Il y a quelques semaines, un vent d’optimisme soufflait sur les tribunes italiennes. La fameuse tessera del tifoso était substituée petit à petit par des cartes propres aux clubs de la Botte. Moins préoccupantes concernant la confidentialité, celles-ci ont engendré un véritable engouement. Dont la pionnière, l’AS Roma Away Card, permettant aux supporters romains de soutenir leur équipe en déplacement. Un optimisme de courte durée puisque cette dernière a été suspendue dès la deuxième journée à l’instar de certaines curve pour comportements racistes.
Ce devait être la saison de la réconciliation du Calcio avec les tifosi. Tout avait pourtant bien commencé, des buts, des recrues stars (Gomez, Higuain, Tevez…) et surtout la promesse de stades pleins grâce aux cartes proposées par les clubs . Un mois après le reprise, si force est de constater que la Serie A est attrayante sportivement, le point noir demeure la question sensible des tribunes. Quatre : c’est le nombre de curve suspendues déjà depuis le début de saison. Deux à Rome donc, et désormais deux à Milan où l’Inter et le Milan ont aussi été rattrapés par les chants discriminatoires. Mais c’est surtout la décision de l’Osservatorio sulle manifestazione sportive d’invalider l’AS Roma Away Card (et par extension celles des autres clubs) qui plombe l’embellie. La tifoseria romanista, ravie de préparer le déplacement à Livourne lors de la deuxième journée a dû revoir ses plans. Pour se déplacer, il faut la tessera del tifoso, point barre. Peu de groupes ultras ont cédé sur ce point, d’ailleurs les Giallorossi sont déjà raillés pour être détenteurs de cette carte club (qualifiés de « tesserati », soit « encartés »). La Roma était en effet à la pointe de ces substituts. Inutile de revenir une nouvelle fois sur les difficultés qu’ont les Italiens pour aller au stade, il suffit de regarder le calendrier de près pour se rendre compte des problèmes liés aux diffuseurs : un Inter-Juve un samedi à 18 heures en raison de la C1 (alors que les familles se rendent au stade traditionnellement le dimanche), un derby de Turin le dimanche midi à l’heure du déjeuner (avec tribunes dégarnies chaque semaine, bien entendu), et enfin un match un lundi soir (Parme-AS Roma par exemple). Sans compter que la préfecture de Rome est obligée de faire décaler le match contre Naples à la dernière minute suite à une manifestation le même jour prévue de longue date. De véritables amateurs à tous les étages des instances en passe de dégoûter les plus passionnés.
La « No Way Card » et le racisme
Problème donc, le principal argument commercial de cette Away Card (se déplacer comme un tesserato) est supprimé. C’est ce que souligne le collectif MyRoma qui « se soucie de protéger les fans privés de droits qu’ils ont achetés ». Et pour cause, 6500 tifosi se sentent floués. Dans le communiqué, il est également rappelé que lors de la journée précédente contre l’Hellas Vérone, 8 stewards ont été blessés à l’Olimpico par les Véronnais alors que ceux-ci avaient été autorisés à se déplacer parce qu’ils étaient détenteurs de la tessera del tifoso. Difficile de digérer toutes ces mesures répressives alors qu’un homme de la classe politique transalpine se permet de comparer une ministre noire à un singe sans être inquiété. Le fameux deux poids, deux mesures. Or dans le football actuel, il faut reconnaître que les cris « buu » ressemblent davantage à une méprisable tentative de déstabilisation qu’autre chose. Surtout lorsque ceux-ci viennent de la Curva Nord de l’Inter, indignes de la philosophie internazionale du club. Pourtant ces dérapages constatés doivent être sanctionnés. Finies les simples amendes, cette année la Lega frappe fort. Huis clos partiels ou total comme possiblement pour le prochain Milan-Udinese pour récidive. En effet, certains Milanisti ont multiplié les messages nauséabonds (sans mauvais jeu de mots) sur les Napolitains. Pas de bol, depuis peu la « discrimination territoriale » est reconnue au même titre qu’une discrimination raciale. C’était même fait exprès à en croire certains « ultras » (qui ressemblent de plus en plus à des barras bravas) pour « punir le club », les mêmes imbéciles qui avaient sifflé Paolo Maldini pour ses adieux. Une situation qui a fait couler beaucoup d’encre en Italie, les ultras des grandes équipes du Nord appelant à entonner ce même type de chants en signe de défiance. Si certains partenopei ont repris ces insultes eux-mêmes contre Livourne (au nom de la mentalité ultra, parait-il), c’est l’ensemble de l’Italie du Sud qui a été touchée. C’est paradoxalement les tifosi de l’Hellas Vérone, d’extrême droite, qui avait pourtant donné l’exemple en applaudissant ironiquement Mario Balotelli lors de la première journée. Une voie qui n’a pas été empruntée par les autres tifoserie. Pour le plus grand malheur du football italien.
Dans tout ce marasme, on a au moins constaté le retour de mythiques groupes ultras napolitains (Fedayn et Ultras Napoli) en déplacement à Milan. Une maigre réjouissance à l’heure des settori ospiti vides. Retour à la case départ pour les tribunes italiennes malgré quelques superbes tifos en cache-misère. Seul un Andrea Abodi serait capable de changer la donne. En attendant la culture football canapé grappille du terrain, même en Italie.