Après ses 5 premiers matchs et autant de succès, le Danemark U21 domine son groupe (n°8) de qualification pour l’Euro U21. La sélection du Catalan Albert Capellas, ancien coordinateur de la Masia arrivé l’été dernier au pays de Michael Laudrup, montre déjà des récurrences dans le jeu.
Depuis son arrivée à la tête de la sélection U21 du Danemark, Albert Capellas est devenu le premier coach étranger en charge d’une catégorie nationale du pays. « S’ils sont allés chercher un entraîneur étranger, c’est pour découvrir de nouvelles choses. Et que j’apporte tout mon savoir pour, si possible, essayer d’améliorer le modèle de jeu. » soulignait-t-il dans une interview au média portugais Tribuna Expresso courant janvier, traduite. Sensible à l’expérience de l’homme, adjoint au Barça B (1999-2003) puis coordinateur des jeunes de la Masia (2004-2010), adjoint de Peter Bosz au Vitesse Arnhem (2013-2014), de Thomas Frank (actuellement à Brentford) à Bröndby (2014/2015), de Jordi Cruyff au Maccabi Tel Aviv (2016/2017), de Peter Bosz au Borussia Dortmund (2017) et de Jordi Cruyff au Dangdai Lifan (2018/2019), la fédération danoise a fait de Capellas le maître de son style de jeu « pour les U21, mais pour toutes leurs catégories inférieures aussi ». En quelques matchs, son équipe porte déjà sa patte.
Cinq rencontres de qualification pour le Championnat d’Europe des moins de 21 ans. Impossible, sur une tranche si faible, d’imaginer si l’équipe de Capellas rivalisera avec les projets espagnol, portugais, allemand, italien, français, lancés depuis des années. Ou l’anglais, de plus en plus serein. Même si commencer par 100% de victoires montre que les événements tournent bien. Les treize buts marqués, contre cinq encaissés, embellissent un bilan que la stature des adversaires nuance. À l’exception d’une Finlande très intéressante, les autres ne disposaient pas des mêmes armes. Après avoir été sélectionné par Albert Capellas, l’une des armes offensives danoises Anders Dreyer, attaquant de Midtjylland, racontait : « Albert Capellas veut jouer au football, et nous aimons regarder ce style de jeu au Danemark. Cela se passe vraiment bien jusque-là. Il est arrivé avec sa vision et elle nous a beaucoup aidée. »
Avec Albert Capellas, les U21 du Danemark pratiquent un jeu aux ambitions audacieuses, pas forcément surprenant au regard de l’identité de son entraîneur qui a grandi près du Camp Nou, « eu la chance de voir beaucoup, beaucoup – des centaines – d’entraînements de Johan Cruyff » où sa « passion pour le jeu de position est née » et qui a par la suite été diplômé de l’Institut Johan Cruyff. Dans l’équipe du Catalan de 52 ans, une manière de jouer dernièrement infusée par Pep Guardiola. À l’heure où le paquebot des confusions dans l’océan d’informations suit l’évolution de l’éventail musical du jeune rappeur parisien Leto, plus flamboyant et plus large que jamais, Capellas détaille sa méthode. Dans l’absolu, rien de révolutionnaire. Mais un ton si limpide qu’il en devient rafraîchissant. « Le jeu de position est basé sur les trois P : de possession de balle qui est d’essayer d’avoir le ballon, de position qui est d’être très bien positionné sur le terrain, non seulement pour mieux attaquer mais aussi, si nous perdons le ballon, pour être très bien positionnés afin de réaliser une transition défensive agressive avec un pressing vers l’avant. Et enfin, de pressing qui au moment où nous perdons la balle, est un moment dans lequel l’équipe adverse est désorganisée – parce qu’elle se concentre sur la récupération du ballon -. C’est un moment de chaos. »
