Pour fêter la fin d’année (31/12), le quotidien sportif portugais Record a invité l’un des entraîneurs phares de 2019 : Jorge Jesus. En menant Flamengo au sacre du Brasileirão tout en brisant un grand nombre de records nationaux, de la Copa Libertadores en battant le tenant du titre (River Plate) et en finale de la Coupe du monde des clubs face au Liverpool de Jürgen Klopp, l’entraîneur portugais a ramené le club brésilien sur les sommets du continent sud-américain (À lire comment Jorge Jesus a transformé Flamengo). Il aborde tout : d’un éventuel retour au Portugal à ses disciples Pablo Aimar et Rúben Amorim en passant par les maux du football portugais, son conseiller Manuel Sérgio, son intégration au Brésil, ses sept mois de triomphe, son évolution en tant que coach et son futur. Traduction complète.
À froid, avez-vous réussi à assimiler tout ce qui s’est passé ces six derniers mois ?
Aujourd’hui, je ressens un peu plus l’importance qu’a eu, plus particulièrement au Portugal, le fait de gagner un trophée comme la Copa Libertadores. Sur le coup, pour moi c’était uniquement deux titres supplémentaires remportés dont un qui offrait la possibilité de gagner un troisième, celui de la Coupe du monde des clubs. Maintenant, de ce que j’ai lu, même à l’étranger, j’ai l’impression que ce sont des titres beaucoup plus importants que ceux que j’ai gagnés ici, au Portugal. Ceux-là (Amora : Champion de troisième division 1992 / Braga : Coupe Intertoto 2008 / Benfica : champion du Portugal 2010-2014-2015, Coupe du Portugal 2014, Supercoupe du Portugal 2014, Coupe de la Ligue 2010-2011-2012-2014-2015 / Sporting : Supercoupe du Portugal 2015, Coupe de la ligue 2018) ont été importants au Portugal. Mais le Brasileirão et la Copa Libertadores n’ont pas été seulement importants qu’au Brésil. Ils ont été développés à l’échelle mondiale et cela a valorisé ma carrière.
Pouvez-vous dire ce que vous avez ressenti durant la finale de Copa Libertadores (remportée 2-1 contre River Plate avec des buts miraculeux de Gabriel Barbosa en toute fin 89e et 92e, à lire Flamengo 2-1 River Plate : le pressing haut de Gallardo anéanti par des détails), notamment sur le scénario spectaculaire du match ?
Cela a été un sentiment si profond et beau. Pas seulement par le titre gagné mais surtout par la façon dont les supporters l’ont vécu. Il y a près de 50 millions de supporters de Flamengo, c’est cinq fois la population du Portugal. Et pour eux, c’était plus important de remporter la Copa Libertadores que le championnat national ou la Coupe du monde des clubs. La dernière fois c’était en 1981 et à chaque match, ils chantent à la gloire de de ce trophée remporté cette année-là. Toutes les générations jusqu’aux quadragénaires n’avaient jamais vu Flamengo gagner la Libertadores. C’était donc la rencontre la plus importante de leur vie. Du coup, dans le stade, pendant la rencontre, ils étaient des milliers et des milliers de supporters de Flamengo désespérés.
Vous étiez aussi désespéré ?
Je ne sentais pas qu’il était possible de gagner la finale durant le temps réglementaire alors que nous perdions si près de la fin du match. Mais je sentais que marquer un but était possible. Car rarement mon équipe ne marque pas de but. Je sentais donc qu’il était possible d’égaliser et d’aller en prolongation. Finalement, c’était plus que ce que je l’imaginais, parce que nous avons mis le deuxième but juste après avoir égalisé, à un moment où je n’y croyais plus et où je me préparais pour les prolongations. Cela a été le trophée le plus important de ma vie et la manière m’a beaucoup touché. Je me souviens et me souviendrais toujours de tous ces gens, de mes amis…. J’avais un drapeau du Portugal que mes enfants m’avaient emmené au cas où si on montait sur la première place du podium, pour montrer au monde que l’entraîneur de Flamengo est portugais. Nous sommes un petit pays mais nous avons beaucoup de connaissances dans tous les domaines. J’ai voulu partager cette victoire avec le Portugal car je savais qu’il y avait une démonstration d’affection et d’attention envers mon équipe de Flamengo.
Vous avez donné une interview après la finale de Copa Libertadores dans laquelle vous présentiez la possibilité de jouer la finale de la Coupe du monde des clubs. Pourquoi étiez-vous si confiant ?
Ce qui m’a mis au défi de prendre la tête de Flamengo, c’était de savoir qu’en plus des compétitions nationales, il était possible de gagner la Copa Libertadores qui pouvait mener à la Coupe du monde des clubs. Même sans certitude absolue, connaissant notre valeur et les joueurs avec qui nous allions travailler, je croyais que c’était possible. Au final, cela a été mieux que ce que je pensais, même si nous n’avons pas gagné. Flamengo a battu tous les records imaginables du championnat brésilien ; record de points, de victoires, de la meilleure attaque… Record de tout. Et nous sommes arrivés au Brésil avec huit points de retard sur le premier.
