À l’heure de passer le cap de la nouvelle année, 2013 fut riche en enseignements. Le beau jeu des Newell’s , la descente en deuxième division d’Independiente, la stabilité de San Lorenzo ou encore Lanus soulevant la Coupe Sudamericana resteront comme les faits marquants en Argentine, sur le plan sportif. Mais 2013 s’inscrit surtout comme une année particulièrement meurtrière.
Le chiffre 13, pour les superstitieux, porte malheur. Ou est synonyme de mort pour les plus extrémistes. Pour les supporters qui se rendent au stade, 2013 va bien au-delà de n’importe quelle superstition. Cette année confirme la réputation violente du football argentin. Pire, elle l’a accentué. 19 personnes sont mortes dans un cadre en relation avec le football. Le chiffre le plus élevé depuis la tragédie de la Porte 12.
Cette spirale de la violence serait-elle insoluble ? Le mot « mort » revient avec insistance en marge des rectangles verts. Depuis 1988, on déplore au moins un mort par an en relation avec le football. 2013 a battu tous les records : loin devant 1992 et ses 13 victimes ainsi que l’année dernière et ses 12 décès.
Parmi ces règlements de compte, 10 sont au sein d’une même barra brava pour le contrôle de la tribune et bénéficier des revenus qui en découlent (places de parking, drogues, reventes de billets , rackets des stands de nourritures , boutiques autour du stade etc.). L’affrontement interne la barra de Boca autour du stade de San Lorenzo reste le plus sanglant de l’année. Bilan : 2 morts. La justice argentine continue aussi d’enquêter sur les morts de Nicolas Pacheco, un jeune journaliste du Racing, retrouvé mort au fond de la piscine d’un siège social du club et de Diego Bogado, un membre de la barra de Vélez, retrouvé également sans vie dans un atelier situé en-dessous d’une tribune du stade Amalfitani.
Les autorités impuissantes voire corrompues
À Rosario, le Chicago local, 3 personnes ont été assassinées au seul motif de supporter les Newell’s ou Central. Le mode opératoire ne diffère presque pas. Des maillots différents, une moto et des flingues, tout va très vite. L’avant-dernier mort de 2013 est d’ailleurs un hincha de Central dans une boite de la ville. Une rixe entre deux groupes de fans de la même équipe, des coups de feu et une victime de plus. Et le dernier ? Dans un tournoi de futsal jeudi à Mendoza.
La police, qui doit normalement protéger la population, est elle-même mise en cause dans deux affaires : la mort de Martin Gerez, supporter de Lanus, avant un match contre Estudiantes aux abords du stade et celle d’un commerçant qui se trouva au milieu d’une fusillade entre supporters d’Ituzaingo et la police. Après la mort de Gerez, les dirigeants de l’AFA ont supprimé les déplacements. Avec le temps, on s’est rendu compte -hélas- de l’inefficacité de cette mesure.
La province de Cordoba ne se laisse pas distancer dans cette escalade de la violence. Cristian Emiliano Conti a été roué de coups par ses adversaires après des échauffourées lors d’un match de U17. Le deuxième cas concerne la Fiel, la barra brava du club de Talleres impliquée dans la mort de Jonathan Villegas, un jeune de 16 ans poignardé à Villa Carlos Paz. Cette même Fiel a pourtant été décorée par le gouvernement de la province de Cordoba pour sa lutte contre la violence. Un paradoxe.
Rappelons également que cette barra est à l’origine de la mort d’un supporter d’Atlanta. Le mobile du meurtre de Villegas : un baptême qui aurait mal tourné.
Un problème insoluble ?
Les femmes ne sont pas en reste dans ces sombres affaires. Lorena Morini, 39 ans, a succombé à une balle dans le ventre pendant une fusillade entre deux groupes rivaux du club d’Independiente. Au début, les enquêteurs pensaient que c’était une balle perdue. Mais au fil du temps, on s’est rendu compte qu’elle entretenait des liens étroits avec « Bebote » Alvarez et « Loquillo » Rodriguez , les deux chefs qui se disputent la tribune.
La province de Tucuman a également eu son lot de décès : Ronaldo Delgado et Victor Hugo Sarmiento, tués au nom d’une guerre interne au sein du club de Deportivo Aguilares .Deux groupes appartenant à deux quartiers rivaux en quête également du contrôle de leur secteur.
Un supporter de Tigre aussi a payé de sa vie lors d’affrontements avant un match contre River. Un autre de Boca s’est fait tiré dessus en rentrant des festivités du douxzème homme lors du « jour national » le 12 décembre. Des festivités qui ont, par ailleurs, été suivies de débordements avec la police en plein centre ville.
Les dirigeants et les pouvoirs publics se rejettent la faute. Aucune des deux parties n’assume ses responsabilités et bien souvent, on prétexte que ce n’est que le reflet de la violence de la société civile. 4 personnes liées au football sont mortes rien qu’au mois de décembre. La corruption, les tensions sociales, les arrangements entre amis et la politisation des clubs et des tribunes sont en train de tuer le football argentin. Alors oui, San Lorenzo possède une équipe capable de gagner la Libertadores , Lanus a remporté un titre continental, le pays possède les meilleures ambiances. Toutefois l’essentiel ne réside sans doute pas là.