Dans un match à la physionomie plutôt inattendue, les deux équipes se sont d’abord mutuellement annulées. Après une première mi-temps très tactique, le match s’est ouvert en seconde période, après que le bloc valencien se soit quelque peu dilaté, avant d’être achevé par la puissance du joueur-équipe de l’Atlético cette année : Diego Costa.
- Diego Costa, double buteur dimanche soir
Le (4+4)2 de Simeone / Valence empêchée de jouer entre les lignes
La première mi-temps est l’occasion pour l’Atlético de faire admirer la compacité de son bloc. L’habituelle méthode des Matelassiers est assez rudimentaire : deux lignes de quatre, basses et compactes, visant à étouffer les créateurs adverses. Quand ceux-ci s’intercalent entre les lignes pour servir d’appui à leur équipe, les deux lignes rouges et blanches se referment sur eux comme un piège à loup. Huit joueurs derrière le ballon en phase défensive : c’est la base de ce 4-4-2 détonnant dans le championnat de créateurs.
Incontestablement, le projet de la meilleure défense de Liga (9 buts encaissés) repose d’abord sur une solide assise défensive. On va le constater dans la chronologie de ce match. Le bloc en 8+2 de l’Atlético stationne si bas qu’on pourrait presque parler d’un pressing tiers-terrain. S’ils ne sont pas dispensés de repli ou de pressing, Costa et Villa rodent aux alentours du rond central alors qu’un léger trou se crée entre eux et le milieu, qui stationne souvent à 10/15 mètres derrière la ligne médiane, puis de plus en plus bas tandis que la possession adverse se rallonge.
Comme prévu, le ballon est pour les blancs dès l’entame du match face au bloc bas de Simeone. Pour autant, ils ne peuvent pas en faire grand-chose. L’attaque et le milieu de l’Atlético sont les seules lignes entre lesquelles les créateurs valenciens peuvent s’intercaler. A mesure que le « sandwich » milieu-défense se referme sur eux, les hommes de Djukic n’ont plus que deux choix : reculer ou balancer des ballons sans espoir dans le dos d’une défense où l’espace a été efficacement réduit. Leurs points d’appui isolés, les Ché ne peuvent pas pénétrer et concluent la première mi-temps sans la moindre frappe.
Valence s’adapte / L’Atlético empêchée de contrer
Le souci pour les Madrilènes, c’est qu’ils n’ont pas été bien dangereux non-plus au terme du premier acte. Car si Valence est bloqué offensivement, c’est également le cas de ses hôtes du soir.
Malgré ses difficultés cette saison, Valence reste 4e au classement de la possession, avec un moyenne de 59% par match. Dans « l’autre Liga », seul le fougueux Rayo Vallecano fait mieux. On peut donc dire que l’équipe de Miroslav Djukic possède plutôt un profil d’équipe tout-à-fait au goût de l’Atlético : joueuse, facile à aspirer pour mieux la contrer ensuite. A l’image de ce qui s’était passé l’an dernier à Mestalla face à Paris.
Mais ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. Et c’est ce qui a rendu ce match particulièrement intéressant. Car l’Atlético s’est trouvée confrontée à une équipe valencienne proposant un très bon repli défensif. L’équipe de Djukic s’est présenté avec – en phase défensive – un 442 relativement calqué sur celui de son adversaire ; refusant d’être piégée en jouant trop haut, trop court et en attaquant en trop grand nombre.
De fait, les Colchoneros sont obligés d’échanger plus de passes latérales (plus de passes tout court) qu’à l’accoutumer. La possession n’a été que de 52/48 pour Valence. Au vu des profils de deux équipes, on avait le droit de présumer qu’elle serait beaucoup moins partagée. Finalement, d’une façon assez paradoxale, quand l’Atlético attaque, c’est elle qui s’empale sur le bloc de Valence. L’arroseur arrosé. S’ils accomplissent jusqu’alors leur travail défensif avec l’efficacité habituelle, les rojiblanco concluent la première mi-temps sans s’être créé de réelle occasion ; pris à leur propre jeu lorsqu’ils attaquent, à l’initiative du bon repli Valencien.
La première période accouche donc d’un match nul très tactique. Pendant ce temps en Italie, le Napoli mène 3-2 face à l’Inter…
Le match se débride, Valence s’impatiente…
La deuxième mi-temps est plus débridée. Le pressing valencien devient plus intense. Sentant l’exploit possible, les joueurs de Djukic ont un peu perdu patience. C’est ce qui va offrir à l’Atlético l’opportunité de se créer ses premières occasions franches. Vu leur situation au classement, c’est bien légitime. La rencontre se débride et les blocs sont de moins en moins compact. Les Colchoneros montrent eux, un visage particulièrement offensif à l’entame de la seconde période, procédant par attaque placée à l’initiative de ses latéraux et des courses intérieures d’Arda Turan.
