Entraineur passé notamment par le S.C. Salgueiros et L. Lourosa où il a accompagné Rui Quinta, et comme entraîneur des jeunes à l’União Desportiva Oliveirense ou encore Dragon Force, l’école de football du FC Porto, l’ancien élève du professeur Vítor Frade, créateur de la Périodisation Tactique, Renato Paulo Farinhas nous partage sa vision du rôle de l’entraineur de football qui a pour spécialité, les gardiens de but.
Pour vous, que signifie être entraineur de football, spécialiste des gardiens de but ?
Renato Farinhas : Je dois d’abord faire cette introduction : Pour moi, être entraîneur de football, c’est avant tout créer des contextes de football qui stimulent l’émergence de comportements collectifs et individuels, guidés par une idée commune ! Dans mon cas particulier, je suis un entraîneur adjoint responsable des gardiens de but, ce qui signifie que je suis subordonné à un entraîneur principal, qui veut mettre en œuvre une idée de jeu dans un certain contexte (pays, région, club, joueurs, culture). Et c’est cette idée de jeu qui guidera tout le processus d’entraînement.
Selon moi, l’entraînement devrait stimuler l’émergence d’un modèle de jeu (résultant de l’idée de jeu et du contexte dans lequel nous entraînons – club, joueurs, etc.).
Dans ce contexte, nous aurons des gardiens qui ne joueront pas seuls. C’est à moi et à tout le staff (parce que nous sommes tous identifiés avec l’idée de jeu de l’entraîneur principal) de les aider dans leur jeu, de la même façon que nous aiderons tous les autres joueurs.
Comment ? En jouant ! Pour moi, le meilleur contexte d’apprentissage est de jouer ! Et quel jeu ? Le nôtre ! Nous nous entraînons à travers des procédés, avec peu de règles (pour ne pas enlever la nature du jeu), mais assez pour que certains comportements de notre modèle de jeu se produisent plus souvent. En même temps, nous cherchons à stimuler au maximum la compétition lors des entrainements !
En général, dans d’autres contextes, les gardiens de but s’entraînent beaucoup séparément et travaillent sur les aspects « techniques » et « physiques ». Mais de la même façon que nous considérons le corps comme un tout, le gardien de but fait aussi partie d’un tout (l’équipe). À mon avis, les gardiens de but doivent s’entraîner avec tout le monde. Soumis par quelque chose. Ce quelque chose est comment l’équipe joue, en fonction des principes de jeu.
Pendant les 15 premières minutes d’une séance d’entrainement, l’activation des gardiens est avec moi, car ce sont clairement des joueurs avec des modèles comportementaux différents et doivent s’y préparer. De la même manière que les autres joueurs font des petits jeux (par exemple, des rondos) pour préparer leur corps à leur façon de se déplacer. C’est les préparer à jouer, en jouant. Et je le fais en présentant des contextes complexes (simplifiés) et intentionnels (information) qui impliquent leurs mécanismes de prise de décision et de perception. Je ne fais pas « 5x la balle va ici et puis la balle va là-bas ». Voyons-nous un joueur de terrain faire « 5 passes avec cette partie du pied, 5 passes avec une autre, etc. » pendant l’échauffement? Non. Ils jouent ! Avec le gardien, c’est exactement pareil.
Il y a 3 critères que tous mes procédés remplissent : imprévisibilité. Parce que le jeu est imprévisible ; idée de jeu où les principes de jeu de nos gardiens (chacun avec ses caractéristiques) sont ce qui guide le processus et sont toujours présents dans les séances présentées ; compétition. J’essaie toujours de stimuler une sorte de compétition, pour que la charge émotionnelle soit pertinente et que l’échauffement ait un impact sur eux.
“La technique pour moi, c’est la façon dont le corps du gardien interprète les informations extérieures. La façon dont ils se déplacent est propre à chacun d’eux, et je n’y interfère pas directement.”
Comment envisagez-vous la méthodologie de la Périodisation Tactique dans le contexte des gardiens de but ?
Encore une fois, je dois souligner que la façon dont nous voyons l’entraînement et comment la Périodisation Tactique le préconise est complètement différente des conceptions conventionnelles. Je conseille à tous les curieux et passionnés de l’entrainement de chercher à comprendre cela, soit par le livre de Jorge Reis (tout ce qui sous-tend scientifiquement le morphocycle est très bien illustré dans celui-ci) ou par l’École officielle de Périodisation Tactique.