Quand vous êtes arrivés, certains disaient que vous n’aviez seulement gagné « trois titres de cette porcherie de championnat portugais ». Qu’est-ce que vous avez ressenti des critiques qui ont été faites à l’époque ?
Je n’ai pas aimé. Mais on ne pouvait répondre à ces gens que sur le terrain. Et sur le terrain, c’est gagner. Aujourd’hui, je comprends mieux pourquoi ils pensaient ça. Pour eux, le championnat portugais n’existe pas, il est zéro. Ils n’avaient pas conscience de ce qu’est le championnat portugais. Maintenant, ils l’ont. Comme nous, nous n’avions aucune notion de ce qu’est le championnat brésilien. On regarde l’Europe, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne, un peu la France, mais on ne s’occupe jamais de s’intéresser à la qualité du championnat au Brésil. On est tous reliés par la même connaissance de leur football, cette histoire : ils sont cinq fois champions du monde. Mais pour eux, c’est le pays où se pratique le meilleur football.
Avez-vous ressenti un manque de confiance par le fait d’être portugais ?
On vient d’un petit pays. Alors la réponse que nous devons donner, c’est de travailler et montrer que nous sommes différents. C’est ce que nous avons fait, nous l’avons montré. Aujourd’hui, ils sont satisfaits de notre travail. Principalement les supporters, qui ont une affection pour nous que nous n’avions jamais ressenti ailleurs.
Comment avez-vous pu faire passer votre message si vite ?
Le joueur brésilien est complètement différent du joueur européen. Ils regardent la profession d’une autre façon : ce ne sont pas seulement les deux heures du match ou de l’entraînement. Ils cherchent à tout savoir. Quand je suis arrivé, ils savaient déjà qui j’étais : une personne qui parle très fort, qui s’énerve souvent à l’entrainement mais ensuite ça passe… ils ont demandé des informations à des coéquipiers qui avaient déjà travaillé avec moi. L’un d’entre eux, qui a été fondamental pour ce rapprochement, c’est Julio César (Son gardien à Benfica en 2014-2015), qui est une référence à Flamengo (266 matchs entre 1997 et 2005 puis retour fin de carrière en 2018). Il a dit à beaucoup de joueurs, surtout aux capitaines, que s’ils acceptaient mes idées ils gagneraient tous. Et si non, en peu de temps je ne serais plus l’entraîneur. Ils étaient donc préparés. Non pas pour l’entraîneur mais pour le personnage, pour les comportements que le coach Jorge Jesus pouvait avoir avec eux.
Vous êtes plus calme qu’il y a 10 ans ?
De plus en plus. Les années nous donnent une autre tranquillité, une autre expérience. Aujourd’hui, je ne suis plus l’entraineur assez exigeant pour être « aveuglé » par ce que je considère comme la perfection. Mais à Flamengo, j’ai rencontré une équipe qui veut tout savoir et des joueurs qui me posent des questions.
Vous répondez ou vous cachez certaines choses ?
J’adore répondre ! Il n’y a pas de secret. Ils ont senti qu’avec moi, ils allaient jouer plus. Quand j’ai signé à Benfica, j’ai dit qu’ils allaient jouer deux fois plus. Je ne l’ai pas dit à Flamengo, mais j’ai eu des joueurs qui n’ont pas joué deux fois plus. Ils ont joué trois, voire quatre fois plus qu’ils le faisaient avant.
« À partir de maintenant, le football brésilien va changer »
Pourquoi vous ne l’avez pas dit lors de votre arrivée à Flamengo ?
Car en fait, je peux dire que les équipes vont jouer plus mais je ne peux pas le quantifier. Je n’ai jamais eu d’équipe qui m’a autant aimé que celle de Flamengo. J’ai appris qu’au Brésil, on dit facilement « aimer ». Les joueurs de Flamengo m’aiment. Comme moi je les aime. Au Portugal, c’était impossible de le dire. Mais eux me le disent. Puisque la grande majorité sont brésiliens, cela crée un groupe beaucoup plus fort qu’en Europe. Ici (en Europe), tu as un Uruguayen, un Argentin, un Portugais, un Chinois. Cela a beaucoup d’importance dans un groupe. Le joueur européen est beaucoup plus individualiste, il pense beaucoup plus à lui que dans l’équipe. Et le joueur portugais, énormément.
Vous avez dit que le championnat brésilien est le plus difficile du monde. Pourquoi ?
Il y a beaucoup de talents et de grandes équipes. Le championnat anglais renvoie une image très bonne, ce que le Brasileirão ne fait pas. Il y a la meilleure équipe du monde, Liverpool sans aucun doute. Et Manchester City qui ne ressemble plus à la même équipe que dans le temps. Après, les autres équipes sont égales aux bonnes équipes dans tous les championnats d’Europe ou du Brésil. Vous n’imaginez pas la qualité des joueurs au Brésil. Et de ce qu’est un stade toujours plein de 60 000 personnes avec une belle ambiance qu’il n’y a nulle part ailleurs dans le monde. Qui aime le football va voir un match au Brésil, dira « cette ambiance me fait tomber amoureux et aimer le football ». Ils sont fous de football et font du jeu une fête. Ce n’est pas comme en Europe, où on dirait que les supporters sont à l’opéra ou au cinéma, devant un film de James Bond.
