Il fut un temps où joueurs argentins et uruguayens ne s’affichaient pas ensemble sur les réseaux sociaux à boire du maté, à manger des asados et à écouter de la musique. Un temps où les deux nations se disputaient la suprématie mondiale et où les matchs Argentine-Uruguay étaient d’une violence rare.
Les prémices de la plus vieille rivalité au monde
Il faut remonter à près d’un siècle en arrière pour comprendre la rivalité entre les deux voisins. En 1916, l’Argentine, le Chili, le Brésil et l’Uruguay disputent alors le championnat sud-américain des sélections, ancêtre de l’actuelle Copa América à Buenos Aires dans le stade du GEBA (Gimnasia y Esgrima de Buenos Aires, mythique club argentin à cette époque). L’Uruguay bat aisément le Brésil et le Chili tandis que l’Argentine fait match nul contre le Brésil après avoir battu les Chiliens. Le dernier match entre Rioplatense sera décisif. La rencontre ne dure finalement qu’une dizaine de minutes. Les tribunes débordent de supporters et l’arbitre décide de suspendre le match au motif que la sécurité des spectateurs n’était pas assurée. Leur réaction ne se fait pas attendre : affrontements avec la police, jets de pierre, voitures brûlées et deux tribunes du stade incendiées. Le match est donc reprogrammé le lendemain dans l’antre du Racing Club et aboutit à un match nul et le sacre de l’Uruguay.
Quelques années plus tard, en 1924, l’Uruguay remporte les Jeux Olympiques à Paris. L’Argentine n’y participe pas. Pour déterminer une certaine suprématie mondiale, les Argentins défient l’Uruguay en confrontation aller-retour. Le match aller accouche d’un triste 0-0 à Montevideo. Le retour se joue à Buenos Aires dans le stade du Sportivo Barracas, une enceinte de 37.000 places. Pas moins de 45 000 personnes se masseront dans le stade. L’histoire se répète, les supporters des deux camps envahissent le terrain et s’affrontent corps à corps, l’arbitre doit suspendre la rencontre. Le pire est encore à venir. Une semaine plus tard, le match se rejoue avec une nouveauté : des grillages séparant les tribunes du terrain, une première pour l’époque. Le match est d’une rare violence, les Argentins mènent 2-1 lorsque Adolfo Celli se fracture le tibia après un choc avec un Uuguayen. La tension monte et les supporters argentins jettent des pierres sur les joueurs adverses qui répliquent de la même manière. S’en suit une bataille rangée sur le terrain entre joueurs des deux camps Scarone, l’ Uruguayen, frappe même un policier. Le match est à nouveau suspendu.
Un mort et Carlos Gardel
Dix jours plus tard, une nouvelle édition du championnat sud-américain des sélections s’ouvre à Montevideo et comme à leur habitude, les deux voisins du Rio de la Plata se rencontrent en finale. Après un triste 0-0, les Uuguayens remportent la compétition mais ce match marquera un tournant dans l’histoire du football de ces deux nations. À la sortie du stade, une grosse bagarre à l’origine futile éclate entre fans des deux camps. Les Argentins célèbrent le fait que les champions olympiques aient été incapables de les battre, que ce soit lors de ce tournoi ou quelques jours avant à Buenos Aires. Les Uruguayens répliquent en accusant leurs homologues de fêter une deuxième place. Les esprits s’échauffent. Le bilan de cette rixe est terrible : un supporter charrua est retrouvé mort. Tous les regards se tournent vers un certain Pepino El Camorista, supporter de Boca, petit protégé des joueurs du Xeneize qui faisait figure de leader des supporters argentins lors de ce déplacement. Il s’agit du premier mort lié au football des archives argentines, et le coupable sera l’embryon de la fameuse Doce, la barra brava actuelle la plus puissante d’Argentine.
Quelques années plus tard, la finale des Jeux Olympiques de 1928 ne fera que rajouter de l’huile sur le feu. L’Uruguay bat une nouvelle fois l’Argentine en finale ne faisant que confirmer la domination de ces deux nations sur le reste du monde au début du XXème siècle. L’histoire raconte qu’avant la finale, Carlos Gardel, le célèbre chanteur de tango, a voulu réconcilier les deux nations. Il invita tous les joueurs à un repas fraternel en veillant à ce qu’Argentins et Uruguayens soient mélangés. Peine perdue, Orsi et Andrade montent le ton, résultat, une nouvelle bagarre générale et le violon d’un membre de l’orchestre présent finit sur la tête d’un joueur celeste.