Ainsi, je dois donc dire ce que je pense des dimensions de l’entraînement. Elles n’existent pas seules, tout comme l’esprit ne se sépare pas du corps. Quand je dis « corps », je veux dire tout : tête (esprit), tronc et membres !
Donc pour moi la technique (qui est l’une des principales préoccupations des entraîneurs de gardien en général), c’est le timing, et n’a rien à voir avec la façon dont le corps se déplace mécaniquement. La technique pour moi, c’est la façon dont le corps du gardien interprète les informations extérieures. La façon dont ils se déplacent est propre à chacun d’eux, et je n’y interfère pas directement. Peu importe le contexte, qu’il s’agisse d’entrainement de haut niveau ou de formation des jeunes, c’est ainsi que je vois la question des dimensions d’entraînement. Pour moi, il n’y a qu’une dimension : la performance.
Sur cette base, j’essaie d’aider les gardiens à créer des critères qui guident leurs comportements : les principes du jeu. Principes de jeu qui sont soumis à une idée de jeu collectif.
En pratique, j’aide les gardiens à préparer leur corps pour l’entraînement (10-15 minutes), pour qu’ensuite ils passent le reste de la séance d’entraînement à « jouer » avec l’équipe. Pendant ce temps, en plus de gérer leur utilisation dans les procédés joués, je les aide de par mes interventions en gérant les moments somatiques pertinents grâce à des commentaires positifs lorsqu’ils font de bonnes choses. Quand ils prennent une décision moins réussie si l’occasion se présente, nous discutons de ce qui s’est passé, sinon, l’enregistrement vidéo de l’entraînement aide ensuite à interpréter/gérer ces moments « négatifs » mais l’accent est mis principalement sur les bonnes choses !
Les procédés proposés sont planifiés par toute l’équipe technique, c’est à moi de m’assurer que la stimulation des comportements qui émergeront des gardiens est pertinente et avec un degré acceptable de sollicitation ! Ce contrôle est ensuite effectué « in vivo » à l’entraînement, afin de s’assurer qu’ils « s’entraînent ».
Dans un morphocycle standard avec match du dimanche au dimanche, le lundi est jour de repos. De toute évidence, de nombreux entraîneurs n’excluent pas d’échanger la journée de lundi avec le mardi parce qu’ils considèrent que cela laisse trop de temps sans activité aux joueurs qui n’ont pas été appelés ou qui ont joué moins d’une période. Ça dépend de la sensibilité de chacun. Cela ne veut pas dire qu’ils ne respectent pas la méthodologie. Mais nous percevons cette journée de repos comme essentielle pour « revivre » inconsciemment et consciemment l’expérience passée du match, sans pour autant interférer avec ses traces somatiques. À partir de là, on ne s’entraîne que le deuxième jour après le match.
Mardi, le gardien de but qui a joué le week-end dernier fait le même travail de récupération actif que les joueurs de champ qui ont joué. Parce que, pour tous les joueurs, la fatigue est systémique. La tête, le tronc, les membres supérieurs et les membres inférieurs ne sont pas séparés. Le corps ne s’arrête pas au cou. C’est un tout. C’est le corps. Les neurosciences indiquent que parce que le corps fonctionne comme un tout, il doit récupérer comme un tout, pas en séparant la tête du reste. C’est une vision holistique de l’être humain, et non analytique qui impliquerait par exemple que l’on se remette du bras droit, puis de la jambe droite…
Donc, pour moi, nous devons solliciter ce qui a été sollicité dans le match, et nous le faisons en jouant, mais bien sûr dans une dose plus petite. Qu’est-ce que « une dose plus petite » ? Ce n’est pas un entraînement à 80% ou à 60%. Pour nous, cela n’existe pas ! Dans tous les exercices proposés, les joueurs doivent donner le maximum, la dose est gérée par les entraîneurs et non par les joueurs. Cette forme d’entraînement est présente dès le premier jour ! En ce qui concerne les gardiens, en ce jour de récupération, il est nécessaire que le gardien de but qui a joué fasse un travail de récupération comme les autres joueurs. Et surtout, de la même façon qu’il s’est fatigué, en jouant.
