Auteur de « J’éclaire ma ville » et « Itinéraire Bis », Flynt enchaîne les lyrics sur la vie parisienne du coté nord de la capitale. Le rappeur parisien, fan du PSG, nous livre sa vision du football mais retrace également sa carrière d’artiste indépendant.
Quand on habite Paris, on se sent poussé à supporter le club de la capitale et de se déplacer au Parc des Princes ?
Flynt : Pour moi, c’est une évidence de supporter le club de sa ville ou de sa région, tu n’es pas poussé, c’est normal. Pour ce qui est de se rendre au stade, ça dépend des bourses. Je suis allé au Parc relativement tard, je n’avais personne pour m’amener, pas de frère ni de père. J’y suis allé par mes propres moyens, assez tard quand même.
Quels sont tes meilleurs souvenirs de supporter du PSG ? Les matchs qui t’ont marqué ?
Flynt : Un PSG-Bordeaux en finale de la Coupe de la Ligue au Stade de France en 1998, j’étais au stade c’était un match de ouf. Je n’oublie pas la finale la Coupe d’Europe contre le Rapid de Vienne en 1996, c’est un match qui m’a marqué aussi. Après, il y a encore le PSG-Bordeaux en dernière journée de championnat en 1999 où on perd 3-2 mais on empêche Marseille de devenir champion, on était content de le perdre celui-là. Et puis il y a toujours les classiques PSG-Real et PSG-Barca. Un Bayern-PSG en Ligue des Champions avec ce but extraordinaire de Weah aussi… Les PSG-OM quand Ronnie était à Paris aussi…
Tu as connu le PSG qui stagnait dans les bas-fonds du classement au milieu des années 2000, aujourd’hui champion de France en titre et bien parti pour faire un beau parcours en Ligue des Champions. Tu vis comment ce changement d’ambition de la part du club ?
Flynt : C’est enfin ce que j’estime être la normalité pour une ville comme Paris. Je ne comprenais pas ce manque d’ambition justement. C’était une anomalie à mes yeux. Pour moi, quand tu joues à Paris, quand tu es dans l’encadrement ou à la tête du club, tu dois être ambitieux. L’ambition devrait être dans l’ADN du club. En tant que supporter, je veux qu’on gagne le championnat tous les ans et qu’on soit compétitif en Ligue des Champions. On veut des grands joueurs, des vrais pros pour tirer le club vers le haut. Colony Capital, je ne sais pas ce qu’ils étaient venus faire à Paris. Même avec des moyens qui n’étaient pas colossaux, je pense qu’ils auraient pu faire beaucoup mieux. Une des forces des Qataris aujourd’hui, au-delà de l’argent qui est l’atout principal, c’est d’avoir pris le parti de redorer voire de créer la marque « Paris ». Ils l’ont fait à coups de millions bien sûr, ça aide, et ça aussi c’est leur force, mais ils ont une vision pour le club, c’est voir grand. C’est comme ça que je le perçois. On peut se réjouir d’avoir une équipe belle et compétitive mais après avoir vécu cette période où l’équipe allait très mal, personnellement je reste prudent mais je savoure quand même. Maintenant il faut gagner des titres sinon tout cela n’aura pas servi à grand-chose.
Tu parles quelquefois de football dans tes textes, tu dis notamment dans l’un de tes couplets « […]Avec mes disques j’aimerais gagner ma vie, que mon merchandising donne du taf jusqu’en Asie, jouer à guichets fermés, séjourner à NYC, investir dans mon jouet comme Nasser Al-Khelaïfi« , tu le vis comment cet investissement massif de QSI en millions d’euros à Paris ?
Flynt : Tu veux faire comment ? C’est comme ça partout, les gros clubs, ceux qui gagnent des titres se bâtissent à coup de millions, partout. Des Montpellier champion, ça arrive une fois de temps en temps, ils n’avaient pas un gros budget mais il y avait une osmose dans l’équipe cette année-là, il s’est passé quelque chose. Les miracles dans le foot ça arrive et heureusement ! Mais c’est rare. Regarde Manchester City, Beaucoup ont critiqué le fait que l’équipe était bâtie à coups de millions, ils ont eu du mal au début mais là c’est parti et ça marche. Ils ont réussi à être champions d’Angleterre. Cette année leurs 3 attaquants sont dans le top 10 européen en nombre de buts marqués depuis le début de la saison. En Allemagne, il y a quelques années Hoffenheim était monté, ils avaient tout éclaté lors de la première moitié de saison avec le plus faible budget de la Bundesliga je crois, tout le monde se prenait la tête sur eux ! Mais ça ne dure pas, les contes de fée ça ne dure pas dans le foot. Pour durer il faut de l’oseille. Ce ne sont pas forcément les clubs les plus riches qui gagnent tout le temps, ce n’est pas une règle absolue et c’est tant mieux pour le football mais pour devenir et rester un grand club prestigieux, il faut des millions, il faut des titres.
À Paris, ils ont acheté des joueurs extrêmement professionnels, ils ont acheté des Zlatan et des Cavani parce que leur état d’esprit est toujours irréprochable. Ce sont de vrais pros les Sirigu, Silva, Motta… On a eu des joueurs qui ont coûté cher à Paris et qui au final n’ont pas pris leurs responsabilités parce que pas assez pros dans leur tête je pense.
Je ne sais pas si les Qataris gagnent des millions avec le PSG vu les sommes astronomiques qu’ils dépensent. Moi, j’ai plus l’impression que le PSG est une vitrine pour eux et qu’à côté ils font des choses dont on ne parle pas qui va leur rapporter des vrais sous. Tout le monde regarde le PSG et paf ils font d’autres trucs là où personne ne regarde mais je suis sûr qu’ils vont se servir de Paris pour d’autres business que le foot.
