Après cette trêve internationale où l’on connaît d’ores et déjà le nom de plusieurs nations qui rejoindront le Brésil pour la Coupe du monde, la rubrique « ils se détestent » reprend. Et cette semaine, nous allons en Israël où ce lundi soir aura lieu un match opposant le Beitar Jérusalem et l’Hapoel Tel-Aviv. Une animosité alimentée sur et en dehors du terrain par une forte connotation politique. Le Beitar d’extrême-droite nationaliste affronte l’Hapoel d’idéologie socialiste et travailliste.Méconnue en France, zoom sur cette rivalité qui n’a pourtant rien à envier à certaines affiches du football mondial.
Le Beitar Jérusalem, qui jouera à domicile un lundi (habituellement les matchs se jouent le samedi après la fin du Shabbat), est un club atypique dans le sens où il fait partie des seuls clubs de la zone UEFA à posséder un signe religieux, la Menorah, le chandelier à sept branches, sur le logo du club. Il a été crée en 1936 par David Horn qui était le chef du Betar (pôle jeunesse du Parti Révisionniste) qui est une organisation sioniste. L’équipe de Jérusalem se structurera au départ avec des jeunes membres du Betar. Méprisé par le mandat britannique dont leur autorité s’étendait à l’époque de l’état actuel d’Israël et des territoires palestiniens jusqu’en Jordanie, le club fût démantelé en 1938 avec l’arrestation de ses principaux dirigeants. Le club ouvre sa section senior en 1942 et Shmuel Kirshtein (qui était aux côtés de D.Horn à la création du club) prend les rênes du Beitar dans un climat délétère puisque sous surveillance des soldats anglais qui espionnaient les joueurs avant et après les matchs de l’équipe. En octobre 1944, les Anglais déportent 251 personnes en Érythrée et au Kenya entre autres. Dans cette liste de déportés y figurent le nom de David Horn et de plusieurs joueurs, ils créeront là-bas une équipe au nom de Beitar Jérusalem à Gilgil (Kenya). Après l’indépendance et le départ des Anglais, le club se pérennise et garde son nom malgré de multiples tentatives de changement de dénomination. De bons résultats amènent l’équipe souvent dans le trio de tête du championnat national sans résultats concluants (un seul championnat remporté avant 1990).
Six championnats et sept Coupes d’Etat, un maigre palmarès pour être considéré comme un pilier du championnat. Mais le Beitar est surtout devenu médiatisé par ses frasques économiques et dans les tribunes. Les liens entre le Beitar Jérusalem et le Likoud (parti de droite libéral et conservateur) sont solides et des cadres du parti se sont même déclarés supporters du Beitar comme Ariel Sharon, Benaymin Netanyahou ou bien Ehud Olmert.Arcadi Gaydamak devient propriétaire du club en août 2005 afin de palier les problèmes financiers précédents et de faire du Beitar, la figure de proue du football israélien. Dans la foulée, il nomme Luis Fernandez en tant qu’entraîneur et fait venir Jérôme Leroy, David Aganzo et Fabrice Fernandes. Le Beitar finit 3ème cette année-là et accède à la Coupe UEFA. L’ère Gaydamak sera prospère et permettra au club de glaner deux championnats (2006-2007 et 2007-2008), deux coupes et une Coupe Toto (l’équivalent de la Coupe de la Ligue).
Après être abonné deux saisons à la 11ème place, Gaydamak cherche à revendre son joujou. Mais le coup de massue porté vers les supporters intervient lorsqu’il signe un partenariat avec le Terek Grozny. Pour les ultras et surtout « La Familia » (le principal groupe), c’est un camouflet lorsqu’ils apprennent que deux joueurs de Grozny signent à Jérusalem : Zaur Sadayev et Gabriel Kadyev, deux joueurs de confession musulmane. Ce qui entraînera des banderoles racistes et anti-arabes et même une explosion dans les locaux du club.
Le départ de Gaydamak interviendra en juillet 2013. Eli Tabib, le nouveau président, fait table rase du passé de Gaydamak et renvoie les deux joueurs du Terek en Russie (ils étaient tous deux prêtés). Ses supporters défrayent souvent la chronique pour leurs actes racistes lors de certaines rencontres, et plus particulièrement contre les deux dernières recrues musulmanes. A coups de banderoles et de chants hostiles aux arabes, les ultras du Beitar se sont fait une renommée en Europe.
Hapoel Tel-Aviv : Les « Démons Rouges » au travail
Une partie de cette rivalité est racontée par Uri Misgav, ancien rédacteur en chef des Sports au quotidien Ha’aretz : « Trois jours après les élections générales où le Parti Travailliste d’Ehud Barak gagne ces dernières, les supporters de l’Hapoel déroulent une banderole où est écrit « Nous vous avons niqué aux élections nous vous niqueront sur le terrain » ». Voilà l’ambiance dans laquelle on se pose à moins de 60 kilomètres de Jérusalem, à Tel-Aviv, capitale économique du pays qui abrite quatre clubs professionnels. L’Hapoel Tel-Aviv, crée en 1927, suit le chemin de nombreux clubs israéliens à la dénomination d’Hapoel qui est très généralement la section football crée par le Parti Travailliste (à gauche sur l’échiquier politique). Avec 13 sacre dans son histoire, c’est le deuxième club le plus titré d’Israël derrière un autre éternel rival, le Maccabi Tel-Aviv. L’hégémonie de Tel-Aviv est sans égal, la ville a raflé 34 championnats à elle seule.
La connivence entre les supporters du club et les partis de gauche ou les syndicats sont bien connus en Israël, tellement bien que Yitzhak Rabin (ancien Premier ministre et grande figure de la gauche israélienne) était supporter de l’Hapoel. Selon un sondage paru en Israël, le club le plus apprécié de la minorité arabe et musulmane d’Israël est l’Hapoel Tel-Aviv, devant même le Bnei Sakhnin qui est le seul club arabe du championnat. Les tensions sont tout aussi vives quand le Bnei Sakhnin rencontre le Beitar. Les détracteurs du clubs disent que l’Hapoel Tel-Aviv est « le club juif le plus arabe » du championnat. Les fans du Beitar vont même jusqu’à chanter, dans leur antre du Teddy (surnommé aussi « l’Enfer »), des chants à la gloire de certains bombardements comme ce fût le cas en 1991 quand le régime de Saddam Hussein bombarda Tel-Aviv : « Saddam mon amour, mon amour ! Lâche tes bombes sur Tel-Aviv’ ! ». Uri Misgav conclut qu’en Israël « il n’y a pas de culture supporter mais bien une culture de haine ». La haine est peut-être bien le carburant des supporters dans un pays ou le conflit israélo-palestinien occupe une grande place dans la vie politique. A ce sujet, deux idées se confrontent : La première est celle de Jeremy Last, journaliste sportif au Jérusalem Post, il explique que « la rivalité entre ces deux clubs est clairement basée sur le conflit israélo-arabe » mais un autre analyste plus inattendu mais tout aussi crédible, celui de Steven Cohen (Montpellier et ex-Beitar Jérusalem) : « On ne parle pas de politique. Il y a des équipes où musulmans et juifs se côtoient. On évite de mêler la politique et le football ».
Au classement, l’Hapoel Tel-Aviv (5e) et le Beitar Jérusalem (7e) se battent pour les prémices de la course au titre mais le championnat n’est qu’à son début (6ème journée). Qui aura l’espoir d’accrocher le bon wagon ? Réponse lundi à 20 heures.