Si les feuilletons Lens et Luzenac ont su se prolonger jusqu’à la toute fin de l’été et tenir en haleine une grande partie de la France du football, il y’en a un qui qui s’est terminé presque sans bruit, dans un relatif anonymat. À peu près abandonné de tous, l’AS Cannes, pourvoyeur de quelques-uns des plus grands talents du football hexagonal ces dernières décennies, reprendra son championnat dimanche prochain, contre l’AS Gemenosienne, en Division d’Honneur Régionale (7e division). Mesdames et Messieurs : Rideau sur un joli pan de l’histoire du football tricolore, qui va devoir s’inventer un futur dans les divisions les plus difficiles.
11 février 2014. Huitièmes de finale de Coupe de France, Cannes-Montpellier. La France, et particulièrement celle des années 1990, vibre de nouveau pour des Cannois qui enflamment cette édition. Le groupe de Jean-Marc Pilorget, alors pensionnaire de CFA, a déjà éliminé Troyes (L2, 2-1) et Saint-Etienne (L1, 1-1 puis 4-3 aux tirs au but). Le match se joue au stade Coubertin, Cannes-La Bocca, devant 4000 spectateurs et sur une pelouse en piteux état. Le traquenard idéal pour des professionnels qui finiront par tomber dedans, bien aidés par les combativité des Rouge et Blanc.
Le match est engagé et se poursuit jusqu’aux prolongations. Pour les amateurs, le conte de fée est à deux doigts de s’arrêter à la 102e, quand Anthony Beuve, le gardien ascéiste, fauche M’Baye Niang dans la surface de réparation. Penalty. Celui-ci s’élance et offre un résumé de sa carrière en une action. Poteau. Le ballon ressort. Le match se poursuit et comme souvent dans ces conditions, ce sont les Cannois qui s’offrent le scalpe de leur adversaire du jour. Belkacem Zobiri, bien décalé coté droit, ouvre la marque à la 119e et fait exploser le stade et son banc.
Les images de joie font plaisir à voir. Rolland Courbis ira même jusqu’à déclarer qu’il « souhaite beaucoup de plaisir à l’équipe qui va affronter Cannes, qui n’a pas le niveau du CFA mais bien de la Ligue 1 ». C’est le climat hivernal d’un club qui, sans le savoir, explosera en plein vol dans les mois qui suivront.
Un patrimoine historique qui s’effrite.
Sedan, Grenoble, Strasbourg, Le Mans, Rouen, Cannes, Toulon. La liste est non exhaustive. Égrener les noms de ces clubs rétrogradés dans des divisions obscures, c’est égrener la perte de potentiel d’un football français des clubs à la dérive, et dont le patrimoine s’effrite. L’AS Cannes, dont la section football s’est fondée en 1909, c’est une Coupe de France en 1932. C’est peu niveau palmarès mais son ancienneté, son poids et sa contribution au football français n’en restent pas moins impressionnants, avec une quarantaine d’années de seconde division et quelques années de D1 mémorables, lorsque les Dragons retrouvent l’élite lors de la saison 1986-1987.
Coaché par Jean, puis par Luis Fernandez, l’AS Cannes – hormis une brève descente à l’échelon inférieur en 1992 – se stabilise à ce niveau durant une dizaine d’années et se prend même à rêver « plus grand », avec deux qualifications en Coupe d’Europe où le club échouera chaque fois en 16e de finale. L’exploit, puisqu’il en faut bien un : Sortir le grand Fenerbahçe 4-0 / 1-5 au premier tour de la Coupe UEFA lors de la saison 1994-1995.
Hormis cette honorable existence dans le football professionnel, la maison cannoise, c’est surtout l’apport de son centre de formation et l’étonnante génération de joueurs sortis de sa pépinière: Zinedine Zidane, Johan Micoud, Bernard Casoni, Peter Luccin, Jonathan Zebina, Gaël Clichy, Julien Escudé, Julien Faubert, Sébastien Frey, Patrick Vieira … La liste est longue et elle est d’autant plus à mettre en exergue lorsqu’on connait la carrière de ces mêmes joueurs et la suite de l’histoire ascéiste.