Avant de parler des trois prochains jours de Morphocyle, il est fondamental de se référer à l’analogie des couleurs que la périodisation tactique utilise. Nous parlons d’une symbologie qui sert à expliquer la façon dont nos fibres musculaires rapides s’expriment en fonction de quelque chose (information) : tension (bleu) et vitesse de contraction (jaune), qui, quand nous jouons, s’entrelacent et ainsi le vert apparaît ! C’est pourquoi quand nous récupérons en utilisant le jeu à petites doses, le vert est un vert léger, et quand la dose devient plus grande le vert devient plus sombre. Je répète ici l’avertissement : ce sont les entraîneurs qui gèrent la dose et non les joueurs !
Ensuite, il faut encore avoir la notion de deux problématiques qui sont toujours présentes dans l’utilisation de cette méthodologie : la nécessité de récupérer pour pouvoir jouer à nouveau; et la nécessité de s’assurer qu’il n’y a pas de « diminution » individuelle, parce que notre objectif est collectif et que parfois le jeu ne sollicite pas tous les joueurs de la même manière.
Ainsi, lorsque nous arrivons au mercredi, nous sommes encore en train de récupérer du match précédent (alors les procédés proposés doivent être vert clair). Et entre les procédés, nous voulons renforcer le plan individuel par des moments de tension (bleu) maximale en allongement dynamique (spécifiquement l’arrière des cuisses). Pourquoi ?
Le livre de Jorge Reis explique cela en détail pour ceux qui veulent approfondir : l’importance de combiner l’effet retardé de la performance collective (provoqué par le jeu, qui atteindra son sommet le jeudi) avec un effet retardé de performance individuelle stimulé mercredi dans ces moments de tension maximale (bleu). Cela permettra aux joueurs d’atteindre une phase d’exaltation ou de surcompensation collective et individuelle lors de l’entraînement du jeudi.
Mais pourquoi n’utilisons-nous pas aussi les situations de jeu dans ces moments « bleus » ? Eh bien, dans les situations de jeu (vert clair) certains joueurs peuvent y parvenir (par exemple, les gardiens sont certainement les joueurs avec le plus de ‘bleu’ dans leur schéma métabolique, leur position impliquant beaucoup d’explosivité, changement de rythme etc.,) mais comme nous ne pouvons pas garantir qu’ils ont au moins une ou deux situations d’extensibilité maximales, nous créons une situation plus simple/contrôlée, entre les procédés, pour s’assurer que la stimulation sur le plan individuel se produit. Maintenant, ce n’est pas linéaire. Bien que cela semble simple (récupération, acquisition sur le plan individuel, récupération, acquisition sur le plan individuel…), parfois par notre sensibilité en tant qu’entraîneurs (nous ressentons les choses « in vivo », selon le moment de la saison, pour toute une série de facteurs qui interfèrent avec le processus d’entraînement), nous faisons seulement 1 ou 2 moments, ou même nous ne faisons pas ! Car chaque contexte est différent, chaque semaine est différente, etc.
Jeudi, le processus de récupération de tous n’est garanti que ce jour, quatre jours après le match. C’est l’entraînement le plus important de la semaine, les gardiens font l’échauffement habituel et s’entraînent le reste du temps avec l’équipe. Parce qu’il n’y a personne qui peut créer un exercice qui peut générer autant d’acquisitions en interaction avec les principes de jeu du modèle de jeu d’équipe que le jeu.
Vendredi, la logique est la même que mercredi. Et bien qu’il soit rare que les gardiens de but atteignent la vitesse de contraction maximale en match, il est nécessaire qu’ils participent également à ces situations. La variabilité et l’agilité des joueurs sont très importantes, de sorte que le corps du gardien sera prêt pour ce type de stimulation, garantissant alors une telle potentialisation du plan individuel de l’équipe. Ainsi, ils continuent à s’entraîner dans des contextes verts clairs, avec quelques situations simples entre les procédés qui stimulent la vitesse de contraction maximale (jaune).
Samedi, la veille du match. Ici, la principale préoccupation est d’activer leur corps. C’est une séance d’entraînement que vous pouvez utiliser pour polir un dernier détail pour le prochain match, mais toujours dans un contexte de jeu et toujours à petites doses.
Je répète que c’est une façon très simple de parler de quelque chose de très complexe et dont le fondement scientifiques est vraiment profond. Ce n’est pas une chose à copier-coller. Ce qui se passe avec un groupe de travail dans un contexte donné peut ne pas fonctionner avec le même groupe de travail dans un contexte différent Les processus d’entrainement présentent les mêmes principes méthodologiques, mais leur application varie selon le contexte. C’est un « fait sur mesure » !
