 40e minute sur une réalisation de Kebe. Explosion de joie dans le bloc de la Brigade Ultras 1988 qui se fait entendre davantage. 1-0, score qui ne bouge plus jusqu’à la pause. Mi-temps, et le speaker du FCM prend quelques précautions en annonçant que les supporters grenoblois quitteront en premier le Stade de l’Ill à la fin de la rencontre.
Les Grenoblois reviennent sur le terrain avec la ferme intention de refaire leur retard mais butent sur des locaux, qui eux, veulent à tout prix garder cet avantage pour enfin lancer leur saison à domicile. Le jeu est devenu un peu plus stéréotypé, heureusement en tribune l’animation est toujours présente avec des agitations de drapeaux quasi-constantes, des chants qui durent et quelques vers de poésie échangés entre les deux groupes de supporters. Pour un match de CFA, l’ambiance est impressionnante. Sur le terrain, c’est Focki, rentré à la place de David qui remet finalement les deux équipes à égalité à la 72ème. 1-1 explosion de joie dans le parcage alors que dans le même temps le public du FCM se crispe avec la crainte de voir son équipe retomber dans ses travers. C’était sans compter sur la volonté des Mulhousiens qui reprennent l’avantage quelques minutes plus tard, à la 77ème, par l’intermédiaire de Dutot. Gros soulagement pour les locaux qui tiennent le score jusqu’au bout malgré les tentatives du GF38 de refaire son retard. Il s’agit de la toute première défaite de Grenoble en dix matchs de championnat, côté FCM l’essentiel est là avec la première victoire à domicile qui devrait lancer la saison. Les derniers chants résonnent dans le Stade de l’Ill alors que les Grenoblois quittent ce dernier sans encombre. Une véritable soirée de football populaire.
Par Bastien Poupat à Mulhouse