Tu comptes parmi ton public une partie d’anciens abonnés d’Auteuil. Comment expliques-tu cet attrait pour ta musique ? « J’éclaire ma ville », hymne à Paris a touché les supporters où tu as côtoyé le virage ?
F: Non, pas du tout. Comme je t’ai dit je suis allé au stade assez tard. D’une part, je n’ai jamais été abonné et puis je ne fréquentais pas souvent le stade. Je pense que ces supporters me suivent et apprécient mon rap d’une part car je suis supporter parisien comme eux, et puis « J’éclaire ma ville » leur a parlé parce que je fais beaucoup référence à Paris et également au football et à certains joueurs dans mes textes. Mais je n’arrive pas sur scène avec une écharpe et un maillot du PSG. J’ai pour habitude de dire que je représente ceux qui se sentent représentés, que tu sois parisien ou marseillais ou de n’importe quelle autre ville.
« Quand Weah termine sa carrière à Paris sur des cris de singe au Parc c’est inadmissible… »
En parlant des supporters parisiens, comment as-tu vécu la mise en place du Plan Leproux et la fin des associations de supporters ?
Flynt : Je n’ai pas du tout vécu ça de l’intérieur. Si l’idée de ce plan était de lutter contre la violence et l’extrémisme au Parc, c’est une bonne chose. Quand Weah termine sa carrière à Paris sur des cris de singe au Parc c’est inadmissible, c’est triste, c’est honteux. De ce point de vue le plan Leproux n’est pas une mauvaise chose. Mais avoir tiré dans le tas, avoir mis tout le monde dehors ce n’était pas la meilleure manière. Dans la forme, je pense que ça aurait pu être fait avec plus d’intelligence. Comment peut-on dire à des supporters qui ont donné leur argent, leur temps, leur passion à un club pendant des années d’aller se faire foutre, arbitrairement, comme ça du jour au lendemain. Bon j’ai vécu ça de l’extérieur, je ne peux pas en parler comme un ancien abonné qui aurait subi cette décision comme une injustice. Je n’étais pas non plus à la place de Leproux, peut-être qu’il n’a pas eu beaucoup le choix, je ne sais pas… Sur l’ambiance actuelle, on n’est pas non plus au cinéma quand même, mais c’est vrai qu’on a connu plus chaud comme ambiance. Je pense que le club a un rôle à jouer maintenant pour que l’ambiance revienne au Parc. Je pense que ça va venir avec les résultats mais le club doit aller vers les supporters, les anciens, les nouveaux, qu’ils mettent des choses en place pour que le public parisien ne soit plus vu comme un public de merde. J’aimerais bien qu’on ait un public comme à Liverpool par exemple. Je ne suis jamais allé à Anfield mais on m’a raconté. Et le public c’est magnifique là-bas paraît-il, tu le vois à la télé de toute façon. Comment faire pour tendre vers cette ferveur et ce soutien sans faille à Paris ? Je suis bien placé pour te dire qu’un public ça te porte, ça te booste, ça te rend meilleur. Je le vérifie chaque semaine en concert depuis 1 an et demi que je suis en tournée. Moi je suis optimiste, on a aujourd’hui les joueurs que la ville mérite, bientôt on aura le club qu’elle mérite et puis l’ambiance va venir, revenir, j’en suis persuadé.
Ta carrière de rappeur indépendant et la lutte contre le football moderne actuel, vous défendez les mêmes valeurs ?
Flynt : Je ne mettrais pas les deux sur le même plan, je ne comparerais pas le football et le rap d’un point de vue économique. Il y a des valeurs communes dans la musique et le sport. On peut voir la musique et le rap en particulier comme un sport. Il y a beaucoup de similitudes. Mais si ta question c’est « est-ce que je suis contre l’argent dans le football ? » Je te réponds non direct. Comme il faut de l’argent dans le rap aussi. L’argent c’est essentiel. Ce n‘est pas parce que je fais du rap de manière autonome et en autoproduction que je suis contre l’argent dans la musique ou dans le sport.
En tant que rappeur indépendant, tu as choisi une carrière loin de l’argent, des strasses et des paillettes. Tu te reconnais un peu dans le parcours des footballeurs amateurs?
F: Je n’ai pas choisi une carrière loin de l’argent. Je fais juste du rap comme je l’entends, je ne veux pas créer en fonction du diktat d’une radio ou d’un directeur artistique. Et je mène moi-même ma barque. Mais l’argent entre dans l’équation bien évidemment. Sinon, je me reconnais un peu dans le parcours des footballeurs amateurs car je bosse la plupart du temps à côté, je ne fais pas que du rap, c’est un choix délibéré de ma part. Bon en ce moment je ne fais que ça, je ne bosse pas à côté mais il y a des similitudes avec le foot amateur où les mecs ont un niveau dans ce qu’ils font, ils gagnent de l’argent avec et surtout ils prennent plaisir à faire ce qu’ils aiment. Ils prennent du plaisir avec le football comme moi je prends du plaisir avec le rap. En Coupe de France par exemple, c’est bien quand il y a des petits clubs qui arrivent à taper les gros. Je suis content pour ces amateurs qui démontrent qu’ils savent faire de belles choses, qui attirent la lumière sur eux le temps d’un ou plusieurs matchs. Ils le méritent tout autant que les autres.
Propos recueillis par Benoit Taix