Sur le plan des résultats, les hommes d’Albert Capellas réalisent un départ canon et s’approprient assez nettement le haut du classement de leur groupe. Et alors que l’arrivée du coach peut se résumer à l’importation des préceptes du jeu de position « à la barcelonaise » en terre natale de la culture viking, peut-on recréer ce football sans avoir l’une des meilleures équipes du monde ? Et d’autant plus, en sélection ? En sélection d’Espoirs ? Sans aucun doute selon Juan Manuel Lillo, mentor de Guardiola : « Quiconque prétend que le jeu de position ne fonctionne que s’il est joué par de très grands footballeurs ne veut qu’une chose ; éviter la difficulté de mettre en œuvre cette philosophie complexe. » Capellas est finalement, le premier à devoir s’adapter : « Ce n’est pas la même chose d’entraîner un club et d’entraîner une sélection. Vous avez beaucoup moins de temps pour coacher et mettre en œuvre vos idées. Tout est basé sur le scout. Dans une sélection, ça change beaucoup si vous avez un joueur blessé ou un joueur important qui n’a pas le temps de jeu nécessaire. Ça affecte vraiment. »
Si le football est souvent assimilé à une danse, en particulier au tango, l’entraîneur étant l’homme qui dirige et guide sa partenaire (ses joueurs) à réaliser ces mouvements d’un naturel impromptu. « On essaye juste de les guider un peu, de leur donner un peu d’orientation et de mettre tout le monde d’accord pour qu’on aille tous dans la même direction. Le mérite revient aux joueurs », confirme Capellas. Et si le jeu de position exige un évident tempo que les Espoirs du Danemark recherchent encore, ils se montrent déjà fonctionnels au style de leur technicien. Car, sur le plan du jeu, les hommes d’Albert Capellas épanouissent leurs talents, se fondent dans le moule de ses idées et brillent pour les faire vivre.
Géométries offensives variables
Le jeu de position, en dépit de ces nombreux principes, se définit d’abord par un principe de base : la recherche de la supériorité. « Le jeu de position est une façon de jouer aussi valable que beaucoup d’autres. C’est jouer au football en tenant compte et en fondant tout en fonction de la balle. Beaucoup de gens pensent que le jeu de position c’est simplement faire beaucoup de passes. Et d’avoir beaucoup la balle. Parfois oui, parfois non. Mais ce n’est pas tout », précise Albert Capellas. L’écrivain et journaliste catalan Marti Perarnau poursuit : « Le jeu de position ou jeu positionnel ne consiste pas à se passer la balle horizontalement entre les joueurs, mais quelque chose de beaucoup plus difficile : il consiste à générer des supériorités derrière chaque ligne de pression. Il peut se faire plus ou moins vite, plus ou moins verticalement, plus ou moins groupés, mais la seule chose qui doit être maintenu en tout temps, c’est la recherche de la supériorité. En d’autres termes : créer des hommes libres entre les lignes. » S’il existe différents types de supériorités (numérique, qualitative et de position) et plusieurs façons de générer ces supériorités, « tout est beaucoup plus facile lorsque la sortie de balle est propre » spécifie à son tour Juanma Lillo.
Alors, au moment de relancer, la première ambition collective du Danemark U21 est d’étirer le bloc adverse. Les latéraux dans un rôle classique, Poulsen et Anyembe mangent les lignes de touches pour occuper toute la largeur du terrain. Les défenseurs centraux Sørensen et Nelsson s’écartent également. Et, dans le cœur du jeu, Nikolas Nartey décroche près de ses centraux. Tout comme le duo de relayeur Morten Hjulmand-Carlos Holse (ou d’autres, les matchs suivants), formant un 4-3-3 employé à casser le pressing de l’adversaire par le jeu court et les triangles pour s’installer dans son camp.
Ensuite, selon le comportement du bloc adverse, la suite de cette première approche – ayant pour but d’étendre le bloc adverse pour le transpercer – peut évoluer de plusieurs manières. D’abord, lorsque l’adversaire a relâché son pressing et s’est replié pour s’organiser défensivement, comme la Roumanie U21 et l’Irlande du Nord U21, c’est par la fixation et le jeu court dans l’axe que les mouvements offensifs ont souvent été construits. Avec Jacob Bruun Larsen en « faux neuf » comme Michael Laudrup dans le Barça de Cruyff ou Messi dans celui de Pep, Capellas se prive délibérément d’un pur finisseur mais cultive la capacité de son équipe à tenir le ballon dans l’entrejeu grâce à ses décrochages.