Dans la continuité du morphocycle, le dernier moment préparatoire au match est justement son échauffement. Quelle réflexion portez-vous sur ce dernier « entrainement » au match ?
Et bien d’abord pour moi ce n’est pas un entraînement. L’échauffement pré-match, pour moi, a deux prémices. Le premier étant que c’est leur échauffement, pas le mien, et il sert à ce que les gardiens s’adaptent au contexte (l’environnement, l’atmosphère, l’herbe, la météo, les coéquipiers, etc.). Le deuxième est que nous nous échauffons en faisant ce que nous allons faire dans le match, individuellement et collectivement.
L’activation est adaptée à ce que le gardien aime faire dans cette routine d’avant-match, combinée aux situations comportementales qu’il aura dans le match, individuellement et collectivement (comme les autres joueurs). La durée varie, elle peut aller de 20 à 30 minutes. L’échauffement devrait-il être le même lorsqu’il fait 35 °C et -1 °C ? Quand il y a beaucoup de vent, cela devrait être pris en compte dans l’échauffement ? Il y a de nombreux facteurs à considérer en ce moment. Si possible, le gardien doit aussi réaliser des actions collectives.
“Le gardien n’a pas nécessairement besoin d’être grand, comme tout le monde dit, d’être rapide, d’être agile, ou d’être ‘techniquement’ raffiné, il a besoin d’être plus rapide que les autres à comprendre le jeu.”
Appréhendez-vous différemment votre travail à la formation ou chez les professionnels ?
La formation des joueurs et donc des gardiens compris, l’entrainement des habiletés techniques ne m’intéressent pas. Le petit qui a 11 ans n’aura pas le même corps à 15 ans. Alors pourquoi je me focaliserais à travailler sur ces aspects physiques et ses détails techniques si l’année suivante il a un corps complètement différent ? Il passe l’ensemble de ses années à réapprendre constamment l’usage de son corps. C’est pourquoi je me focalise sur la compréhension du jeu. Si à 11 ans, le gardien comprend ne serait-ce que le principe de ballon couvert/découvert, peu importe si son corps évolue de telle ou telle manière et même si le terrain ainsi que les cages s’agrandissent, la compréhension du jeu se maintient.
Ces compétences, aussi raffinées soient-elles, seront toujours en fonction de son jeu. L’habileté motrice ne l’est que lorsqu’il y a du contexte, et ce sont les sciences qui étudient le développement moteur qui le disent ! Avec le temps, la même sera de plus en plus efficace. Mais ce qui est efficace pour moi ne l’est peut-être pas pour l’individu qui est devant moi, car la compréhension qu’il a du jeu et de son corps est à lui et à lui seul ! C’est pour ça que je me concentre sur leur jeu !
Donc, mes préoccupations sont exactement les mêmes. Mais bien sûr, il est nécessaire de comprendre quel est le jeu du gardien quand il a 11 ou 12 ans au sein du contexte dans lequel il est et de comprendre quel est le jeu du gardien professionnel dans une équipe qui joue avec telle idée collective. C’est le contexte qui te raconte les choses. C’est le contexte qui guide tout. Il est simplement nécessaire de réduire ou d’augmenter la complexité des procédés en fonction du niveau de compréhension du jeu des joueurs. Mais ma préoccupation est toujours le jeu. C’est au sein de ce jeu qu’ils travaillent la technique, leur technique, pas la mienne (ce qui est très difficile à comprendre pour de nombreux entraîneurs de gardien de but et formateurs).
En termes de méthodologie, les préoccupations sont les mêmes pour un joueur U15 et au-delà. Avant les moins de 15 ans, l’application de la méthodologie est adaptée. Nous laissons le ‘bleu’ et ‘jaune’ se produire naturellement dans les situations de jeu proposées. Une chose qui est très importante pour les jeunes, est la dose et la pause. Les enfants dépensent beaucoup d’énergie juste pour grandir, et nous, en tant qu’entraîneurs, avons la responsabilité de ne pas interférer dans ce processus, nous devons donc faire très attention à éviter le surentraînement !
Les principes de jeu guide également le gardien de but à s’adapter aux contraintes de l’environnement imprévisible du football et répondre à cette non-linéarité.