C’est connu de tous que depuis plusieurs années, vous suiviez le football brésilien à la télévision. De quelle manière, cette connaissance a-t-elle été importante ?
J’aimais beaucoup regarder le championnat brésilien mais ce n’est pas ce qui m’a amené au Brésil et à y triompher. Cela est dû à notre manière de travailler, nos idées de jeu, la façon dont nous avons présenté le projet aux joueurs et la façon dont ils l’ont accepté. Tout a été plus simple aussi, car j’ai des joueurs de grande qualité.
Qu’est ce qui a changé ? Pour quelles variables vous avez dit « on va faire différemment » quand vous êtes arrivé ?
J’ai changé la manière de jouer de Flamengo et à partir de maintenant, le football brésilien va changer. Enfin, il est déjà en train de changer. J’ai installé à Flamengo le football qu’ils aiment : un jeu offensif. Le Brésil était habitué à ce football dans les années 1980 et 1990. Je suis venu avec cette idée de jeu et ils étaient ravis. Ils ont senti que moi, venant d’un autre pays, j’ai commencé à leur transmettre les idées de jeu du football qu’ils adorent mais qu’ils n’avaient plus. Mes joueurs avaient le profil pour ce jeu. Flamengo, comme l’a dit Bruno Henrique (attaquant brésilien de l’équipe) – et nos adversaires pensaient que nous étions arrogants -, était sur un autre palier. La façon dont nous travaillons est à un autre niveau, les joueurs de Flamengo sont à un autre niveau. Nous avons emmené notre méthodologie d’entrainement, nos manières de travailler, notre façon de voir le jeu. Et il n’y a aucun doute que tout ça nous différencie. Désormais, certains travaillent déjà comme nous, parce qu’ils essayent de nous copier.
« Si je reste à Flamengo, l’équipe va continuer à évoluer sur le plan défensif »
Vous mettez ce Flamengo au niveau de votre Benfica de la première année comme l’une de vos meilleures créations…
Pour les caractéristiques des joueurs, oui…
Il y a des joueurs qui ont des similitudes : Gabriel Barbosa est un Cardozo pour les buts qu’il marque, Bruno Henrique un Saviola…
Aimar était un joueur beaucoup plus fort et technique que Gerson. Sur les côtés, nous avions deux ailiers très créatifs et rapides, Di María et Ramires. Un milieu défensif, Javi García, un peu dans le même profil qu’Arão. Derrière, nous avions une ligne de quatre très forte, comme à Flamengo. Mais j’ai eu plus de temps à Benfica, car j’ai eu une année pour élaborer cette équipe. Ici j’ai eu moins de temps et elle est du même niveau. L’un des avantages si je reste à Flamengo, c’est que l’équipe va continuer à évoluer sur le plan défensif. J’ai fait cette comparaison sur les caractéristiques individuelles des joueurs de Flamengo et de Benfica. Mais si vous me demandez laquelle est la meilleure collectivement, je ne saurais répondre, car l’une a des choses meilleures et moins bonnes que l’autre. Mais je peux dire que des deux, la plus solidaire et qui s’est le plus ralliée à son entraîneur, c’est Flamengo. Nul doute.
Abel Braga, l’entraîneur que vous avez remplacé à Flamengo, réclame une partie des prix des trophées remportés. Trouvez-vous ça juste ?
C’est un problème juridique entre lui et le club. Je n’ai pas à m’exprimer à ce sujet.
Hormis l’argent, Abel Braga dit aussi que vous avez terminé ce qu’il a commencé. Est-ce si simple ?
Je ne veux pas en discuter. Je veux juste parler de mon expérience en tant qu’entraîneur de Flamengo et non ce que les autres ont dit ou pensé.
Sous vos ordres, Gabriel Barbosa a inscrit 28 buts en 32 rencontres. Est-il du même niveau que Cardozo (attaquant de Benfica de 2007 à 2014), Jonas (attaquant de Benfica de 2014 à 2019) ou Bas Dost (attaquant du Sporting de 2016 à 2019) ?
Il le savait. Après deux entraînements, Gabriel m’a dit : « Míster, je sais que tous les attaquants avec qui tu travailles sont les meilleurs et battent tous les records. Moi aussi je veux les battre. » Quand je suis arrivé à Flamengo, les joueurs savaient déjà qui j’étais comme personne, ce que je demandais aux joueurs. Ils avaient tous parlé les uns avec les autres. Et la meilleure preuve de ta valeur comme entraîneur sont les joueurs. Ils savent qui sont les bons entraîneurs. Ils sont les fidèles dépositaires de qui sont les grands entraîneurs du monde.
Gabriel est-il mieux préparé pour joueur en Europe que lorsqu’il est passé par l’Inter et par Benfica ?
Je ne le connaissais pas avant. Je lui ai dit que c’était un grand joueur, ce que je savais car je le voulais au Sporting. Je l’ai regardé tendrement et il y a cru. C’est un gamin, il a 23 ans.
