Ces Supras supportaient l’Esperance de Tunis, le plus titré des clubs tunisiens. Créé en 2004, le groupe ultra aux nombreux tifos s’est dissous en 2013 après 9 ans de dévouement et de ferveur. Nous avons rencontré Bolbol, membre des Supras. Il revient pour La Grinta sur le groupe, avec en toile de fond le mouvement en Tunisie. Mais il évoque aussi, en filigrane, le parcours en tant qu’espérantiste indépendant après 2013, avec notamment l’expérience de l’expatriation. Focus.
Faire de gros tifos, c’était le travail incroyable des membres des Supras Sud 2004 (SS04), ce groupe qui a supporté l’Espérance de Tunis de 2004 à 2013. Son nom, contraction de « Supporters » et « Ultras », illustre son affiliation à la culture ultra. Sans rapport avec l’ex-groupe parisien du Virage Auteuil. Ils n’étaient pas nombreux à leur naissance, le 16 avril 2004, avant de devenir quelques centaines. Bolbol (surnom) a rejoint le groupe en 2007. « On aimait réellement énormément le mouvement, on n’était pas des gens hostiles, pas du tout. On n’aimait pas les conflits et on aimait bosser. Les drapeaux, les étendards, les tifos. Il y avait une super bonne ambiance aussi. C’était le plaisir du travail. Et des défis qu’on se donnait. À une période on n’arrêtait vraiment pas de faire les tifos, genre 2 ou 3 en un mois ».
Parmi les membres « Il y avait de tout. Toutes classes sociales. Le chômeur, le lascar, l’ingénieur qui était à côté, le peintre, énormément d’artistes qui ont fait des Beaux-Arts. Je pense que les gens qui font les Beaux-Arts veulent pratiquer et rejoignent le mouvement pour ça ». Parmi les couleurs rouge et jaune de l’Espérance, on croise sur les tifos des Supras les figures contestataires du film punk Orange Mécanique tiré du livre de l’anglais Anthony Burgess, Diego Maradona, le Che. Le drapeau de la Palestine. Les tifos s’organisent et se succèdent en tribune Sud, partagée avec les autres groupes de supporters de l’Espérance de Tunis.
L’Espérance de Tunis est parfois présentée comme en conflit avec le Club Africain, l’autre gros club de Tunis. Pour Bolbol c’est surtout « une rivalité fraternelle », car « c’est les voisins. On a tous un ami ou un membre de la famille qui est pour le Club Africain ». La vraie rivalité oppose l’Espérance de Tunis à l’Etoile du Sahel. « C’est une rivalité historique entre les clubs, entre l’Espérance et l’Etoile du Sahel. Ça a un impact sur les supporters. Y’a pas pire tension. C’est LE déplacement ». Le point culminant de cette rivalité étant le vol de la bâche des Brigades Rouges, groupe de supporters de l’Etoile du Sahel, par les Supras. « On leur a piqué leur bâche au stade de Radès en 2008 lors du classico. Ils ne se sont pas dissous parce qu’ils sont lâches. Le match d’après, chez nous, elle descend, elle est déchirée. A partir de là le groupe n’est plus censé exister. Mais ils ont trouvé d’autres assises juridiques on va dire. Ils continuent, mais il se revendiquent de la mentalité barra brava et non ultra ».
Les Supras ont une amitié avec les Ultras Ahlawy, de Al-Ahly en Egypte. « Quand on se déplaçait chez eux ils nous recevaient chez eux, et réciproquement, quand on venait à Tunis on les recevait ». L’une des plus belles victoires de l’Espérance est d’ailleurs contre Al-Ahly, match retour 2018 en finale de Ligue des champions du continent. « C’est la plus belle car c’est la plus grosse équipe africaine. Qu’on galère énormément avec eux ».
Bolbol évoque aussi la finale de la Ligue des champions contre le Wydad en 2011. « Aller chez eux, retour chez nous. On avait remporté une seule fois la Ligue des champions. C’était en 94. Et là en 2011, il y avait effervescence. Il y avait une super énergie, on était très nombreux, on a la culture du déplacement ». Les paroles de la musique accompagnant la vidéo sur YouTube illustrent cet épisode. Il précise : « Avec les supporters du Wydad, on n’est pas potes du tout. On n’est pas bien accueilli et ils ne sont pas bien accueillis non plus ».