C’est fondamental. Par exemple, selon moi, il y a un principe de base pour nos gardiens quand l’équipe n’a pas le ballon. Imaginons une situation : notre équipe perd le ballon dans le dernier tiers adverse. Le premier objectif collectif est de réduire les espaces, rendre le terrain plus petit et dès que possible le joueur qui est le plus proche de presser le porteur de balle. Maintenant, je demande, qu’est-ce qui détermine le comportement des deux lignes qui sont derrière celle qui presse le porteur de balle ? C’est la référence : ballon couvert ou découvert.. Pour le gardien, c’est la même chose, le gardien est une ligne d’un joueur seulement !
Ballon couvert, quand le contexte ne permet pas au porteur de balle d’attaquer votre dos. Ballon découvert, quand le contexte indique qu’il y a une forte possibilité que le porteur de balle attaque votre dos.
Ce principe régit la totalité des actions du gardien de but. Parce que le gardien de but est probablement le seul joueur de l’équipe qui passe 99% de son temps, laissons 1% aux quelques potentiels 1vs1, à être en zone, à protéger le dos de la ligne défensive. Tout en étant conscient de si son dos à lui est couvert ou non. Dans de nombreuses situations, le ballon est découvert, ce qui permet au joueur adverse d’envoyer le ballon dans le dos de la défense. Mais pas pour le gardien de but. Car pour plusieurs raisons, il n’y a pas de conditions pour un tir au but. Pourtant, quel est le premier comportement de la plupart des gardiens de but quand son équipe perd le ballon dans dernier tiers adverse ? C’est de reculer ! Mais pourquoi ? Si vous reculez c’est parce qu’il y a vraiment un danger notoire d’un tir au but adverse. Cependant, la plupart du temps, il n’y a pas ce danger et ils reculent quand même.
Tout cela n’a aucune logique. Ce qui est la norme comme comportements de la plupart des gardiens et qui est travaillé avec leurs entraîneurs est que, indépendamment de ce qui se passe autour de la balle, si la balle est dans telle position du terrain, le gardien doit rester dans telle position et tel point déterminé. Ce n’est pas le jeu !
Parfois, l’équipe recule parce qu’il y a clairement une possibilité que le ballon soit envoyé dans son dos, mais pour une raison quelconque (orientation corporelle de l’adversaire, réception du ballon, etc.), il est impossible d’attaquer le dos du gardien, et ce qu’il doit faire, c’est maintenir sa position ou même avancer ! Où est-ce que le gardien doit se positionner ? Je ne sais pas. Chaque gardien est différent et ajuste son positionnement en fonction du contexte et de ce qui lui convient, mais le principe de jeu est toujours présent.
Nous avons parlé dans le sens longitudinal du terrain. Mais le principe fonctionne également dans la direction transversale. Imaginons que le ballon soit dans l’un des deux couloirs extérieurs le long de la ligne de touche en dehors de la surface et que l’adversaire s’apprête à centrer. Qu’est-ce-que le gardien doit protéger ? Le but, l’espace devant lui et l’espace dans son dos. Car dans cette situation, le but est à côté du gardien et son dos devient l’espace qui peut être attaqué pour marquer (zone du 2ème poteau). Cela ne fait aucun sens pour le gardien de se déplacer vers le premier poteau si le ballon est découvert. Pourtant, c’est ce que font la majorité.
Si le gardien ajuste son positionnement en fonction du principe de ballon couvert/découvert, il aurait une vision large de tout ce qui se passe autour de lui et il pourrait réagir quoi qu’il advienne. Rester au premier poteau indépendamment de ce qui se passe près du ballon (couvert ou découvert), et les dangers qui existent dans la surface (combien d’adversaires et où ?), tout en maintenant toujours la même position, ce n’est pas du football. C’est la loterie. C’est mécanique. Et le football n’est pas mécanique.
Dans la continuité de cela, nous pouvons parler de la raison pour laquelle de nombreux gardiens ne sortent pas intercepter les ballons aériens qui passent dans la petite surface. C’est un problème de lecture de trajectoire de la balle en raison de leurs positionnements. Souvent ils ne peuvent pas sortir et intercepter le ballon car ils sont tout simplement mal positionnés. Pourquoi ? Parce qu’ils ont des comportements qui ne sont pas régis par des principes de jeu qui les aident à interpréter le jeu. Le gardien n’a pas nécessairement besoin d’être grand, comme tout le monde dit, d’être rapide, d’être agile, ou d’être « techniquement » raffiné, il a besoin d’être plus rapide que les autres à comprendre le jeu.