Et quels joueurs du championnat portugais pourraient intéresser Flamengo ?
Très peu. Seulement les grands joueurs peuvent jouer dans les grandes équipes du Brésil.
Bruno Guimarães de l’Athletico Paranaense est la cible de Benfica. C’est un joueur de qualité ?
Je ne serai pas le mandataire de Bruno Guimarães. Je peux seulement dire que c’est un bon joueur.
« J’ai eu des contrats de deux clubs chinois qui voulaient faire de moi l’un des entraîneurs les mieux payés du monde »
En conférence de presse à la Coupe du monde des clubs, vous avez parlé de cinq clubs qui pouvaient vous faire quitter Flamengo. Pouvez-vous dire lesquels ?
C’est facile de faire le calcul. Si j’étais proche de gagner la Coupe du monde des clubs et j’ai gagné la Copa Libertadores, je vais quitter Flamengo pour qui ? Je vais en Angleterre pour gagner quelques matchs ?
Ne serait-il pas plus facile d’atteindre un de ces cinq clubs en passant par le seuil intermédiaire d’un club moins fort des championnats majeurs ?
Lorsque j’étais à Benfica, je n’ai jamais accepté de telles équipes. Je n’ai jamais voulu partir de Benfica contre ces équipes et maintenant je vais quitter Flamengo pour une de ces équipes ? Avec tout mon respect, c’est hors de question. Ce qui m’a conduit au Brésil, ce sont des objectifs sportifs : j’ai conquis la Copa Libertadores et j’ai participé à une Coupe du monde. Si c’était pour des raisons financières, j’aurais été et j’irais en Chine. J’ai eu des contrats de deux clubs chinois qui voulaient faire de moi l’un des entraîneurs les mieux payés du monde, si ce n’est pas le mieux payé. Et je n’y ai pas été. Ils sont mêmes venus au Brésil pour signer avec moi. Je cherche ce qui a toujours été ma passion : le football. C’est ce qui me plaît. Ça ne veut pas dire que je n’irai pas en Chine un jour, mais pas maintenant.
Si on vous propose un contrat de millionnaire, vous hésitez ?
En ce moment, non. Les clubs chinois voulaient que je prenne une décision avant la fin de la Coupe du monde des Clubs parce que leur championnat débutait à cette période. Et j’ai dit que s’ils voulaient attendre, je pourrais encore y réfléchir. Un entraîneur ne sait pas ce qui va se passer. Je regarde ma carrière comme je la regardais il y a 30 ans. Maintenant, j’ai plus d’expérience pour décider. Et quand Al Hilal voulait renouveler mon contrat, j’ai pris la décision comme quand j’étais à Felgueiras, quand le compte bancaire était vide. Chacun est ce qu’il est. Ce sont des convictions.
Vous avez admis publiquement qu’avant de rejoindre Flamengo, vous avez eu la possibilité d’aller en Angleterre. C’était pour quel club ?
Mon agent (Pini Zahavi) avait deux équipes. L’une d’entre elles a déjà été championne d’Angleterre. Mais à partir du moment où il y a eu Flamengo… Si aucune de ces cinq-six équipes que je veux ne se présente, cela ne me dit rien. Et si je voulais être en Angleterre, j’y serai déjà allé parce que j’ai reçu des offres. Mais ce n’est pas ce que je veux. Ça ne me satisfait pas, ça ne me dit rien. Ça vaut zéro.
D’après ce que vous dites, vous resterez à Flamengo…
J’ai un contrat jusqu’en mai. Et Flamengo sait que j’ai une clause qui me permet de partir à tout moment. Si ce qui est mon rêve se présente, comme j’avais le rêve de gagner à Flamengo, qui me donne la possibilité de gagner le titre du championnat national et d’arriver à une finale de Ligue des champions… Mais peu importe les points sportifs, il y a des choses qui sont très importantes. Ce qu’ils ont fait pour moi, ce qu’ils continuent à faire… J’ai été reçu par le Parlement de Rio de Janeiro et par le Conseil municipal de Rio de Janeiro. Au Parlement lorsque je suis entré, la première chose qui a été faite a été de chanter l’hymne national portugais. Tout ça, ce sont des choses que je n’oublierai jamais, et ça marque des points pour ma décision.
Vous ne sentez pas d’avoir tout à perdre et rien à gagner si vous restez à Flamengo ?
Je n’ai pas peur de ces défis. Je sais que l’année prochaine, si nous restons ici, le grand adversaire de Flamengo sera Flamengo. Faire mieux ? Impossible. Mais quand tu crois en tes joueurs et au club, tu n’as pas peur de ces défis.
Les portes du Portugal sont définitivement fermées ?
Je retournerai au Portugal. Où et quand, je ne sais pas. Mais je préfère être dans un club au Portugal que dans le reste de l’Europe si nous parlons de clubs de même standing. Difficulté pour difficulté… Pour cela, je préférerais être chez moi. Si j’ai gagné une certaine crédibilité dans mon pays, c’est parce que je suis parti à l’étranger. J’ai l’impression que la barrière qui existait d’avoir entraîné le Benfica et le Sporting s’est écroulée. Aujourd’hui, on me regarde comme n’importe quel entraîneur.