Dans la première moitié du camp adverse, les losanges au cœur du jeu apparaissent. Ce schéma lie le milieu reculé Nartey à l’avant-centre Bruun Larsen en passant par les deux relayeurs Hjulmand et Holse dans un 2-5-3 (ou 2-Nartey-4-3) très Barça de Pep (remplacez Nartey par Busquets, Larsen par Messi, Hjulmand et Holse par Fabregas et Xavi). Entre les mouvements des n°8 dans la zone des milieux adverses pour les attirer et libérer l’axe, les décrochages du n°10 entre les lignes, Nartey peut faire sauter le bloc rival par une passe verticale vers Larsen. Et faire passer son équipe de la phase de construction à celle de finition. Ici le but de l’équipe de Capellas est de trouver le joueur le plus avancé (Larsen) avec de l’espace et du temps pour manœuvrer vers l’avant avec le soutien des relayeurs qui se projettent dès la passe de Nartey et se proposent en relais à Larsen dans un assaut de la surface adverse. Tout comme les ailiers qui prennent la profondeur dans le dos des latéraux adverses resserrant dans l’axe près de leurs centraux focalisés sur les quatre hommes principaux du losange. Dans les couloirs, les latéraux Poulsen et Anyembe sont également des relais pour, si besoin, écarter le jeu dans le dernier tiers adverse.
Parfois même, en fonction des circonstances, comme face au 4-1-4-1 de l’Irlande du Nord, c’est l’un des défenseurs centraux qui utilise au maximum l’espace octroyé par le repli de l’adversaire et les espaces libérés à hauteur de la première ligne adverse, est la base du quadrilatère et recherche Larsen dans les intervalles malgré la présence d’un joueur adverse pour resserrer les lignes. Dans une animation fluide alors, les rôles s’échangent et l’un des milieux du losange (Nartey, Hjulmand, Holse…) devient un cinquième joueur plus avancé, offrant une solution additionnelle en appui à Bruun Larsen.
Un circuit fréquent dans lequel Bruun Larsen est une clé de l’animation offensive, notamment par son orientation du corps derrière la ligne de pression. En plus de par ses dribbles courts et sa capacité à frapper de loin. C’est l’un des cinq types de démarquages selon Marcelo Bielsa : décrocher loin de son adversaire au marquage entre les lignes et réceptionner le ballon de trois-quarts pour « générer un avantage visuel et temporel » et être prêt à « donner de la continuité au mouvement. » L’importance prise par le replacement de Bruun Larsen (ex-ailier gauche du Borussia Dortmund, actuellement à Hoffenheim) par Capellas dans le Danemark U21 va dans ce sens.
Jacob Bruun Larsen
Par la suite, face à l’Ukraine U21 puis contre la Finlande U21, deux équipes basées sur la protection de l’axe et l’ambition de défendre en avançant même au moment de se replier avec un bloc compact et agressif, les joueurs d’Albert Capellas ont été privés de s’installer dans le camp adverse et ont été limités dans leur jeu offensif, principalement conçu pour jouer dans les intervalles et faire exploser l’adversaire de l’intérieur. À noter d’ailleurs, la défense en zone de grande qualité de la Finlande U21, qui se rapproche plus de l’excellent travail de l’Ukraine menée par Andriy Shevchenko depuis 2016 que l’Ukraine U21 elle-même.
Poussés au jeu long, les Danois n’ont pas fait le poids dans l’impact aérien face aux Ukrainiens Denis Popov-Valeriy Bondar et les Finlandais Aapo Halme-Juhani Pikkarainen. Résultat : ni l’Ukraine, ni la Finlande n’a reculé. Du trio des attaquants d’Albert Capellas titulaires dans ces deux rencontres, parmi Jacob Bruun Larsen (1m83) et Mikkel Damsgaard (1m76), seul Andreas Skov Olsen (1m87) représente une option dans le jeu long. À tempérer car la réussite de l’ailier de Bologne dans les duels aériens a davantage été la conséquence de l’attitude défensive de ses adversaires directs que de ses qualités physiques et techniques. C’est la première limite offensive et athlétique du Danemark U21, lorsque les adversaires l’empêchent de pratiquer son habituelle sortie de balle et le force au jeu long, Jacob Bruun Larsen, à l’inverse d’un Lewandowski, ne peut pas être un point de fixation aérien pour atteindre le camp adverse.
