Les mêmes banderoles blanches sont déployées dans plusieurs tribunes au Brésil contre la violence dans les stades. Leur message : « Grito de paz » (« Cri de paix »). Elles sont signées par le ministère et l’ANATORG, l’Association Nationale des Torcidas Organizadas (les associations de supporters). L’intrusion dans le domaine créatif des tribunes du ministère est perturbante. Souvent considérés comme des criminels par l’opinion publique, les membres des torcidas s’invitent aujourd’hui officiellement au ministère. Une aubaine pour les présidents de l’ANATORG et de l’asso de supporters Camisa 12, tous deux interrogés par La Grinta.
Pour la première fois au Brésil, le cadre politique est propice aux Torcidas Organizadas (TO), les associations de supporters auxquelles une sale réputation colle injustement à la peau. Le Ministre du Sport, George Hilton, a mis au cœur de son mandat la question de la violence dans et autour des stades de foot, pour favoriser notamment le retour des familles dans les tribunes. Il a même nommé un Secrétaire national du football et de la défense des droits du supporter, Rogério Hamam. Son discours est favorable aux associations de supporters : « Il est nécessaire d’en finir avec ce stéréotype que les TO sont constituées de délinquants, de personnes violentes. La TO est pour moi une des plus belles manifestations culturelles de ce pays. Il est important de les préserver, mais on ne peut pas tolérer que certaines personnes utilisent le foot pour pratiquer la violence ». Et avoir le ministère dans sa poche, quand on est supporter engagé, c’est pas du luxe.
Campagne Grito de Paz
Depuis le mois de septembre, les banderoles blanches « Grito de paz » ont été déployées par plusieurs TO, notamment lors de Fluminense – Goias, São Paulo FC – Palmeiras ou Vasco – Flamengo… D’une sobriété absolue, elles sont signées par l’ANATORG, le ministère du Sport et le gouvernement du Brésil. Officielles, donc.
La paix est une cause qu’on ne peut bien sûr pas critiquer. Reste que ça nous fait bizarre de voir le ministère collaborer sur les banderoles, quand la raison de vivre des assos est de créer et d’être originales. Nous avons contacté André Azevedo, le président de l’ANATORG, qui nous a répondu sans équivoque : « le gouvernement nous écoute et nous aide dans cette campagne… Pour nous, c’est un succès. Rien de plus. Ce rapprochement est un succès. Arriver à être proche des institutions qui jusque là étaient punitives est une grande évolution. C’est le chemin à emprunter pour résoudre le problème. Les pouvoirs publics ont toujours parlé de punir ou d’interdire les TO, désormais on parle d’actions pour diminuer les problèmes. Cette campagne doit être le début de nombreuses actions menées conjointement. »
L’idée maîtresse de l’ANATORG est de contrer la mauvaise réputation que se traînent les supporters, véhiculée dans l’opinion publique mais aussi par les médias. Elle se positionne logiquement en interlocuteur pour défaire plus facilement ces clichés : « Le slogan de l’ANATORG, inspiré de l’Allemagne, c’est « parlez avec nous, et pas sur nous »… Le but de l’ANATORG est donc bien le dialogue. » Dans cette campagne en collaboration avec le ministère, l’ANATORG a semble-t-il son mot à dire : « On a participé et discuté à tous les différents points de la campagne avec le ministère… nous sommes les principaux acteurs de la discussion sur la violence. On est la première association à dialoguer avec le ministère. On n’est plus en opposition… Tous les côtés sont gagnants. »
S’unir pour la paix peut paraître un cliché tant le combat est large, mais au final, c’est un symbole qui compte. André Azevedo est lucide : « la paix est une utopie, et ce n’est évidemment pas avec des banderoles qu’on l’atteindra. Il n’y a pas non plus de paix urbaine malgré de nombreuses actions contre la violence… L’idée c’est de conscientiser, et de montrer une organisation et un dialogue entre les associations de supporters. La campagne a commencé avec la semaine de la paix et ira jusqu’à la fin du championnat, toutes divisions confondues. De nombreuses assos vont participer. »
De son côté, Mário Laki, chargé des relations publiques au sein de l’importante TO Camisa 12 de l’Inter Porto Alegre, nous a affirmé son intention d’utiliser la banderole : « Nous attendons la banderole « Grito de paz » et nous l’utiliserons dans les tribunes. C’est un exemple du travail sérieux de l’ANATORG, qui montre que nous sommes contre les bagarres, contre la violence, et que nous luttons pour la paix dans le milieu sportif. »
Il soutient totalement l’ANATORG et le rapprochement avec le ministère : « C’est une grande victoire que l’ANATORG soit en relation avec le ministère. On a quelqu’un qui lutte et qui défend notre cause. L’ANATORG représente Camisa 12 do Inter et représente toutes les TO sans distinction de taille ou de localisation du club. C’est une institution qui nous donne de la force et fait entendre notre voix à l’échelle nationale et mondiale. […] L’arrivée du ministère dans les tribunes brésiliennes est une grande victoire. Hier nous n’avions aucun contact avec le ministère, ou c’était juste pour des interdictions et des peines. Aujourd’hui, avec la CONATORG [ancien nom de l’ANATORG, ndlr], et désormais avec l’ANATORG, le ministère nous écoute, nous convoque aux réunions. C’est d’une importance capitale. »
Une fois de plus, les TO contribuent à la paix sociale au Brésil.