La Suède prétend à la Coupe du monde dans le même groupe que l’équipe de France. Elle doit surtout digérer l’après Zlatan Ibrahimovic et se reconstruire. Dans ce cadre, un homme concentre tous les espoirs du peuple suédois : Emil Peter Forsberg. Numéro 10, joueur du RB Leipzig, c’est en grande partie grâce à lui que l’équipe de la Saxe brille en Allemagne depuis le début de la saison. L’international suédois que certains ont pu découvrir au Stade de France il y a quelques mois, est en train d’y réaliser la plus belle saison de sa carrière. Milieu de terrain, buteur, passeur, tireur de coups de pieds arrêtés, Ralph Hasenhüttl ne s’est pas trompé en faisant de lui un homme décisif de son système. Focus sur l’histoire et le profil technique d’un joueur assurément à suivre.
Biographie
Né le 23 octobre 1991 à Sundsvall dans le nord de la Suède, Forsberg est issu d’une famille de footballeurs, plutôt connue dans son pays. Son grand-père, Lennart, a joué dans les années 1950 pour les clubs de Sundsvall et Djurgården en première division nationale. Son père Leif Forsberg a également été footballeur professionnel, en tant qu’attaquant. Il a marqué près de 150 buts pour le club de la ville de Sundsvall, devenant une icône dans sa région. Le football est donc une affaire de famille chez les Forsberg. Emil a ainsi suivi les traces de son père et de son grand-père.
Comme eux il a commencé dans le club du GIF Sundsvall où il est formé entre 2009 et 2013. Le numéro 10 marque plus de 20 buts en 97 matchs, et commence à se construire une réputation nationale. Il intègre rapidement l’équipe U19 de Suède, puis décide d’aller terminer son apprentissage dans l’un des plus grands clubs du pays le Malmo FF (club formateur de Zlatan Ibrahimovic notamment).
Dès la première saison, Forsberg remporte le titre brillamment sans sortir de l’équipe et en empilant buts et passes décisives. Ces premières grandes victoires lui donnent la possibilité de découvrir le très haut niveau européen, d’abord à travers la Ligue Europa en 2013-2014 puis à travers la prestigieuse Ligue des champions en 2014-2015. Les années 2014 et 2015 sont d’ailleurs celles de la confirmation pour lui puisqu’il remporte de nouveau le titre et marque près de 14 buts, chiffre conséquent pour un milieu de terrain.
De nombreuses écuries européennes s’intéressent à ce joueur comme par exemple Lyon en France. Mais, c’est finalement au RB Leipzig qu’il décide de signer. Il perçoit très vite l’ambition du club et son goût pour les jeunes qui lui garantit un temps de jeu certain et une belle progression dans l’un des plus beaux championnats d’Europe. Pour l’instant, tout porte à croire qu’il a fait le bon choix, puisque Forsberg joue tous les matchs et a déjà empilé 7 buts pour le club de la Saxe. Analyse de son influence sur l’équipe.
Un profil de leader technique et collectif
Elégance, style et efficacité pourraient très bien résumer le profil de ce milieu de terrain. Le joueur de 25 ans est presque un pur droitier. Le gabarit de Forsberg est très classique : 1m78, 73 kilos. Sa conduite de balle est à montrer dans toutes les écoles de football. En effet, celle-ci est très esthétique, le buste est toujours droit, les touches de balle nombreuses, Forsberg est alors prêt à fixer ou éliminer un adversaire à tout moment.
Dans le milieu de terrain de Leipzig il est placé sur le côté gauche du 4-4-2 (ou 4-2-2-2). Cependant, ce n’est clairement pas un vrai joueur de couloir. Il rentre plutôt dans la catégorie des milieux de terrain, formés en tant que numéro 10, mais qui dans le football d’aujourd’hui, se retrouvent excentrés sur un côté tout en ayant une liberté de mouvement très importante pour rentrer dans l’axe. Notons au passage que Zinedine Zidane fait partie des premiers joueurs qui, formés en tant que numéro 10, partaient d’un couloir pour exprimer leur créativité dans l’axe. Il a rayonné dans ce domaine au sein du Real Madrid des Galactiques. Cette innovation est maintenant beaucoup plus courante, et l’on pourrait comparer le placement de Forsberg à celui de Mezut Özil à Arsenal. Hasenhüttl lui demande de toujours se placer entre les lignes, afin d’être disponible et ainsi d’accélérer le jeu par un enchaînement technique.