Incapable de forcer ces adversaires à se replier passer par l’axe et la verticalité, rapidement la solution privilégiée par le Danemark U21 pour profiter des risques pris audacieusement (blindage du côté-ballon avec une ligne défensive très haute puis resserrant un maximum l’espace entre ses joueurs) par les Finlandais et les Ukrainiens, a été de fixer d’un côté puis d’aller chercher le couloir opposé par une transversale. C’est là que la deuxième et troisième limite offensive de l’équipe d’Albert Capellas se dévoile. La deuxième, l’absence de profils techniques dans les cages et en défense pour s’offrir du secours dans la sortie de balle contre un adversaire venant presser très haut. En clair, Capellas n’a de joueurs type Neuer, ni Alaba ni Kimmich. La troisième, la présence d’Andreas Skov Olsen sur le côté droit et de Mikkel Damsgaard sur le côté gauche en tant qu’ailier inversé (ailier au faux pieds, ailier gaucher à droite pour le premier et ailier droitier à gauche pour le second). Servi par des diagonales de ces centraux face à une Finlande U21 coulissant très bien, s’organisant très bien dans son dernier tiers, face à des latéraux fermant bien les angles et des relayeurs côté-ballon couvrant bien le demi-espace, il leur était impossible de percuter. La seule option restante était de repasser par l’arrière. Face à une Ukraine U21 dont l’animation défensive se resserrait trop latéralement côté-ballon et laissait à Andreas Skov Olsen côté opposé (côté droit) de l’espace pour percuter, sa nature physiologique (gaucher quasi exclusif) et footballistique (Robbenien) le poussait à gagner de la vitesse à l’extérieur, emmener le ballon à faire son retour dans la zone irrespirable de l’axe, et préférer automatiquement la combinaison ou le dribble au centre. Bilan sur ces deux rencontres : beaucoup de séquences offensives, sans succès. Quelques fois confronté à ces problèmes avec Coman (droitier) à gauche et Douglas Costa (gaucher) à droite, le Bayern de Pep Guardiola s’était adapté et s’était toujours mieux sorti après l’abandon des ailiers inversés qui offrait beaucoup plus de verticalité. Être capable de créer le danger sur attaque placée à rythme rapide face à un adversaire qui exerce un gros pressing fait partie de l’évolution du Danemark U21.
Andreas Skov Olsen
Enfin, lors du cinquième match face aux U21 de Malte, malgré un repli solidaire et massif en 5-4-1, la sélection de Capellas a fait céder (éclater même) son adversaire avec un système ultra-offensif. D’un côté, une équipe maltaise qui n’avait pas spécialement l’ambition d’empêcher les hommes d’Albert Capellas d’accéder balle au pied à leur camp et qui y établissait ses trois lignes dès la relance danoise ainsi évitant de passer au repli puisque déjà repliée. De l’autre, le Danemark U21 construit de façon inédite jusqu’ici pour s’adapter et répondre à l’opposition (également inédite jusqu’ici) avec énormément de présence dans le dernier tiers. Une fois installé dans le camp maltais avec tout le consentement de l’archipel, le Danemark U21 a mis en place un système en 2-3-5.
Sørensen et Nelsson avec une grande responsabilité dans la recherche de partenaires dans les intervalles par de longues passes au sol ou des diagonales, profitaient de la liberté et la supériorité numérique (2vs1) autour du rond central et de la pointe de Malte (Zachary Brincat). Devant eux, les trois milieux du soir Nikolai Laursen, Kofod Andersen et Mikkel Damsgaard (replacé relayeur) avaient la responsabilité dans l’orientation du jeu. Les latéraux Poulsen et Rasmussen évoluaient très haut et occupaient un maximum la largeur pour étendre le bloc de Malte. Skov Olsen et Bruun Larsen axe droit et axe gauche avait une grande liberté de mouvement autour de Jens Odgaard le grand (1m88) gaucher de Sassuolo prêté à Heereveen cette saison.
En positionnant ces joueurs offensifs dans chacun des cinq intervalles formés par le bloc adverse (aile droite, axe droit, axe, axe gauche, aile gauche), l’objectif final de Capellas est d’offrir des angles de passes variés aux porteurs de balle plus bas et de créer des brèches dans le milieu et la défense adverse en multipliant les renversements.