Il y a des entraîneurs qui disent qu’ils sont devenus bons seulement quand ils n’avaient plus besoin d’argent. L’indépendance financière a fait de vous un meilleur entraîneur ?
Non, jamais. Ce qui a fait de moi un meilleur entraîneur, ce sont mes convictions et idées. Et il m’est arrivé dans ma carrière de prendre des décisions où j’ai perdu mon emploi sachant que l’argent était vital pour l’entretien de ma famille. Mon chemin était le mien et je n’acceptais pas certaines choses que beaucoup de dirigeants voulaient. Aujourd’hui, tous les dirigeants savent que dans les clubs où je suis, c’est moi qui dirige l’équipe. Et je suis dans un pays où c’était impossible avant. J’ai une relation fantastique avec le président Rodolfo Landim et avec les personnes les plus proches de moi : Marcos Braz, Bruno Spindel et Paulo Pelaipe. Ces gens qui prennent des décisions et qui croient beaucoup au travail que nous faisons. Nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Et cela dans le pays où lorsque tu ne gagnes pas, tu changes d’entraîneur même après une semaine. La pression est bien plus forte qu’au Portugal et les présidents doivent prendre des décisions. Vous n’avez aucune idée de la passion que les supporters ont pour leur club. Le football fait partie du peuple brésilien.
Il y a eu peu de matchs cette saison où Liverpool n’a marqué qu’un but. Comment avez-vous réussi à bloquer la capacité offensive de Liverpool qui est maintenant considérée comme la meilleure équipe au monde ?
Cela dépend de la façon dont on regarde le football. Il y a un entraîneur qui est le meilleur du monde (Jürgen Klopp) et qui dans les deux-trois premières années n’a rien gagné. Mais voici ce qui fait la différence. Le projet comprend des gens, des idées et celui qui est en face dit : « Nous ne gagnons pas mais nous savons que cet entraîneur va obtenir des résultats avec les joueurs dont il pense avoir besoin pour monter l’équipe ». Cela s’est passé comme ça. Liverpool a une très bonne idée de jeu en fonction des caractéristiques de ces joueurs dont il est difficile d’annuler ou bloquer la force. Comment les a-t-on gênés ? On ne peut pas arrêter une équipe lorsque l’on ne regarde que son organisation défensive. Nous devons bloquer l’adversaire en attaquant, et non pas l’inverse. Il est vrai que Liverpool a eu plus de face à face avec le gardien que nous en avons eu. Mais nous en avons eu quelques-uns, même pendant les prolongations avec l’occasion au point de penalty du jeune Lincoln qui a 18 ans. Mais nous savions qui étaient les joueurs qui individuellement ont une grande influence dans l’équipe de Liverpool et comment nous pouvions les annuler. On a pu contrôler cette équipe de Liverpool, alors que l’une avait 80 matchs dans les jambes et l’autre en avait 27. Si nous avions 27 matchs et eux 80, nous serions champion du monde. Cela a pesé dans les prolongations, c’est évident. À la question, qui est la meilleure équipe des deux, Flamengo était au même niveau que Liverpool. Sur le terrain, on ne savait pas qui était le meilleur, on a vu deux grandes équipes. Flamengo est l’une des plus grandes équipes du monde.
Jürgen Klopp vous a dit cela à la fin du match ?
On a eu peu de temps pour parler des caractéristiques des deux équipes. Je n’avais pas de vin portugais, pas de Barca Velha ou Pêra Manca à lui offrir. J’ai pensé à lui offrir un maillot de Flamengo avec son nom floqué. Il y a eu une erreur sur le numéro, qui devait être le 21 pour la date de la finale, mais il était très content. Seulement, nous n’avons pas eu l’opportunité de parler du match.
« Ceux qui me connaissent savent que je n’ai rien à voir avec le sens de l’arrogance »
Un ancien de vos joueurs nous a dit qu’il pensait que Jorge Jesus avait changé en Arabie Saoudite. Est-ce le cas ?
Quitter le Portugal m’a changé. Je vois les choses différemment depuis. Je suis un émigrant et je peux me retrouver chez les étrangers qui travaillaient avec moi au Portugal. Pour moi, nous étions tous les mêmes. Mais en Arabie Saoudite, j’ai appris que tout n’est pas bon pour gagner. C’est un pays où tu dois respecter les règles ou sinon tu n’as aucune chance de travailler là-bas. Au Portugal, nous avons la manie de penser que tout est bon pour gagner. Sur le terrain, à l’extérieur… c’est le gros problème du football portugais.
Il y a des choses que vous avez fait au Portugal et que vous ne ferez plus maintenant ?
Je ne les ferai plus. J’ai toujours respecté mes adversaires, en gagnant ou en perdant, mais il y a certains moments de ma carrière où dans des clubs où il y avait beaucoup de pression pour gagner, je pensais que gagner était tout simplement la loi du plus fort. En fait, la loi du plus fort c’est seulement sur le terrain. En dehors, nous sommes tous égaux.