Menaces de mort et climat de guerre
C’est dans ce contexte que deux ans plus tard se joue la première Coupe du monde logiquement en Uruguay, double champion en titre des Jeux Olympiques. Les Argentins ne sont clairement pas les bienvenus à leur arrivée à Montevideo. Lors du premier match de l’Albiceleste contre la France, les joueurs sont la cible de projectiles et d’insultes pendant 90 minutes. Le stade est envahi par les Uruguayens à la fin du match pour en découdre avec les joueurs du pays voisin. La sortie ne sera guère mieux. Le bus qui transportait l’équipe jusqu’à son hôtel est pris à partie et le périple se termine avec la plupart des vitres brisées. À la suite de cet épisode, la fédération argentine décide même de se retirer de la compétition. Il faudra l’intervention du président uruguayen himself pour garantir la sécurité des joueurs et supporters argentins pour faire changer d’avis la fédération.
Une nouvelle fois encore, Argentins et Uruguayens se sont opposés en finale de la compétition. Le climat est pesant, les joueurs argentins sont menacés de mort et certains joueurs comme Cherro ou Scopelli s’auto-excluent de la finale. Plus tard, Monti, l’une des pièces maîtresses du système argentin, fera référence à ce match en ces termes : « J’ai eu très peur pendant cette finale car ils ont menacé de mort ma mère. J’étais tellement stressé que je n’ai pas pensé une seule seconde au match et j’ai sûrement nuit aux efforts de mes coéquipiers ».
Averties de la situation par la presse argentine, très chauvine, 30.000 personnes traversent le Rio De La Plata pour supporter leur sélection. Un tiers d’entre elles réussissent à entrer au Parque Central lors de la finale face à 60 000 uruguayens déchaînés. À la mi-temps, l’Argentine mène 2-1 mais les menaces de mort parviennent de nouveau dans les vestiaires albiceleste. Monti déclarera également : « 300 flics uruguayens ont encerclé le terrain, j’ai compris qu’ils n’étaient pas là pour nous défendre ». Dans ce contexte, l’Argentine perd 4-2. La victoire de l’Uruguay était « obligatoire » et l’arbitre de la rencontre avouera 50 ans plus tard que le match s’est déroulé dans un climat de guerre. Les affrontements entre supporters des deux camps se sont poursuivis aux alentours du port. L’Association Amateur Argentine de Football (ancienne AFA) se fendra dans la foulée d’un communiqué cinglant pour annoncer la rupture de toute relation avec l’Association Uruguayenne de Football. Les relations diplomatiques entre les deux pays resteront pendant de longues années fragiles suites à ces rencontres de football.
Aujourd’hui, les liens entre les deux pays ont énormément évolué. La rivalité existe toujours, le débat sur les origines de Carlos Gardel ou du maté divisent toujours Argentins et Iruguayens mais le degré de violence est beaucoup plus faible. Certains Argentins considèrent même l’Uruguay comme leur « petit frère ». Rien d’étonnant quand on a deux pays à la culture et aux origines quasiment similaires.
Bonjour,
Je ne sais pas si c’est voulu ou si cela est du plagiat, mais l’avant dernier paragraphe de l’article est une traduction quasiment mot pour mot d’un article du média argentin, La Nacion.
Lien : https://www.lanacion.com.ar/lifestyle/la-historia-negra-de-las-barras-argentinas-en-los-mundiales-nid2122615
Néanmoins, à la lecture de ce paragraphe on comprends que l’Argentine a été volé par l’Uruguay en 1930, une prise de position qui reflète l’opinion des médias argentins de l’époque (qui plus est celui de La Nacion), mais non celui des différents témoignages du match. Dans le livre de Paul Dietschy « Histoire du football », historien du football, il cite l’arbitre du match, John Langenus et son livre autobiographique « En sifflant par le monde », ainsi que Jules Rimet dans « Histoire merveilleuse de la Coupe du monde ». Tous deux présents le jour de la finale, ils font état d’une atmosphère « correcte », écartant l’idée que les policiers ont menacé les argentins, ou que l’arbitre avait lui même « du être protégé par la police ».
Je vous invite a regarder un documentaire réalisé par Teledoce, où différents intervenants reviennent sur ce match et réfute la thèse d’un match qui aurait ressemblé plus à une « guerre » qu’à un match de foot.
https://www.youtube.com/watch?v=8X3nzQM5FnQ
Je conçois que cela est plus vendeur de dépeindre ce match comme une guerre, mais il ne faut pas travestir pour autant la réalité, l’Uruguay est un vainqueur légitime de la CDM 1930, contrairement a ce qui est insinuer ici.
Par ailleurs, l’article fait état que la finale a eu lieu à l’Estadio Gran Parque Central, hors la finale a eu lieu à l’Estadio Centenario.