Dans le camp adverse, l’occupation de la largeur peut varier. Tantôt être à la charge d’un latéral (Poulsen à gauche et Rasmussen à droite ici), comme celle d’un ailier (Larsen à gauche et Olsen à droite ici) dans des permutations rendant les situations plus difficiles à lire pour les défenseurs. Mais être toujours aussi déterminante. Car face à une équipe maltaise appliquant un marquage individuel de ses latéraux sur les ailiers Danois, les joueurs de Capellas pouvaient attirer les latéraux loin de la surface, trouver Larsen/Olsen dans les demi-espaces (axe gauche et axe droit) par une passe verticale des centraux ou des relayeurs et alors se trouver en supériorité numérique aux abords ou dans la surface. Plus tard dans la partie, un milieu maltais compensait cet espace intermédiaire entre son central et son latéral, alors le relayeur danois côté-ballon s’en approchait et l’attirait à son tour, laissant Larsen toujours libre de s’engouffrer dans l’espace créé (axe droit). C’est ce qui s’est produit à la 38ème minute, sur l’action qui amène le penalty du 4-0.
Et voilà le Danemark U21 montrer pouvoir s’adapter à toutes situations grâce à une variation des schémas et des tactiques. Seulement, si contre Malte U21, l’équipe de Capellas a souhaité pénétrer dans les demi-espaces pour trouver la surface et si les joueurs de couloirs ont eu un rôle important en utilisant la largeur maximale côté-ballon dans un style très Peter Bosz à Leverkusen, il pourrait donner encore plus de consistance et variations à sa structure d’attaque et profiter pleinement de la présence en masse de joueurs, dont celle du grand Jens Odegaard dans la surface. En centrant vers la surface, autant par les joueurs de couloirs (les latéraux sur leur pied) que par un relayeur légèrement en retrait (dans une zone assez proche de la position de Sorensen ci-dessus). À la manière du Bayern de Pep avec Thiago Alcántara ou de son Manchester City avec Kevin De Bruyne.
En possession, les joueurs d’Albert Capellas sont capables de créer les conditions du centre grâce à leurs passes diagonales, à la position haute de leurs latéraux et aux appels verticaux de leurs milieux. Mais s’ils n’avaient pas les centimètres pour conclure ces séquences face à la Finlande ou l’Ukraine, ensuite acquis face à Malte avec Jens Odegaard, ce schéma de jeu en retrait vers le relayeur côté-ballon peut-être une option et une évolution. Car plus qu’un joueur qui utilise son corps comme personne à sa conclusion, cette arme fatale des deux dernières équipes de Pep fait surtout appel à un pied chirurgical à son départ. Un atout dont le milieu d’Admira Wacker, Morten Hjulmand (droitier), lui aussi adepte d’une orientation du corps idéale pour transformer chaque ballon reçu en occasion potentielle et lui aussi adepte des appels entre les lignes côté droit, est doté. Un atout permettant de dresser le chemin de centre millimétré.
De son premier match début septembre 2019 contre la Roumanie U21, son 4-3-3 en sortie de balle presque Lavolpienne qui se métamorphose en 2-1-4-3 à partir de la ligne médiane dans un style très Barça de Pep Guardiola à son cinquième et dernier match mi-novembre 2019, son 4-3-3 qui s’organise en 2-3-5 dans le camp adverse dans un style très Bayern Munich et Manchester City de Pep Guardiola, le Danemark U21 d’Albert Capellas a beaucoup évolué et cultivé son approche tactique pour s’offrir des réponses face aux différentes ambitions de l’opposition. Avec comme notion clé de ces principes immuablement appliqués, le surnombre axial. En voyant son Danemark U21, Raynald Denoueix pourrait tenir les mêmes propos qu’à l’encontre de Pep. « Chez lui, la grande idée réside dans une volonté constante de construire le jeu dans l’axe. Guardiola tient à y avoir une supériorité, au milieu du terrain, pour remonter le ballon de la meilleure des manières en éliminant, avec le plus de facilités possibles, les deux premières lignes adverses« .
Enfin, si « cinq matchs, ce n’est rien » au moment d’évaluer son Danemark U21 avoue Capellas, il doit davantage adhérer à sa philosophie de jeu qui n’associe pas directement possession et phase offensive. En clair, avoir le ballon ne revient pas forcément à attaquer. À ce titre, l’évolution de son équipe passera par se montrer plus patiente.