Bien que les entraîneurs affirment que la prise de décision soit la qualité la plus importante chez un joueur et chez le gardien également, il s’avère que néanmoins, les rapports d’opposition ne semblent pas être le point de départ de leur conception des situations d’apprentissage. Pourquoi ?
Tout d’abord, nous devons comprendre l’histoire du poste d’entraîneur de gardien de but. Les premiers sont apparus dans les années 80. Ils étaient des anciens gardiens de but. Ils essayaient essentiellement de transmettre « leurs techniques » à leurs gardiens, et c’était aussi une époque où les préparateurs physiques avaient un impact majeur sur le staff des entraineurs. L’influence de ces deux types de pensée « spécialisée » a eu un impact sur la façon dont les entraîneurs de gardien ont commencé à aborder leur façon d’entrainer dans les années 90, période à laquelle la position d’entraineur de gardien de but s’est consolidée.
Donc la position n’existe que depuis 30/35 ans, et rien qu’au cours des 15/20 dernières années, le jeu du gardien a eu un changement spectaculaire dans l’impact de la façon dont les équipes jouent (surtout offensivement).
C’est actuellement que les entraîneurs de gardien commencent à parler de l’importance de la prise de décision. Mais le problème c’est que pendant 15 ans, vous vous entrainez d’une manière decontextualisée qui ne stimule que peu la prise de décision au football et vos préoccupations sont ailleurs. Et maintenant vous voulez donner de l’importance à la prise de décision (qu’elle soit de qualité ou non), mais les autres préoccupations sont toujours présentes parce que vous faîtes cela depuis 15 ans. Le changement est difficile !
J’ai aussi lutté avec ce changement. Toute ma vie en tant que gardien de but amateur j’ai eu ce genre d’entraînement. Même quand j’ai commencé à étudier à l’Université sur l’entraînement, cette forme conventionnelle d’entraînement est la première chose qui m’est apparue.
Mais ensuite vint le professeur Vítor Frade, et il a tout changé. Cela a été difficile de changer, parce que les conceptions d’entraînement que nous avions étaient encore enracinées dans notre corps.
J’ai dû faire des recherches sur ce qu’est le processus de prise de décision, ce que sont les habiletés motrices, comment nous les développons, etc. Les neurosciences l’expliquent et c’est très clair : le corps fonctionne dans son ensemble ! Et si tu ne comprends pas ça, tu ne changeras pas ta façon de penser et d’entraîner.
Ainsi, les entraîneurs parlent de la prise de décision, et utilisent la prise de décision avec leurs conceptions d’entrainement antérieures. Ils parlent des principes du jeu, mais les entraînent avec leurs conceptions antérieures. Ils parlent de l’importance de s’entraîner avec l’équipe, mais ne renoncent pas aux 45 minutes d’entraînement individuel. Le changement est difficile et sans connaissance, c’est impossible.
Comment le transfert de votre approche se déroule auprès de gardiens qui sont certainement habitués par leurs précédents entraineurs de gardiens eux-mêmes habitués par le travail isolé qui est la norme ?
Chaque cas est un cas. Ce que je leur dis toujours est « essayons, si ça ne marche pas, on fait à ta façon ». Mais ça marche pour tout le monde ! Après bien sûr, je vérifie toujours, « Hé, tu veux faire quelque chose d’autre ? ». Très rares sont les situations où ils le veulent. Mais je dois respecter l’histoire de leur corps, et donc je suis toujours à leur écoute.
Si vous lisez tout cela, vous pourriez penser : mais personne ne fait de travail « individuel » ? Et les attaquants, etc. ? Bien sûr que si, mais ce n’est pas dans le format traditionnel. Chaque semaine, dans les séances d’entraînement, nous faisons des situations de finition, par exemple en complément de l’activation, ou à la fin de l’entraînement. Mais toujours avec de la compétition !
Vous voulez une meilleure activation pour vos gardiens ? Je ne connais pas d’entraîneur de gardien avec une meilleure finition que les attaquants de l’équipe ! Mais toujours avec pause, imprévisibilité, contexte, principes de jeu collectifs et compétition !