Pedro « Moncho« Monzon est revenu sur le devant de la scène il y a deux semaines en devenant l’adjoint de Julio Falcioni, à la tête d’Independiente, le troisième club d’Argentine. Coéquipier de Maradona au Mondial 1990 et idole du « Rojo », Monzon est surtout un miraculé de la vie.
8 juillet 1990, Stade Olimpico de Rome, 65ème minute de jeu entre l’Argentine et l’Allemagne. Klinsmann s’échappe sur son côté droit, parvient à pousser le ballon du bout du pied avant de se faire faucher les deux pieds en avant par un défenseur argentin. Pedro Monzon vient d’entrer dans l’histoire du football. Il devient le premier joueur à se faire expulser lors d’une finale de Coupe du monde. « Au moins, ça prouve quand même que j’ai joué une finale de Coupe du monde. Grâce à beaucoup d’efforts et de sacrifices, j’ai accompli mon rêve de gosse. » Ces mots sont faibles pour décrire le parcours de « Moncho« , comme on le surnomme.
Une enfance dans la misère absolue
Pedro Monzon voit le jour le 23 février 1962 à Goyas, bourgade de 70.000 habitants dans la province de Corrientes, au nord-est de l’Argentine, à quelques heures en voiture de la frontière avec le Paraguay. Son enfance, le petit Pedro, la vit, au milieu d’une extrême pauvreté et est marquée par le décès prématuré de deux de ses soeurs des suites de maladies lorsqu’il n’avait que sept ans. « On vivait dans une maison de paille sur les bords de la rivière. Dès qu’il pleuvait, on était inondé. On n’avait pas d’électricité alors on s’éclairait à la bougie. Pas de gaz non plus, on chauffait l’eau au feu de bois et en été, on se lavait directement dans la rivière. » raconte-t-il des années plus tard au quotidien El Grafico.À l’âge de sept ans, Monzon travaille déjà.
Vendeur ambulant dans la rue, récolteur de tabac ou encore maçon, il se forge rapidement un caractère bien trempé au contact des adultes. « La délinquance ne m’a jamais traversé l’esprit. Ce qui m’a le plus embêté, ce fut de ne pas pouvoir étudier. Je n’avais pas d’argent pour m’acheter les fournitures scolaires. Quand tu te rends compte que tu n’as pas de chaussures ni de pull over les jours de froid, tu veux changer ton quotidien et tu renforces ton mental. » Pour couronner le tout, son père, tourné vers l’alcool, ne rate jamais une occasion de frapper sa femme. « J’ai commencé à boire du vin à l’âge de huit ans, mon père et mes oncles me faisaient boire pour rigoler mais ils ne se rendaient pas compte du mal qu’ils me faisaient. En plus, mon grand-père était un adepte du couteau. Dès qu’il y avait des embrouilles, ça sortait le couteau. J’ai vu des mecs se faire planter. Quand tu vois la mort, si jeune, de près, ce n’est pas bon signe. »
Pour échapper à cet univers malsain pour un gamin de son âge, Moncho se réfugie dans le football. Il commence logiquement à taper le cuir dans le club de sa ville, Huracan de Goyas, avant d’intégrer le centre de formation de Rosario Central où il ne reste qu’une seule année. « Quand je suis rentré de Rosario, les gens de de la ville me traitaient de loser. Personne ne te connait mais quand tu échoues, tout le monde te le fait savoir. Je me suis enfui à Buenos Aires ». Loin de son Goyas natal, il entre, comme beaucoup de jeunes du nord de l’Argentine, dans l’armée et intègre la plus grande caserne du pays basée dans la capitale. Entre l’armée et un job de maçon qu’il avait dégoté pour arrondir ses fins de mois, Monzon joue toujours au foot et fait même quelques essais dans des clubs de Buenos Aires comme Huracan et All Boys (actuelle deuxième division). Les tests sont convaincants, toutefois aucun des deux clubs n’a la possibilité de le loger. Son salut viendra d’un géant argentin.
De la gloire à Independiente à se retrouver dans les petits papiers de Bilardo
Après un nouvel essai, le Rojo d’Avellaneda et plus particulièrement Nito Veiga – ancienne gloire du club devenu recruteur – lui offrent la chance de sa vie. Avec la possibilité d’intégrer et de dormir au centre de formation d’Independiente. L’intéressé raconte : « Il y avait au moins 70 gamins. Je n’avais même pas de crampons, j’ai du jouer en baskets. Au bout de 15 minutes, Nito m’appelle, je pensais qu’il allait me demander de rentrer chez moi mais il m’a dit qu’il me voulait au club ». Monzon fait ses gammes chez les jeunes du Rey de Copas avant de débuter en équipe première en 1980.