Alors le fair-play, ce n’est pas une connerie ?
Non. Le fair-play est une connerie. Cela n’existe pas dans le football. Si l’on respecte l’intégrité physique des joueurs, le public, l’adversaire, la couleur de peau de celui qui joue, il doit y avoir du fair-play. Mais dans ce qui est l’essence du jeu, l’intelligence du joueur qui peut favoriser son équipe par sa ruse ou sa malice, existera toujours. Cela fait partie de la créativité du joueur. Il ne faut pas lui enlever cela. Celui qui doit savoir, analyser et comprendre, c’est l’arbitre.
Beaucoup de supporters vous considèrent comme un entraîneur arrogant. C’est de l’arrogance ou les gens confondent cela avec de la confiance ?
Tous les grands entraineurs et joueurs peuvent être qualifiés d’un peu d’arrogance. Si tu crois en ce que tu fais, parfois tu peux donner cette impression. Ça ne veut pas dire que tu ne respectes pas les adversaires, c’est parce que ta confiance te rend moins sympathique. Ceux qui me connaissent savent que je n’ai rien à voir avec le sens de ce mot.
Vous sentez-vous comme un entraîneur plus consensuel et aimé par la plupart des Portugais ?
Oui, parce qu’avant, il y avait le clubisme. Maintenant ils me regardent comme l’entraîneur de Flamengo et non pas l’entraîneur qui était au Sporting Braga, Belenenses, Sporting ou Benfica. Quand j’ai quitté le Belenenses pour Braga, je suis retourner joué au Restelo (Stade de Belenenses) et j’ai été sifflé. C’était le poids de ma croix. Je partais des clubs et les supporters ne voulaient pas que je parte. Maintenant, les gens me regardent sans quelconque maillot des clubs portugais sur le dos.
Cette année a apporté une réalité différente pour vous : voir le championnat portugais de l’extérieur. Avez-vous changé d’avis sur la qualité du football et les polémiques ?
Les polémiques restent les mêmes, rien n’a changé. La pression en dehors des clubs – petits, moyens et grands – pour absolument gagner devra cesser. Parce que c’est enraciné dans la culture des dirigeants et entraîneurs portugais. Et même en moi, quand j’y entraînais. La qualité du jeu devra également changer. Heureusement, nous avons maintenant des points dans le classement UEFA et en 2021, nous aurons trois équipes qualifiées en Ligue des champions. Si les trois grands au Portugal ne commencent pas à regarder leurs équipes de façon à concurrencer les autres (clubs des autres nations) ou à faire ce que Benfica ou Porto ont fait, c’est-à-dire atteindre un quart de finale, une demi-finale ou une finale de Ligue Europa et donc se réduire à être championne du Portugal, le football national va commencer à être regardé comme le Grec, Turc ou Roumain qui sont des championnats de moins bonne qualité. Benfica, Porto et Sporting doivent investir dans leurs équipes. Comment ? Chacun doit savoir comment. Si l’on pense que le marché au Portugal peut permettre de rivaliser en Ligue des champions et en Ligue Europa seulement avec ce que nous avons dans le pays, nous n’y arriverons jamais.
C’est comme retenir le talent qui part rapidement à l’étranger pour des raisons financières ?
Ça, que les meilleurs joueurs portugais partent tôt, c’est une autre question. Le produit national est très bon et si les clubs gardaient ces joueurs, ils pourraient faire de grandes équipes. Mais, c’est quand même difficile. La seule équipe qui était proche de ce modèle c’était Barcelone. Mais il y avait Messi et quatre ou cinq étrangers de haut niveau. Aucun pays n’arrive à le faire, est-ce que ce sera le Portugal ? Nous sommes un pays vendeur. Comment faire donc ? Ce n’est pas facile. Pour un club portugais qui dépend des variables financières et de devoir vendre des joueurs pour en acheter des autres… Cela sera de plus en plus difficile d’arriver à une finale européenne. Et même celle de Ligue Europa.
« Je ne crois pas à la direction démocratique dans une équipe »
Pizzi (Benfica) et Bruno Fernandes (Sporting) marquent chaque saison plus de buts. Comment cela s’explique que ces milieux aient de meilleures statistiques que les attaquants ?