Parmi les grands moments, il y aussi le déplacement à Alger. Déjà, parce que les déplacements permettent de découvrir un autre pays « Ce n’était pas une grosse équipe, mais c’était intéressant. Je ne connaissais pas l’Algérie. Et on s’est déplacé en bus. Tunis-Alger, ça en fait des kilomètres… C’est intéressant de vivre en groupe pendant quelques jours on vit tellement le truc ». Si les Supras ne font pas spécifiquement d’actions sociales comme d’autres groupes internationaux peuvent le faire, l’entraide est au cœur des relations « au sein de cette famille » : « Si on sait que lui a des problèmes ou est tombé malade, on va tous se cotiser pour l’aider. Si lui est en prison, on va tous se cotiser pour que chaque dimanche sa mère puisse lui ramener sa semaine de bouffe ».
Et côté politique, les ultras font tous les frais de la politique autoritaire représentée et appliquée par la police. « Avec les policiers, c’est la guerre. Ça se traduit dans les mots, dans les chants, dans les gestes, dans l’attitude. T’as des flammes, tout ce que t’as, tu jettes sur eux. C’est des doigts d’honneur tout le match. Parce qu’ils nous pourrissent la vie, tout simplement. En tant que supporter, et de surcroit en tant que citoyen. Il y a une atteinte à la dignité tout simplement. Ces gens-là ne te respectent pas du tout en tant que personne. Ils ne cessent de te provoquer, de te réprimer. Parce qu’ils ont les pleins pouvoirs. Ils font ce qu’ils veulent. Des fois tu te fais arrêter, tu n’as rien fait. Tu peux faire 2-3 mois de prison à cause de ça. T’as rien fait. Ils racontent ce qu’ils veulent après. On a eu une période de répression, qui dure toujours, qui n’a jamais cessé… ça a commencé en 2006-2007 et jusqu’à la révolution, ça devenait intenable. C’était une guerre psychologique, à qui allait craquer en premier ». Il poursuit : « Ils ne te lâchent pas, il y a l’avant-match et l’après-match. Dès que tu sors de chez toi ça commence. Je me suis déjà fait arrêter, je sortais de chez moi. On était en voiture, ils nous ont arrêté. Ils nous disent « Descendez, niquez vos mères . Vous allez où ?, vous avez quoi. ? » On a rien… »
Cette tension explose le 8 avril 2010, lorsqu’un affrontement commence entre les supporters de l’Espérance et le système policier lors d’un match. Un événement qui a fait beaucoup parlé : la presse pointe du doigt comme à l’accoutumée la violence des supporters, quand d’autres montrent l’expression d’un ras le bol total de toute une population arrivé à son paroxysme, et qui n’attendait que de craquer. La révolution s’en suivra. « Avant il pouvait y avoir des flics en tribune, mais depuis ce qu’il s’est passé le 8 avril 2010, prémices de la révolution, le premier gros affrontement entre supporters espérantistes et, je ne vais pas dire flics, mais tout le système policier de Ben Ali. C’est parti en couilles, il y a eu des morts chez les flics, des centaines d’arrestations. Ils ont coupé la lumière du stade tellement ils n’arrivaient plus à gérer. Ils ont gazé, matraqué, embarqué… pris atteinte à l’ordre public. On sort du cadre sportif…« .
Malgré les répressions subies par les ultras et la société civile, le stade reste un espace de liberté et où l’organisation reste possible. « Pour Ben Ali, au début, le foot c’était pour occuper un peu ces jeunes-là. Pour qu’ils ne se focalisent pas sur des questions politiques. Allez, ils ont le foot le dimanche ils vont là-bas ils vont s’amuser. Mais il ne savait pas qu’un mouvement allait naitre, qui allait s’opposer à son système à lui. À partir de là est née la répression, quand il a compris que ce système-là et ces jeunes-là se sont organisés en groupe, que ces groupes ultras ne sont pas là seulement pour supporter leur équipe, mais pour revendiquer leurs droits, là il a commencé à avoir peur. Et là il a lâché tous ces flics. Parce que le mouvement est né en 2002. En 2006, il a lâché ces flics. Il s’est dit c’est plus possible, il faut les niquer. C’était notre plus belle période. Pour les supporters en général. Il y a un truc qui s’est passé. C’était exceptionnel. Une période très très dure, mais très très belle. On a essayé de s’organiser, genre allez ce dimanche-là, on est tous habillés en noir. Mais ça n’a pas marché parce que les flics en avaient connaissance avant, et le jour du match ils te disent « celui qui est habillé en noir, il rentre pas ». C’était devenu ça. Un tee shirt de groupe ne rentre pas. La bâche ne rentre pas. Le tambour ne rentre pas. La capuche ne rentre pas. Jusqu’en 2010 peut-être. »
Aujourd’hui, « on a énormément espéré, et on pensait que c’était en train de changer, mais nous constatons depuis quelques temps qu’au final, non. Ils ont toujours ce plein pouvoir. Ils arrêtent toujours autant« .