Protection de l’axe et contre pressing
Puisque les bases du jeu de position (échelonnement (positionnement des joueurs à différentes hauteurs et profondeurs), amplitude…) sont déterminantes dans toutes les phases du jeu. Si la qualité du jeu de position du Danemark U21 et sa présence accrue de joueurs dans le camp adverse lui permet l’élaboration d’occasions de but, il scelle surtout à son fanion la maîtrise territoriale. Replié massivement près ou dans sa surface, face à autant d’attaquants, ces adversaires étaient automatiquement privés de transition offensive avec autant de joueurs investis en défense.
Mais aussi en raison de l’excellente transition danoise sur les pertes de balle qui dans un esprit de pro-activité total se faisait en avançant sur le porteur et en lui supprimant les solutions de passes avec un pressing immédiat. À l’aide de la densité et la proximité des joueurs autour du ballon. L’objectif de ce contre-pressing est d’agir plutôt que réagir au changement de rythme. Et est triple : être actif et gêner la transition adverse (en poussant à la bavure technique), reprendre la possession du ballon et éventuellement repartir de derrière (si l’adversaire à jouer long) et attaquer immédiatement la profondeur des espaces crées par la désorganisation de l’adversaire. Commentaire de Capellas : « Si vous êtes capables de récupérer le ballon dans les cinq secondes suivant la perte, pressant de manière très agressive et si vous le récupérez grâce à ce moment de chaos, vous obtenez deux choses : l’équipe adverse s’ouvre, vous offrant de l’espace pour une contre-attaque rapide (on obtient de nombreuses occasions de buts quand on récupère la balle rapidement). Si on presse et l’on récupère la balle proche du but adverse ou dans le camp adverse, cela évite de courir énormément de mètres vers l’arrière. Pas seulement pour un joueur mais pour toute l’équipe. Ainsi, cela évite de gaspiller beaucoup d’effort physique. Même s’il semble que le pressing à la perte demande beaucoup d’effort physique, cela demande seulement trois, quatre, cinq secondes et concerne seulement deux, trois joueurs qui sont proches de la balle. De plus, en moins d’une minute ils ont récupéré toute leur énergie. Cet effort nous permet d’éviter que toute l’équipe doive courir 60 ou 70 mètres en arrière. C’est un avantage physique. Ensuite, il y a un autre point : la frustration. Si vous avez longtemps la possession du ballon, et qu’au moment où l’équipe adverse te le vole, tu le récupères quasiment instantanément, vous gagnez le match au niveau mental. Car cela frustre énormément l’équipe adverse. Quand ils commencent à l’être, vous gagnez mentalement. » L’occupation rationnelle de l’espace en phase de possession (dont les compensations) et la densité axiale évoquée plus haut, se révèlent fondamentales à la perte de balle. « C’est pourquoi le jeu de position est riche. C’est pourquoi il est tant difficile. Ce n’est pas seulement avoir la balle, c’est contrôler beaucoup plus de phases du jeu, en particulier les transitions. » poursuit Capellas.
Lorsque les adversaires se mettent en place pour sortir court, le Danemark U21 applique généralement un pressing presque total adapté à leurs animations offensives. Avec une compacité horizontale maximale, la formule se base sur la protection de l’axe à tout prix. Les latéraux adverses sont de fait les joueurs laissés libres. S’ils sont servis, ils sont alors chargés par le milieu relayeur côté-ballon puis enfermés le long de la ligne par les joueurs de Capellas qui couvrent toutes les solutions courtes. Le latéral opposé est constamment libre avec ce plan compact latéralement, mais il est très difficile de créer un circuit de renversement pour aller le toucher, puisqu’il n’existe aucune solution courte autour du porteur. Généralement, les adversaires abandonnent la sortie courte et se résignent à jouer long. Une faveur pour Capellas et son équipe en raison des capacités athlétiques redoutables de ces joueurs des deux dernières lignes.
Plutôt qu’un marquage individuel total, Capellas demande à ses joueurs et surtout à ses relayeurs de miser sur la conservation de l’espace entre deux options à la fois afin d’inviter l’adversaire à jouer dans la zone définie et souhaitée par le Danemark U21. C’est un « pressing-trap ». Et une gestion numérique qui rappelle la fameuse phrase de Guardiola sur la zone : « Ne marquez pas un joueur, occupez l’espace entre deux joueurs ». Sur la sortie de balle de la Finlande U21 schématisée ci-dessus, le marquage de Nartey sur l’attaquant Finlandais en retrait n’était pas une individuelle stricte. Si l’attaquant prenait le parti de monter plus haut, alors Nartey le lâchait, et allait créer de la densité autour du ballon pour aider à une récupération qui se veut la plus rapide possible.
