L’île de Pâques, “Rapa Nui” dans la langue locale du même nom, est une île située dans l’océan Pacifique et appartenant au Chili. Si ce bout de territoire est surtout mondialement réputé pour ses statues Moaï, le football n’en est pourtant pas absent malgré un vivier somme toute léger – on recense environ 8.000 habitants sur l’île, soit 10 fois moins qu’une ville comme Quimper. Dès lors, comment s’organise le football dans un tel endroit ?
Tout d’abord, l’île possède la spécificité d’avoir une équipe représentant à la fois la sélection des meilleurs joueurs de l’île et le club de football amateur local. La sélection n’est affiliée ni à la FIFA ni à la CONMEBOL ; en revanche, la section amateur est enregistrée auprès de l’association nationale des clubs professionnels chiliens, ce qui lui permet de disputer, en théorie, des rencontres contre d’autres clubs amateurs et professionnels du pays, dans le cadre des compétitions officielles de la fédération.
Un match face au prestigieux Colo Colo
Ainsi, en 2009, s’est disputée sur l’Île de Pâques la première rencontre de football professionnelle de l’histoire. Il s’agissait du match d’ouverture de la Copa Chile, disputé face au réputé club de Colo Colo, spécialement venu du continent pour l’occasion. La partie s’est terminée sur le score de 4-0 en faveur des visiteurs, il n’y a donc pas eu d’exploit pour cette grande première. Mais peu importe le résultat final, l’essentiel était ailleurs : les habitants de Rapa Nui ont pu se régaler en assistant à un authentique match de football sur leur propre terre.
Cette rencontre a d’ailleurs été retransmise dans plusieurs autres pays, parmi lesquels la Bolivie, l’Equateur, le Honduras, le Venezuela, le Guatemala et même l’Argentine. La FIFA, elle, a qualifié la confrontation de “match du siècle” pour les représentants de l’Île. Un terme fort, certes, mais qui indique combien cette partie était importante, tant sportivement que politiquement. En outre, une telle publicité a permis aux locaux d’accélérer le développement des installations sportives sur leur île, comme en témoigne le passage du Roi Pelé quelques années plus tard, en 2014.
Le Roi Pelé en tête de gondole
Ambassadeur de la banque espagnole Banco Santander et de passage pour l’ouverture de la première succursale du groupe sur l’Île, la légende brésilienne en a profité pour inaugurer un tout nouveau stade de football, en compagnie de l’ancien international chilien Elías Figueroa, du ministre des Sports Gabriel Ruiz Tagle, et du maire Pedro Edmunds Paoa. “Je suis très honoré de représenter la Banco Santander, en mon titre d’ambassadeur du football, pour cette visite à Rapa Nui. Pour moi, c’est un honneur de constater comment un sport si populaire comme le football se développe dans ce cadre unique et privilégié, et qu’il s’intègre avec les coutumes d’un peuple ancestral comme celui de Rapa Nui”, a déclaré Pelé lors de son discours d’inauguration. À cette occasion, ce stade, offrant une pelouse synthétique, une école de football flambant neuve et des tribunes d’une capacité de 3.000 personnes, a vu s’affronter les sélections A et B de l’Île de Pâques, précédé du fameux haka si cher aux habitants de l’océan Pacifique.
Mais l’île n’a pas attendu une visite officielle et l’ouverture d’une banque étrangère pour accroître son organisation autour du football. Dès 2012, l’île de Pâques se concerte avec 7 autres ethnies afin de créer le championnat national des peuples indigènes (Campeonato nacional de fútbol de Pueblos Originarios), qui regroupe des équipes réparties sur des archipels alentours et le continent. Ainsi, la première édition voit s’affronter les ethnies Aymara, Lican Antay, Mapuche, Huilliche, Kawesqar, Kolla et Quechua.
Un championnat encore balbutiant
Le format de cette ligue est toutefois bien différent de ce que nous connaissons en Europe ou en Amérique du Sud, puisque chaque équipe ne peut jouer tous les matchs du calendrier, principalement pour des raisons économiques, les déplacements étant très coûteux. De ce fait, il est courant de voir la saison se terminer alors que la plupart des équipes n’ont disputé qu’une ou deux rencontres de ce championnat : les participants se voient alors classés en fonction de la différence de buts (les égalités de points étant nombreuses) et de leurs possibilités de continuer l’aventure, symbolisée par des demi-finales de play-off puis une finale pour déterminer le champion.
Ces obstacles à des joutes régulières n’a pas empêché Rapa Nui de remporter la première édition de ce championnat, gagnant par la même occasion en crédibilité vis-à-vis des instances de football chiliennes. Depuis, l’école de football locale a signé une entente avec l’équipe de l’Universidad de Chile afin que ses jeunes puissent se rendre à des tournées sur le continent et, suivant leur niveau, intégrer l’une des équipes de la fameuse écurie de Santiago. Avec, pourquoi pas, un destin professionnel un jour pour l’un d’entre eux ?