Le groupe des Supras se dissout en 2013. « Le contexte était particulier en 2013, que ce soit au sein de la société civile, et forcément dans les stades. Par amour de l’Espérance, par amour du groupe, on s’est dit qu’on ne pouvait plus rien donner, il y avait trop de tension, il valait mieux se retirer avec dignité. Pendant ces 9 ans, on a tout donné ». Pas question de rejoindre d’autres groupes pour les Supras. « L’un des principes fondamentaux du mouvement ultra, une fois que tu quittes ton groupe, ou que ton groupe n’existe plus, tu ne rejoins pas un autre groupe. Y’en a qui font ça mais c’est contraire à l’esprit du mouvement ultra ». Ils continuent à supporter l’Espérance. En tant qu’indépendants. « On est tous indépendant. On suit toujours l’Espérance. On peut se déplacer avec l’Espérance, mais en tant qu’espérantiste, n’appartenant à aucun groupe ».
Bolbol s’est expatrié alors que le groupe existait encore, et vit toujours éloigné des tribunes. « Je me suis dit qu’à cause de la distance, j’allais forcément m’éloigner. Et je me rends compte que c’est l’effet inverse qui se passe. Je suis toujours autant passionné. Et je pense que la distance crée un truc encore plus puissant. Il n’y a plus d’appartenance, je regarde tout seul les matchs, je suis tout seul à la maison ».
Il a fait un déplacement avec la Cel’EST, la cellule des Espérantistes basée à Paris. « La Cel’EST a organisé le voyage depuis Paris en 2019. J’étais à Toulouse. J’ai fait Toulouse – Marrakech. Le jour du match je les ai rejoints le matin, à l’hôtel, avec un putain de drapeau qu’on avait fait avec un pote peintre dessinateur. L’ambiance était super bonne, ultra animée, tout le monde était chaud comme pas possible, bien équipé, drapeaux, tambours, caisses claires. On a pris le bus avec les gens de la Cel’EST, et en descendant, devant le stade, c’était le feu. C’était Ramadan, je me rappelle. On rentre au stade et on a assuré un putain de show là-bas. C’était de grosses retrouvailles avec des potes, ça faisait des années que je ne les avais pas vus ».
Les cellules existent pour rassembler les supporters, regarder les matchs ensemble. Mais rejoindre une cellule en France n’intéresse pas Bolbol. « Il y a plusieurs intérêts dans la constitution d’une cellule, mais moi personnellement ce n’est pas quelque chose qui m’anime. Ça ne m’intéresse pas plus que ça. Mais si une cellule prévoit un déplacement alors là oui, je suis OK. Moi ce que j’aime réellement, c’est l’hystérie et l’euphorie du stade ».
Un immense merci à Bolbol
Il dit pas qu’ils ont piqués le bâche avec l’aide des policiers quand nous on faisaient la guerre contre eux donc quand ils parlent de lâcheté c’est bien eux les lâches car si c’était des bonhommes ils nous prennent le bâche face a face pas se faufiler avec les keufs et ces mêmes supras on était dissous par un groupe de leurs propres équipe qui s’appelle zapatista dans un déplacement au Maroc car c’est des traîtres entre eux comme tu comprends ces rats comment fonctionnent. En 2007 on remporte la Ldc africaine on gagne le 1er match contre pachuca second match on joue contre le grand Boca Juniors y’a eu une communion incroyable entre les 2 supporters de ce match on a changer on est devenu Barra Brava et cette mentalité pour que le groupe est dissous tu dois tuer le capo pas voler et retourner le bâche a l’envers voila un petit résumé ils savent très bien qu’on les a inspirés ces petits chats supras…