L’une des caractéristiques d’un grand numéro 10 est la qualité de sa première touche de balle. Forsberg n’échappe pas à cette règle et son premier contrôle à la réception d’une passe est souvent un régal pour les yeux. S’il est capable de dribbler en un contre un régulièrement (il dispose d’un crochet extérieur du droit redoutable), c’est sur son contrôle orienté et ses premiers appuis qu’il fait le plus de dégâts. Lors du match contre Fribourg (12eme journée de Bundesliga), il donne un but à Timo Werner à la 35ème minute après une prise de balle chaloupée suivie d’une accélération sur un mètre qui le défait du marquage et lui permet d’ajuster une belle passe à son partenaire qui s’en va conclure l’action. Emil Forsberg est énormément recherché par ses partenaires, touchant plus de 50 ballons par match. Naby Keita et Diego Demme, ainsi que Sabitzer sont des partenaires privilégiés dans ce registre.
D’autre part, à l’image des milieux de terrain modernes, il est capable de reproduire un très grand nombre de courses qu’elles soient offensives ou défensives. Tout cela sans perdre de la lucidité, puisqu’il culmine en moyenne entre 75 à 85% de passes réussies par match. D’ailleurs, sur la vingtaine de passes qu’il effectue, presque un tiers sont des passes verticales qui cassent une ligne et 3-4 par match ont lieu dans les 30 derniers mètres. Il s’agit donc un architecte décisif dans la construction des actions de Leipzig.
Mais, l’entraîneur de cette écurie est aussi conscient de ses qualités de finisseur. Forsberg se retrouve souvent dans la surface de réparation adverse, comme en témoigne la « madjer » qu’il a failli transformer en but lors du match contre Schalke 04 le 03 décembre dernier. De plus, il dispose d’une très belle frappe. Beaucoup de ses buts sont marqués grâce à cette arme, comme par exemple contre le Bayer Leverkusen ou contre la France en octobre. Si vous observez ces deux buts vous constaterez que dans les deux cas, le gardien est en grande difficulté face à la pureté de sa frappe et les effets qu’il est capable de donner au cuir.
Enfin, relevons qu’il utilise peu son pied droit pour distribuer des centres. Forsberg préfère majoritairement rentrer dans l’axe pour s’exprimer. Toutefois, sa précision est éclatante sur coups de pied arrêtés. C’est très simple : au sein de sa formation il n’y a que lui autour du ballon lors des coups francs. Il tire également les corners des deux côtés. Beaucoup de buts de Leipzig sont marqués dans ce domaine. Lors de la 13eme journée, il pousse le défenseur de Schalke 04, Kolasinac, à marquer contre son camp suite à un coup-franc rentrant magnifiquement frappé. Contre Lerverkusen, Leipzig marque le premier but sur un corner partant de son pied. Les exemples sont multiples. Avec Forsberg, le RB Leipzig dispose d’une arme extrêmement efficace pour faire la différence. Néanmoins, il lui reste beaucoup de progrès à faire dans certaines parties de son jeu.
Les axes de progrès
C’est d’abord dans le domaine défensif qu’il doit franchir un palier. En effet, il ne néglige pas ses efforts pour se replacer à la perte ou accompagner un pressing notamment en début de match. Pour autant, à partir de la 60eme cela devient plus difficile et il lui arrive de laisser son défenseur en 2 contre 1 dans son couloir.
De plus, même si le Suédois effectue entre 2 et 5 interceptions par match, il manque souvent d’agressivité dans le duel lorsqu’il est proche de l’adversaire. Le cadrage du porteur peut s’avérer suffisant dans la défense ultra-collective de Leipzig, mais certaines limites dans ce secteur apparaissent malgré tout. N’oublions pas le jeu de tête qu’il soit défensif ou offensif, dans lequel son influence est quasiment inexistante.
Ensuite, il semble que Forsberg puisse franchir d’autres paliers au niveau mental. Premièrement, s’il apparaît comme un leader technique, on le voit très peu donner des consignes à ses partenaires, replacer les siens ou encourager durant un match. Deuxièmement, il peut avoir tendance à disparaître un peu du match, avant de revenir par séquences éclairer celui-ci d’un coup de patte génial. Enfin, son goût pour le dribble le fait tomber parfois dans la facilité, quand le contexte du match est favorable, ce qui entraîne par conséquent des mauvais choix et des pertes de balles (la fin du match contre Fribourg est révélatrice à cet égard).
Conclusion
Omar Da Fonseca aime à répéter en commentant la Liga que le ballon est l’ami de certains joueurs lorsqu’ils le manipulent… Il est certain qu’en regardant les matchs de Forsberg, l’argentin ressortirait cette phrase de son répertoire. Car clairement, le ballon doit prendre plaisir à se faire manipuler par ses pieds. Les supporters de Leipzig aussi, se régalent à chaque match de son toucher de balle, de son efficacité, en espérant probablement dans leur for intérieur qu’il reste le plus longtemps possible dans leur club favori.
N.B : source photo 1 : www.zimbio.com. Source photo 2 : www.reviersport.com