Nouveauté chez La Grinta. Si les supporters sont absents des stades depuis quelques mois, leur passion reste sans faille. Alors nous avions envie de leur offrir une carte blanche pour raconter avec leurs propres mots et sans filtre ce moment, ce joueur, cette victoire ou cette déception qui symbolise le mieux leur amour pour un club. Après « Monsieur Mehdi » et la Roma, « Camelus Blaah » et son OM, Gabriel et l’Olimpija Ljubljana, direction la Principauté de Monaco avec Nico.
« Pourquoi Monaco, au fait ? » La rengaine a 25 ans et revient à chaque discussion foot. Loin de m’agacer, la question me parait légitime. Au point de remettre, souvent, en cause cet amour, et d’en chercher les racines.
Premier regard
Inlassablement, ce sont les mêmes flashes qui remontent. Le rouge, le blanc. Ikpeba élégant, Trezeguet déjà lent, Barthez hurlant et Petit courant, le tout sur des terrains d’un autre temps.
Les premiers souvenirs sont vagues, la raison pour laquelle ils m’ont marqué indistincte, mais l’AS Monaco a bien été le déclic de mon amour pour le football, au premier regard.
Un éveil quelques mois avant que la Coupe du monde 1998 n’emporte tout sur son passage émotionnel et me voit, larmes aux yeux, parader en moto avec un drapeau français dans les rues de Paris assis en tenant mon père. (Coupe du monde où Monaco fournit le plus gros contingent de joueurs aux Bleus à égalité avec Auxerre, en guise de rappel objectif).
Épopées
Malgré les rires et les clichés (club de riches, stade vide) la France SAIT que Monaco a livré certains des plus beaux exploits hexagonaux en Europe. L’épopée 2003-2004 en Ligue des champions, le Real et Chelsea éliminés.
Puis l’ère Jardim, avec le quart en 2015 après avoir sorti Arsenal et le parcours jusqu’en demies en 2017, où Falcao et Mbappé écartèrent Manchester City et Dortmund avant de buter, à nouveau, sur une Juventus trop sérieuse. De quoi susciter le respect.
L’amour vrai
Mais comme en amour, qu’importe l’avis des autres sur mon club. Monaco a su me faire vibrer pour des raisons que très peu pourraient comprendre. En 2003-2004 ? Le sourire de Morientes, les taiseux Roma et Plasil, les bout-en-train Givet, Squillaci, Evra, Rothen et Giuly, l’incroyable Bernardi. En 2015 et 2017 ? Raggi insultant, Silva lâchant des extérieurs et Berbatov distribuant sa classe en marchant.
Plus encore que ces phases au sommet, c’est durant les moments d’entre-deux que j’ai le plus aimé Monaco, accroché à l’espoir que tout irait mieux. Quand Gakpé, Bakar, Nkoulou, Gigliotti, Grax et Mongongu étaient les patrons annoncés du futur. Quand j’ai cru à l’explosion d’Haruna, Coutadeur et Pino ou espéré de toutes mes forces que le duo Di Vaio-Vieri remette le Rocher sur le podium.
Je me revois assurer que Meriem allait se relancer sur le Rocher, affirmer sans honte que Chevanton était le meilleur attaquant de Ligue 1 ou que la non-sélection de Néné avec le Brésil relevait du scandale pur et simple.
Blessures
Est-ce que je regrette le trio Touré-Germain-Rivière en Ligue 2, mené par un Claudio Ranieri absolument divin ? Peut-être.
Souffrir par amour, c’est beau. Mais certaines plaies mettent plus de temps à se refermer. Deux événements m’ont fait pleurer. La blessure de Nonda contre Paris, resté longtemps à terre, hurlant, découpé par l’infâme Pierre-Fanfan ayant rejoint la capitale à l’été 2003. Et celle de Giuly en finale de la LDC 2004, à la 20e. Au point de m’envoyer au lit sans regarder la fin du match (il s’est passé quoi du coup ?)
Seul
Je ne l’ai jamais vraiment remarqué, mais je me rends compte en y repensant de l’extrême solitude dans laquelle ma passion pour le club a grandi. Ayant pour compagnie, les soirs de match, mon autographe de Barthez et mon maillot floqué Kapo (ma mère croyait bien faire…)
Un supporter de Monaco en Île-de-France c’est marrant, c’est bien. Mais, surtout, c’est seul. Loin du Sud, pas de rival niçois à l’horizon, et encore moins de comparse fou de la diagonale pour se construire une identité de fan, réviser les classiques du club ou se remémorer les tacles de Diego Perez.
Pas de tristesse ni de regret. Simplement la sensation de ne pas aimer le foot comme les autres et, peut-être, la fierté de ne pas avoir honte de me demander « Pourquoi Monaco, au fait ? »