Les Madrilènes ne seraient sûrement pas second s’ils proposaient aussi peu de football que lors de la première mi-temps. D’ailleurs, quand on jette un œil au onze de Simeone, on se rend compte qu’il n’y a que des bons footballeurs dans cette équipe. Il n’y a aucun joueur dit « de devoir ». On peut penser à Thiago, vieille connaissance de « Liguin » au temps du grand Lyon. D’ailleurs, si Guilavogui dispose de si peu de temps de jeu, c’est aussi car les exigences de Simeone ne sont sûrement pas qu’athlétiques, même si elles sont à coup sûr drastiques sur ce plan-là.
… et se fait punir
Le premier but est symbolique de la physionomie du match à plusieurs égards. Il conclut le premier quart débridé de la seconde période. Après une récupération de Ruiz derrière, Canales transmet rapidement à Feghouli, mais l’Algérien ne cherche pas Jonas. Il préfère repasser derrière et voilà Valence qui remet le pied sur le ballon. A ce moment-là, l’Atlético était coupée en deux, vulnérable. Le rythme lent du jeu posé Valencian est idéal pour les Madrilènes et leur fameux repli 4+4. Signe de cette « impatience » valencienne, les latéraux commencent à envahir le camp rouge et blanc. Erreur.
Le premier but récompense la basse compacité défensive de l’Atlético. Valence attaque sur la gauche et, peu à peu, les 2 lignes de 4 vont se resserrer sur les deux créateurs/décrocheurs du club Ché : Feghouli, et surtout Jonas. Le Brésilien se retrouve pris dans ce terrible piège à loup et rate sa prise de balle. Ce qui est également intéressant sur ce but, c’est la belle intelligence instinctive de Godin, qui sort de sa défense pour faire le travail de remontée de balle, normalement alloué à Arda, alors que celui-ci est entrain de défendre. Après un relai avec Gabi, la passe du stoppeur est décisive pour Costa, qui fait parler sa conduite de balle intérieur/extérieur de NHL avant de finir pied gauche tout en puissance. Pendant une heure, Valence a joué un football relativement contre-nature, mais finalement, l’aspirateur Madrilène est parvenue à sa mission : draguer le bloc de Djukic jusqu’à son camp avant de le contrer verticalement.
La puissance de Diego Costa
Naturellement, après le 1-0, Valence va plus que jamais chercher l’Atlético très haut, à l’initiative du pressing du nouvel entrant Alcacer qui a remplacé Jonas, qui a vécu un match bien pénible. Mathieu multiplie les montées, tout comme ses latéraux. Fatigués par ces allers-retours, les Valenciens craquent définitivement sur une frappe de Raul Garcia, après une nouvelle attaque en nombre de Valence. Coaching gagnant pour Simeone : l’Espagnol venait d’entrer pour Villa et démontre la profondeur de banc du club madrilène. Sur le contre, c’est encore Costa qui porte le ballon dans les mêmes circonstances que sur le 1-0. A 2-0 l’Atlético peut (se) régaler en attaque rapide permettant ainsi à son attaquant néo-espagnol de faire parler sa masse physique à de nombreuses reprises. Il conclut la soirée sur un pénalty, après en avoir raté un. Il avait obtenu les deux, évidemment.
Conclusion : la méthode Cholo
C’est une course de lenteur qu’a gagné l’Atlético. Sûrs de leur force et du fait que leur chance viendrait, les Madrilènes n’ont quasiment pensé qu’à défendre en première mi-temps. La patience de l’Atlético a été récompensée, alors que Valence a perdu en consistance collective au fil du match. Djukic, viré lundi soir, n’a sûrement pas perdu son poste sur ce match…
Si la stratégie de l’Atlético, lorsqu’on la découvre, peut sembler trop défensive et donc, par nature, déséquilibrée, la vérité du terrain est sans appel : grâce à ce qu’il convient d’appeler la méthode Simeone, l’Atlético a réalisé un 11 sur 11 à domicile (Liga+Champions’) et est la meilleure défense de Liga. C’est aussi l’équipe qui concède en moyenne le moins de tirs (8,9/matchs), mais surtout elle est leader ex-aequo avec le Barça qu’elle retrouvera le 12 Janvier pour la dernière journée de la phase aller. Pour une alléchante opposition de style. Enfin, normalement…