Le 11 novembre 2007, l’Italie allait connaître son énième mort lié au football. Cette fois, la victime s’appelle Gabriele Sandri, un jeune supporter de la Lazio, tué par balle sur une aire d’autoroute. L’auteur du coup de feu étant un policier, le drame a particulièrement suscité l’indignation des ultras de tout le pays. Quitte à laisser des rivalités politiques et sportives un temps de côté pour réclamer justice.
Il y a dix ans, le football italien vivait l’une de ses plus graves crises. Une crise qui dépasse justement le simple cadre du ballon rond. Ce dimanche-là, le Calcio connaît des épisodes de violences d’une rare ampleur. Il est même question d’éventuellement suspendre le championnat pendant plusieurs mois. Une situation explosive causée par un drame survenu le matin même. Aux alentours de 9 heures, sur l’ère d’autoroute de Badia al Pino (Toscane), une rixe éclate entre supporters de la Lazio et de la Juventus. Les premiers étaient en route pour Milan en vue de l’affiche contre l’Inter et les seconds pour Parme. Les agents de police arrivent rapidement sur place et l’un d’eux, Luigi Spaccarotella, ouvre le feu dans des conditions encore aujourd’hui mystérieuses. Gabriele Sandri, 26 ans, est touché par une balle ayant traversé la vitre arrière d’un véhicule de supporters de la Lazio en train de repartir.
Selon les proches de la victime, le jeune homme était en train de dormir. Une version contestée par les enquêteurs qui affirment que les Laziali poursuivaient les Juventini originaires de Rome dont ils avaient perdu la trace un peu plus tôt. Des couteaux seront notamment retrouvés sur place, ce qui participera à catégoriser cette affaire comme un « classique » fléau de violence entre ultras. Sauf que très vite, la nouvelle se répand : un supporter de la Lazio est décédé et un policier en est à l’origine. Les forces de l’ordre, déjà peu appréciées des franges plus radicales des stades, voient une nouvelle fois leur image mise à mal par cette bavure. Si le match Inter-Lazio est vite annulé, le reste des matchs se déroulent avec « seulement » une minute de silence pour « Gabbo ». Alors que quelques mois plus tôt, le championnat avait été arrêté pour la mort du policier Filippo Raciti tué lors du derby Catane-Palerme
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Des scènes de guerre et belles images de paix
Il n’en faut pas plus pour mettre le feu dans tous les virages de la Botte. Les ultras complètement fous de rage, réclament justice. D’autant que, et cela aurait pu calmer un peu les esprits, Spaccarotella n’était toujours pas mis en examen le soir même. Beaucoup dénoncent un deux poids, deux mesures, comme si la vie d’un supporter n’avait pas la même valeur qu’un autre citoyen. Et comme si un policier n’était pas un justiciable comme un autre. D’autant que le contexte était déjà très tendu en 2007, suite à ce fameux derby sicilien. La tessera del tifoso, ce document d’accès au stade obligatoire, venait d’être instaurée ainsi qu’une interdiction de stade à vie (l’article n°9 de la loi Amato) même après avoir légalement purgé sa peine (mesures modifiées et supprimées depuis). Voilà pourquoi ce drame a dépassé les rivalités. L’image la plus marquante de ces violences restera sans doute celle des ultras de l’Atalanta Bergame brisant le plexiglas et empêchant les joueurs de disputer la rencontre face à l’AC Milan.
Forcément, ces manifestations surréalistes choquent l’Italie. Et dans ce genre de cas, tout le monde prend la parole sans connaître vraiment le sujet. Jean-Leonard Touadi, alors adjoint au maire de Rome chargé de la sécurité déclare à Téléfoot : « Il s’agit de groupes d’extrême droite organisés qui ont saisi l’occasion pour mener une attaque symbolique très forte ». Les groupes ultras plutôt de gauche solidaires ont dû apprécier. Même Gianluigi Buffon, jamais avare pour défendre les supporters, accuse : « le football est un alibi pour ces gens-là ». Pourtant ce sont ces mêmes tifosi tant décriés qui ont permis à Giorgio Sandri, le père de Gabriele, de tenir le coup comme il l’a confié à Retesport une radio pro-AS Roma : « J’ai traversé toute l’Italie et partout j’ai trouvé soutien et affection. Sans eux je n’y serais pas arrivé. C’est aussi grâce à eux que la vérité a émergé et qu’il y a eu un procès juste. Ceux qui parlent des virages le font à tort et à travers ».
Un procès juste, mais une décision rendue publique il y a quelques jours a remis le feu aux poudres. Spaccarotella, qui n’a jamais formulé la moindre excuse, est désormais en régime de semi-liberté. Lors d’un rassemblement d’ultras italiens en la mémoire de Gabriele ce samedi, un meneur laziale a rappelé au micro : « Des gars de la Roma et de la Lazio qui ont agi comme leur coeur leur a dit d’agir ce jour-là, eux, payent encore leurs peines. 12 ans de prison, plus qu’un assassin ! Parce qu’ils ont trouvé en les ultras un coupable, alors qu’il y avait déjà un coupable ! Et le coupable est en semi-liberté ! ».