Pas vraiment pour Bruno Fernandes mais pour Pizzi, oui. Il est revenu à sa position initiale de milieu excentré (côté droit). Je l’ai sorti de cette position et l’ai positionné dans un double-pivot, ce que je considère comme sa meilleure place. Ce qui ne signifie pas que dans un match ou un autre, il ne peut pas jouer à droite, à l’extérieur du jeu. L’un comme l’autre conclut très bien les manœuvres offensives et tous les deux peuvent modifier le rythme du jeu, individuellement ou collectivement. Ils aiment marquer des buts. Il y a des joueurs qui préfèrent délivrer la dernière passe, comme c’était le cas d’Aimar. Il était à chaque fois plus heureux de donner la balle à Saviola ou à Cardozo que marquer. Bruno Fernandes et Pizzi aiment être les buteurs. Pour ces deux joueurs, j’ai une part de responsabilité dans les situations dans lesquelles ils sont. Bruno Fernandes était en Italie, personne ne lui donnait de l’intérêt. C’est moi qui suis allé le chercher et je ne sais pas s’il serait au Portugal aujourd’hui si je n’avais pas pris cette décision. Pizzi lui, était à l’Espanyol, les dirigeants de Benfica ont jugé bon de le faire revenir au club et en pré-saison j’ai noté certaines conditions pour valoriser ses qualités. Et lui aussi, grâce à sa qualité de travail, puisqu’il est un fanatique de l’entrainement individuel, comme Bruno Fernandes. La mise en valeur des deux n’est pas du tout surprenante. Bruno Fernandes va une nouvelle fois quitter le Portugal, car c’est la plus-value sportive et financière du Sporting. Et concernant Pizzi, j’ai des doutes sur un éventuel départ à l’étranger.
Le Sporting veut 70 millions d’euros pour Bruno Fernandes. Payeriez-vous, cette somme ?
Je payerais. João Félix a coûté 126 millions d’euros, pas vrai ? Si tu paies cette somme pour Félix, payer la moitié pour Bruno Fernandes… où est le doute ? João Félix va être un crack. En ce moment, il n’atteint pas la carrière que je lui imaginais. Il joue dans une position qui le dévalorise un peu mais il est encore temps car c’est un gamin et il a encore beaucoup à apprendre. Bruno Fernandes garantit, où que ce soit, 15 buts par saison au minimum. 70 millions d’euros pour un joueur qui en Angleterre selon l’équipe ou au Portugal marque 15 buts par saison n’est pas un joueur cher.
Plusieurs joueurs ont dit que vous étiez le meilleur entraîneur qu’ils ont eu. Mais d’autres, se sont plaints de votre relation humaine. Pensez-vous qu’il est incompatible d’être bon entraîneur et bon ami ?
La grande majorité des joueurs qui ont travaillé avec moi sont mes amis. Il y a eu des disputes, mais ça passe. Comme par exemple le cas de Cardozo, en finale de la Coupe du Portugal qui est passé et a continué à travailler avec moi (mai 2013, l’attaquant Oscar Cardozo bouscule et hurle sur Jorge Jesus après la défaite en finale de Coupe de Portugal, ndlr). Quand les joueurs vous acceptent, tout devient plus facile. Quand les joueurs sont individualistes et ne regardent que leur nombril, ce sont des personnalités très fortes qui doivent être observés et traités différemment. Parfois, ils vont à l’encontre des intérêts collectifs. Pour moi, cela n’en vaut pas la peine. C’est moi qui décide. Au Brésil, les joueurs regardent toujours l’équipe mais pas leurs cas individuels.
Il y a Jorge Jesus l’entraîneur et Jorge Jesus l’homme ?
Oui. Complètement différent. De plus en plus.
Comment faites-vous la distinction ?
Lorsque tu diriges un projet, tu dois prendre des décisions. Et cela, parfois, blesse certaines personnes et certains intérêts. Ça fait partie du leadership. Parfois, les gens ne comprennent pas, n’acceptent pas, pensant qu’une action est injuste. Mais il n’y a pas d’autre manière de gérer une équipe. Je ne crois pas à la direction démocratique dans une équipe. Avec moi, cela n’existe pas. Ce n’est pas non plus un leadership de type « je peux, ordonne et veux ! » mais si à chaque fois que je prends une décision, je dois demander à quelqu’un « tu penses que c’est bien ? », cela ne fonctionne pas. Encore moins dans le football.
Quelle est la décision qui vous a le plus coûté à prendre ?
J’en ai déjà pris à la fin de la saison où j’ai dû dire non à certains joueurs parce qu’ils n’intéressaient sportivement pas l’équipe en question. Des joueurs qui, comme personne aussi, étaient sensationnels. Je peux parler de l’un d’eux : Yannick Djaló. Un jeune sensationnel et formidable. Mais je voulais des joueurs qui avaient des caractéristiques différentes et j’ai dû lui dire que nous ne travaillerons plus ensemble. Cela m’a énormément coûté.
J’en ai eu une autre aussi, mais contraire : il m’a dit qu’il n’était pas heureux de jouer latéral gauche et qu’il voulait quitter Benfica. « Tu vas où ? », je lui ai demandé. « À Gil Vicente », m’a-t-il répondu. « Je ne t’entend pas bien, tu veux aller à Gil Vicente ?’. Je pense qu’il a fait une grosse erreur, mais parfois les joueurs peuvent donner des coups de pied dans les seaux.
» J’ai été obligé d’apprendre à tondre et fertiliser l’herbe des pelouses »
Les entraîneurs portugais qui vont maintenant au Brésil devraient vous remercier d’avoir ouvert les portes pour eux ?