Pendant presque 11 ans, Moncho fait les beaux jours du club de la banlieue sud de Buenos Aires et devient deux fois champion d’Argentine. Il rentre surtout dans l’histoire du club en remportant la Copa Libertadores 1984 en finale face au Gremio de Renato Gaucho. Mieux encore, il soulève la Coupe Intercontinentale, la même année, en battant le Liverpool de Dalglish. Emmené par Bochini, Percudani, ou encore Burruchaga devant, Independiente est sur le toit du monde. La défense est composée de noms tels que Carlos Enrique, Clausen, Trossero ou encore Villaverde. Que des internationaux. Monzon est le douzième homme. Remplaçant la plupart du temps et barré par les noms cités précédemment, le club essaie de s’en défaire à maintes reprises.
À la fin des années 80, Independiente le conserve tout de même sous la pression de Carlos Bilardo, le sélectionneur de l’Argentine. Suite à la décevante Copa América de l’Albiceleste en 1987, Monzon fait partie des noms constamment convoqués par le narigon Bilardo en sélection. Il disputz les JO de Séoul en 1988 sous les ordres de Pachamé, l’adjoint de Bilardo, puis enchaîne avec la Copa America 1989. L’apogée de sa carrière sera sans conteste la Coupe du monde 1990.
Titulaire lors de tous les matchs de poule, il s’offre le luxe de marquer face à la Roumanie lors du troisième match, décisif dans la qualification de l’Argentine en phase finale. « La veille, j’avais parlé à Diego Maradona. Je lui avais demandé de me faire marquer, je voulais rentrer dans l’histoire, ça le faisait rire. ‘Tu l’as veux où ?’, m’a -t-il dit. ‘Où tu veux !’, je lui ai répondu. ‘OK, je vais te la mettre au premier poteau.’ C’est exactement ce qu’il s’est passé. Mais tout était improvisé, on avait rien préparé. » Garde du corps de Diego sur le terrain, titulaire face au Brésil en 8ème, il est sur le banc en quarts face à la Yougoslavie et en demi face à l’Italie. En finale, il entre à la mi-temps à la place de Ruggeri avant de se faire expulser. « Codesal, l’arbitre de cette finale, je l’ai recroisé des années plus tard. On a souvent pris un café dans ses bureaux au Mexique. On n’a jamais reparlé de ce carton rouge. Il m’a même recommandé plusieurs fois pour travailler au Mexique ». Alors au sommet de sa carrière, ce Mondial 90 marque sûrement le début de la fin pour lui.
Sauvé par Maradona et par Jésus Christ
Au retour d’Italie, Monzon débute lentement sa descente aux enfers. Affecté par les insultes des Argentins dans la rue, il est la cible de la presse et de l’opinion publique qui le considèrent responsable de la défaite de son pays en finale. Son niveau se dégrade, son hygiène de vie aussi. Plus connu pour ses excès de violence que pour la propreté de ses tacles, ses duels face à Blas Giunta et Ruggeri, deux durs à cuire, sont épiques et souvent à la limite. Son étape à Independiente se termine en 1991 et il écume par la suite plusieurs clubs, sans succès : Huracan, Quilmes, Atlético Tucuman, Alianza Lima …
En 1996, Monzon met un terme à sa carrière dans l’anonymat et suite à un contrôle antidopage positif à la cocaïne. C’est surtout la drogue qui est responsable de son déclin sportif. « Je suis tombé dedans avant le Mondial 1990. Au début, c’était juste pour m’amuser et puis je ne pouvais plus m’en passer. J’ai fait beaucoup de mal à ma famille. Quand j’ai décidé de rendre public mes problèmes d’addiction, c’était une manière de demander de l’aide. Mais au lieu de ça, tout le monde m’a tourné le dos, les portes se sont fermées les unes après les autres. Quand t’es bien, tu joues mais quand tu es mal, c’est un autre qui joue à ta place. C’est comme ça, c’est le jeu. Dans cette équipe de 90, il y a eu plusieurs cas ( Maradona, Caniggia, Batista entre autres) et tout le monde s’est focalisé sur nous qui sommes des personnes médiatiques alors que dans tous les coins de rue en Argentine, tu as des gamins qui sont dedans mais personne ne les calcule, personne ne les aide … »
Monzon broie du noir. Son argent, il le dépense en drogue, alcool et soirées et se retrouve rapidement sur le carreau, sans un rond. Les envies de suicide se font de plus en plus présentes. « Un jour, j’étais à deux doigts de me tirer une balle, j’avais un revolver dans la main mais je n’osais pas le faire. Je m’étais séparé de ma femme, j’avais rien dans le frigo. Je me suis dit, je vais appeler Diego et s’il ne vient pas, je me flingue. Je cherchais des excuses. Je l’ai appelé et je lui ai dit que je n’allais pas très bien, que je voulais lui parler. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter et m’a demandé mon adresse. Quelques minutes plus tard, il était devant chez moi. J’ai caché le revolver, il n’a jamais su ce que je voulais faire. On a discuté pendant des heures, il m’a même payé un billet pour aller voir ma fille à Tucuman .Il connaissait les problèmes liés à la drogue et quand on a parlé de nos filles respectives, il a tout de suite compris ma détresse. Il m’a sauvé la vie… », racontera-t-il plus tard les larmes aux yeux au programme Arroban. À la mort de Maradona, il se tatouera même le visage du n°10 argentin sur l’avant-bras, une manière de lui rendre hommage.