L’AS Cannes quitte la première division en 1998. Et depuis, c’est l’inexorable chute. Incapable de se maintenir en D2 au bout de trois saisons catastrophiques au regard des ambitions du club, l’ASC repart en National lors de la saison 2001-2002. Le club s’acclimate à une division dont on dit souvent qu’il faut « monter ou descendre, mais pas y rester ». Grand mal lui en prend puisque Cannes quitte son statut pro en 2004 et perd sa poule aux œufs d’or – son centre de formation – en 2006. C’est l’histoire azuréenne de cette dernière décennie : Toujours ambitieux et prompt à faire le spectacle, souvent placé, mais jamais gagnant.
Le géant tchèque Jan Koller vient même y effectuer une dernière pige. Le club sera ensuite rétrogradé en CFA par la DNCG, en 2011, pour des comptes non provisionnés alors que le versement de l’argent promis, placé en Côte d’Ivoire, prend du retard à cause de la guerre qui sévit dans le pays. La FFF ne suivra pas l’avis favorable du CNOSF dans cette affaire, et c’est la 4e division qui s’offre aux Cannois.
Ceci n’arrêtera pas vraiment la politique d’un club qui se devra d’être ambitieux, avec, toujours, le même schéma de fonctionnement, comme tant d’autres avant lui incapables de gérer nom et pression, dans des divisions amateurs où tous les matchs se jouent au couteau. Une belle équipe sur le papier, un entraîneur de bon niveau, des ambitions. Mais jamais dans l’ascenseur pour l’échelon suivant. Trois saisons plus tard à regarder vers le haut et, en 2014, c’est le couperet qui tombe.
Retour à la case départ.
Cette politique de dépenses folles (On parle de 15 millions d’euros engloutis au total sur cinq ans) pour un club dans l’incapacité de redorer son blason est alimentée ces dernières années par la famille Fakhri, propriétaire du club depuis janvier 2009, dont le patriarche, Saïd, à fait fortune en Afrique en fondant en 1968 la SAF Industries (Savonnerie Africaine Fakhri). Un constat d’échec « On a tout essayé, malheureusement on n’a pas réalisé nos objectifs » et un décès plus tard, au moment même où l’AS Cannes écrit l’une des plus belles pages de son histoire, le 20 février 2014, vient achever le club ascéiste.
La suite ? La suite, c’est ce qu’aucun amoureux de football et de son club ne veut connaitre. Criblé de dettes entre redressements fiscaux et pressions de l’URSSAF, l’AS Cannes se meurt. Ziad Fakhri, fils de et garant des affaires courantes de la maison cannoise ne veut plus se voiler la face et se désengage, lucide sur sa capacité à maintenir le club sous assistance financière comme ce fut le cas ces dernières années. Celui-ci est mis en vente pour 1 euro symbolique, avec épongement du montant du passif, estimé à environ deux millions d’euros.
La recherche d’entrepreneur sérieux échoue. Le tour de table des anciens joueurs, sur fond d’intérêts politiques et économiques inextricables, tourne littéralement au vaudeville. On parlera de Luis Fernandez bien sûr, qui s’écharpera avec la mairie par presse interposée, du duo Roustan-Micoud teasé par Pierre Salviac sur Twitter lui-même, ou encore de nombreuses personnalités démarchées par la ville pour mettre la main à la poche et sauver le club rouge et blanc d’une mort annoncée. Les supporters, quant à eux, se mobilisent tant bien que mal sur les réseaux sociaux, mais en vain.
Saison 2014-2015 , L’AS Cannes débutera donc son championnat en DHR, le week-end prochain. Une équipe et un club de Cannes qui repartent de zéro, du fin fond des divisions du football amateur français, là où il ne fait pas bon jouer quand on est un « gros ». La SASP soldée, c’est le président de l’association « A.S Cannes », Pierre Cancian, qui a repris les commandes. Sportivement, Jean-Michel Prieur, qui devait débuter la saison a déjà été écarté du banc.
Quelques joueurs importants, comme Mickael Cérélio ou encore Anthony Lopez-Peralta, auront pour mission d’encadrer un groupe inexpérimenté, dont la moyenne d’âge est de 22 ans. Désormais cornaqués par Manu Nogueira, ancien joueur professionnel de la maison et ex-adjoint de Jean-Louis Garcia à Toulon, Angers et Lens, le défi de la remontée en Division d’Honneur s’annonce aussi compliqué qu’exaltant.
En attendant les retours de quelques derbies, c’est tout le mal que l’on souhaite à ceux dont la passion n’a pas de division.
Le club est né en 1902 et non en 1909…
Bonsoir,
Le club omnisports oui, mais la section foot est bien née en 1909.
Sportivement.