Non seulement j’ai ouvert les portes au Brésil mais aussi en Arabie Saoudite, où il y a maintenant environ cinq ou six entraîneurs portugais. J’ai passé sept mois en Arabie Saoudite avant de partir. Al Hilal était en tête avec six points d’avance, je suis parti et le club n’a pas gagné le championnat. J’ai même trouvé curieux que Flamengo et Al Hilal soient en demi-finale à la Coupe du monde de clubs. Je ne dirai pas que je suis celui qui a emmené l’équipe en demi-finale de la compétition, c’est l’entraîneur à la tête de l’équipe, mais c’est moi qui ai choisi et fait venir les quatre attaquants d’Al Hilal. Les portes du marché brésilien se sont ouvertes et je ne doute pas que c’est parce qu’ils pensent que tous les entraîneurs portugais sont égaux à Jorge Jesus.
Ils sont à la recherche d’un nouveau Jorge Jesus ?
Ils pensent que tous les entraîneurs portugais ont la même méthode d’entraînement. Ce qui n’est pas vrai. Un qui est déjà confirmé est Jesualdo Ferreira et je crois qu’il réussira. Il va dans un club avec de bons joueurs, qui ont joué toute l’année dans un 4-3-3, qui est son système de prédilection. Je crois que Santos a fait un bon choix. Mais ce n’est pas parce qu’ils sont originaires d’un même pays que les entraîneurs sont tous égaux ou que c’est synonyme d’une marque de qualité. Certains le sont, certains ne le sont pas.
Quelqu’un vous a demandé des conseils sur Jesualdo Ferreira ou Augusto Inácio, qui a signé à Avai ?
Non. D’autres oui, mais de ces deux-là, non. Je ne dirai pas qui.
Rúbén Amorim a parlé de vous dans sa conférence de présentation : « Malgré tous les problèmes que j’ai eus avec lui, beaucoup de ses éléments sont restés ». Quel entraîneur peut-il devenir ?
Rúbén Amorim était l’un des joueurs qui a travaillé le plus longtemps avec moi. Il me connaît mieux que personne. En tant que joueur, il était tactiquement très discipliné. Il avait une personnalité marquée. Le joueur portugais pense qu’il a beaucoup de droits et j’ai toujours eu plus de problèmes avec les Portugais qu’avec les joueurs d’autres nationalités. Je pense qu’il va être un vrai leader en tant qu’entraîneur. Il a dit qu’il a une idée de jeu et j’espère qu’il arrivera à la partager à son équipe. Avoir des idées est une chose. Savoir les rendre opérationnelles en est une autre. Mais je pense qu’il va y arriver.
C’est un de mes anciens joueurs de plus qui devient coach. Il ne l’a pas dit mais beaucoup d’anciens joueurs me disent qu’aujourd’hui ils sont devenus entraîneurs car ils sont tombés amoureux de l’entraînement. Il y a certains que je sens qu’ils peuvent devenir entraîneur et je les conseille de continuer dans cette voie.
Comme Silas (entraineur du Sporting) ?
Oui. C’était un joueur avec une connaissance tactique très approfondie. Un autre joueur à qui j’ai dit qu’il deviendrait entraîneur : Pablo Aimar. « Quand j’aurai fini de jouer, je veux être avec ma famille » m’avait-il dit. Maintenant il est entraîneur des moins de 17 ans de l’Argentine et adjoint de la sélection principale. Un autre cas : Bryan Ruiz. S’il le veut, il peut devenir entraîneur. Quant à Ruben Amorim, il est jeune, il va commencer une carrière difficile et va donner beaucoup de coups.
Rúbén Amorim est déjà tout en haut…
Mon grand avantage a été de commencer tout en bas. Je connais toutes les difficultés qui existent dans l’entraînement, l’organisation, la structure… Jusqu’aux pelouses. C’est pourquoi aujourd’hui je sais comment tondre et fertiliser l’herbe. J’ai été obligé d’apprendre.
À Flamengo, vous avez dû résoudre des détails comme ceux de la pelouse ?
Bien sûr. L’un des maux du football brésilien sont les pelouses. Les terrains au Brésil sont l’une des causes de la vitesse du jeu et de ce football lent. À Flamengo, ils ont été alertes à propos de ça, d’où le changement des pelouses.
Quand vous avez commencé, à Amora (quatrième division aujourd’hui), vous est-il passé un jour par la tête que vous entraîneriez Benfica, Sporting, en Arabie Saoudite et Flamengo ?
Quand on commence quelque chose, on a toujours le rêve d’aller le plus haut et loin possible. Et comme le dit Mariza (chanteuse portugaise de fado, ndlr) : « Avançons en croyant ». Et c’est ce que j’ai fait tout au long de ma carrière. Aujourd’hui, pour être un grand entraîneur, il ne suffit pas seulement de comprendre la tactique et la technique. Et j’ai senti que je devais apprendre. L’une des personnes qui a attiré mon attention là-dessus, c’est Manuel Sérgio. (À lire Penser la globalité)
Vous avez appris quelque chose à Flamengo que vous gardez pour la suite de votre carrière ?
On apprend tout le temps parce que le football évolue tout le temps. À Flamengo, j’ai appris que plus les joueurs aiment l’entraîneur, plus l’équipe est performante.
C’est une préoccupation ? Être aimé par les joueurs ?
Aujourd’hui, je prends ça plus en compte.