Sauvé par D10S mais aussi par Jésus Christ, Monzon s’en sort grâce à la religion. « J’ai connu Jésus dans mon coeur et j’ai vu la vie différemment. La drogue, l’alcool, j’ai tout arrêté du jour au lendemain. J’ai donné de la valeur à ma famille dans ma vie. »
Société VTC et retour dans le game
Sa renaissance, il la commence en ouvrant une boîte de remis, ces VTC bon marché que l’on retrouve dans tous les quartiers d’Argentine à – ironie du sort – quelques mètres du stade de Racing, le grand rival d’Independiente. Moncho a toujours su garder son côté populaire et a été l’un des joueurs les plus appréciés par les supporters ainsi que ceux adverses. Preuve de cette popularité, les barras de Boca, Independiente, Racing ou Arsenal n’hésitent pas à faire appel à ses services de VTC et à l’inviter régulièrement à manger lorsque ces derniers prennent connaissance de ses graves problèmes financiers. « Tous les supporters du football argentin m’adoraient. J’ai été un des premiers joueurs à monter sur un paravalanche dans un virage. Dès que je pouvais, même en étant pro, j’allais voir du foot en tribune populaire : Gimnasia, Huracan, Quilmes, partout. Une fois, je suis même allé voir Racing mais après, j’ai eu quelques problèmes. »
Son retour sur les terrains, Monzon le fait du côté d’Arsenal de Sarandi. Alerté par sa situation précaire, Grondona himself lui offre un poste d’entraîneur chez les jeunes du club. Papu Gomez (FC Séville) ou Dario Benedetto (OM) passeront d’ailleurs par ses équipes de jeunes. En 2004, il récupère l’équipe première de son club de toujours en tant qu’intérimaire suite au licenciement de Daniel Bertoni. Son passage est marqué par deux événements majeurs qui scelleront son départ. Un jour, un dirigeant du club l’invite à faire jouer un joueur historique de l’effectif au détriment d’une petite pépite de 16 ans du nom de Sergio Aguero. Monzon refuse. Le deuxième fait marquant a lieu la veille de la dernière journée de championnat qui oppose Independiente à Newell’s. Le club de Rosario est alors en tête du championnat et proche du titre. La barra brava du club s’invite à l’entraînement et demande à Monzon et aux joueurs de perdre face au à la Lepra sous prétexte d’une vieille amitié avec l’hinchada de Newell’s mais surtout pour compromettre les chances de titre de River, rival historique d’Independiente, alors à la lutte avec Newell’s. Monzon refuse une nouvelle fois. Independiente gagne mais River perd. Newell’s est champion devant 40.000 supporters qui avaient fait le déplacement à Buenos Aires. Pris en grippe par les dirigeants et la barra brava du club, il quitte le Rojo.
Par la suite, il roule sa bosse dans presque toutes les catégories du football argentin et aux quatre coins du pays. Juventud de Salta, Tristan Suarez, Platense, Chacarita, Argentino de Quilmes, San Martin de Tucuman où il se fait virer après avoir frappé un dirigeant, sa carrière d’entraîneur l’emmène même au Mexique et en Équateur. Dans le privé, il est père de sept enfants. un de ses fils a d’ailleurs récemment signé un contrat pro à Vélez Sarsfield. « Quand mon fils a signé son contrat pro, je suis allé personnellement remercier le président de Vélez. Quand il était jeune, je ne pouvais pas lui offrir grand-chose. Un jour à un tournoi, il a marqué 26 buts avec des crampons qu’on lui avait prêtés. Vélez lui a offert une éducation, l’école et un toit. »
Aujourd’hui, Monzon regarde dans le rétroviseur et contemple le chemin parcouru. Un chemin qui l’amène à nouveau depuis la signature de son contrat le 26 janvier, aux côtés de Falcioni, sur le banc d’Independiente : le club de sa vie.
top je connaissais l histoire avec Diego mais pas son histoire complete hyper interressant
Je ne connaissais absolument pas ce joueur, son histoire est loin de laisser indifférent !
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