Des principes défensifs que son équipe met également en place à mi-terrain, une fois repliée lors de phase de « défense active ». Et se présente dans un 4-5-1 (qui devient vite un 4-1-4-1 au fur et à mesure que les relayeurs chargent les centraux adverses) très compact, qui défend en zone, avec pour priorité de fermer l’axe et d’empêcher l’adversaire d’y combiner. Son Danemark U21 incite l’adversaire à écarter, et les ailiers attendent le temps de passe pour sortir. Le long de la ligne, les Danois cherchent à piéger les adversaires par la densité défensive en pressant en diagonale. À noter que cette pression diagonale est également appliquée lors des touches adverses. Mais comme lors de la sortie de balle du gardien, les défenseurs centraux adverses optent rapidement pour le jeu long sous la pression d’un relayeur qui charge. D’ailleurs, dans le cœur du jeu, les joueurs de Capellas veillent à bien se couvrir mutuellement : lorsque l’un d’eux sort presser plus haut, un autre resserre. Derrière, la défense est relativement haute et tâche de rester proche du milieu, tout en contrôlant la profondeur. Or, à l’inverse des attaquants, la charnière centrale et les milieux ont l’avantage de taille et facilitent la récupération des deuxièmes et troisièmes ballons. En transition offensive, il y a Andreas Skov Olsen. Avec sa vitesse et son adresse face au but, il est l’arme offensive numéro 1 du Danemark U21. Face à l’Ukraine U21, l’équipe de Capellas s’est créée un grand nombre de situations à partir de récupération de balle avec son organisation médiane. Et Olsen a brillé.
Les Danois ont montré peu de faiblesses défensives dans ces cinq matches de qualification pour l’Euro U21, mais ont tout de même connu quelques moments d’errements dans la dernière demi-heure de jeu avant de voir leur écart au score réduire. Sur les côtés, le marquage des ailiers (plus souvent Olsen) n’est pas toujours irréprochable, et si les latéraux sont emmenés loin de leur zones par le déplacement de leurs adversaires directs, un espace peut se créer dans leur dos. C’est de cette manière que la Roumanie U21 (2-1, 80e) et l’Ukraine U21 (3-1, 63e puis 3-2, 73e) ont réussi à poser quelques problèmes et parvenir à faire mal aux hommes de Capellas.
Doté d’une génération très talentueuse (avant de penser à la reproductibilité dans une durée plus longue avec d’autres générations), Albert Capellas a créé un collectif compétitif qui se repose sur les concepts transdisciplinaires du jeu de position et qui ne renie pas son projet. Celui d’un football audacieux et conquérant. On ne peut pas enchaîner des victoires sans certitudes et son Danemark U21 en a, malgré le léger temps d’affinage (quelques mois de travail) à la méthode de son coach catalan et ses faiblesses (gestion du pressing adverse). Jusqu’à présent, la sélection Espoirs nordique a vaincu et convaincu. Un appétit bipoint qui a poussé Capellas à relever ce défi immense avec la sélection danoise : « J’aurais aimé commencer plus tôt, c’est quelque chose que je me reproche (« pourquoi n’ai-je pas commencé à entraîner à ce niveau auparavant ? »). Je viens d’un niveau de football faible et je n’étais pas un ancien joueur, je n’étais personne dans le football. J’ai dû labourer et j’ai compris que le meilleur moyen d’atteindre le football professionnel était en tant qu’adjoint. Si je voulais grandir en tant qu’entraîneur principal, mes chances étaient très faibles. En tant qu’adjoint, j’ai beaucoup appris, je me sentais très utile. Mais à un moment, je faisais la même chose tout le temps, et je me sentais un peu vide. J’avais besoin de nouveaux défis et j’ai donc décidé de passer en tant qu’entraîneur principal, pour me tester et me forcer à aller au niveau suivant. » Aujourd’hui, c’est toute l’Europe qui regarde.