Pour la première fois à l’épreuve du top niveau européen, le PSG a maximisé ses chances de rejoindre les demies. Plus qu’une opposition de style, on a vu une annulation de style. Comme souvent, une équipe de Mourinho a failli dans l’utilisation du ballon, lorsqu’on le lui a laissé. Sans réponse défensivement, et c’est beaucoup plus rare, le Special One a aussi failli dans l’organisation.
Coupés en deux par la possession basse
Chelsea a montré différents visages tactiquement dans les grands matchs cette année. C’est plutôt le CFC qu’on avait vu gagner à Manchester City que celui qui avait bétonné ailleurs qu’on peut identifier dès l’entame. Quand le ballon va chez Sirigu, 5 Blues le chassent et sortent de leur moitié de terrain. L’erreur que les hommes de Mourinho commettent – ou que le PSG les pousse à commettre – c’est de vouloir faire le nombre au moment de presser la première relance. Les positions hautes de Schürlle et Oscar sont logiques, mais ce sont celles de Ramires, Hazard et Willian que Chelsea va payer.
Car quand Sirigu allonge, l’équipe est coupée en deux et la défense livrée à elle-même. A la réception, Cahill relance court sur David Luiz. Pris à deux par Matuidi et Zlatan, le Brésilien cède logiquement. La perte de balle amène le 1-0. Car si le repli s’opère, les lignes ne se resserrent pas alors que la défense recule. Entre elles, on trouve Lavezzi et Cavani. C’est sur Pocho qu’atterri la tête de Terry. À la fois mis sur le reculoir par le jeu long et privé de compacité par leur pressing en nombre, les Anglais paient l’écart abyssal entre leurs lignes. Pendant le repli (ci-dessus) et la défense (ci-dessous).
Coupés en deux par la défense basse
Le scénario est catastrophique pour des Blues qui vont maintenant devoir faire ce qu’ils font le plus mal : le jeu, face à une équipe qui recule. Et Paris va reculer. Presque tous les scénarios imaginés avant-match s’écroulent et les rôles s’inversent : Cavani devient milieu droit et c’est Chelsea qui possède le ballon stérilement sur la largeur. Les Parisiens défendent à 9 dans leur 30 derniers mètres. Cavani compense à droite et Lavezzi à gauche autour du trident Motta – Verratti – Matuidi. Le moment pour Lavezzi de se montrer dans le registre qui lui sied le mieux : dévorer l’espace et percuter. Il subit une énorme faute de Ramires, puis c’est Cahill doit sortir un recul-frein de haute volée face à lui pour ne pas concéder une faute qui eût déjà été fatale à ce moment de la partie (25e).
L’ouverture du score sanctionnait pour Chelsea une défense basse sans que les lignes ne soient serrées, il en va de même pour Paris sur l’égalisation des Londoniens. Verratti est pris à deux par Willian et Ramires alors que le bloc s’étend sur 45 mètres, le repli s’opère et fonctionne, mais Ibra est trop seul pour faire la différence face à Ivanovic. Willian est servi et perce à droite. Le décalage est créé, Matuidi et Motta sont déjà loin, Maxwell sort, Silva est en retard, penalty. 1-1.
Le poteau d’Hazard / le penalty sur Cavani
Après cette égalisation, qui rendait la situation idéale pour eux, les Blues continuent à jouer les coups offensifs en nombre, plutôt que de contrer. Ils attaquent en prenant appui sur Schürrle ou Oscar et jouent latéralement. En même temps, ce choix peut se comprendre par la défense plutôt basse, et le repli collectif de Paris qui les prive de cette profondeur. À ce moment-là, frapper de loin eut été une option intéressante que les Blues n’ont pris qu’une fois, mais trop mollement par David Luiz.
L’efficacité de la défense basse de Paris, c’était une question de l’avant-match. Le test est plutôt réussi à ce niveau-là car Chelsea n’a pas été trop dangereux avec le ballon, même si le poteau d’Hazard, trouvé dans ces mêmes circonstances (en attaque placée) aurait pu changer le visage de la partie.
Sur l’action du penalty, que Cavani aurait pu obtenir à la 43e, Chelsea montre les mêmes limites que sur l’ouverture du score. Un premier pressing brouillon de Ramires et Schürrle qui permet à Paris de sortir, face à une équipe qui ne défend pas face au ballon. L’Italien profite de sa technique pour éliminer Ramires et quand la passe part, il y a encore 30 mètres entre le milieu et la défense. Peu avant, le Matador avait été trouvé par Motta dans les mêmes circonstances.
Les choix de Mourinho
En titularisant Schürrle, le Mou a indiqué sa volonté de tenir le ballon, et l’a confirmé après le match. C’est ce qui s’est produit, la possession était à son avantage à la mi-temps. Il est clair que Torres n’est plus ce qu’il était, Mourinho a voulu surprendre avec ce profil différent et nous a privé de l’opposition de style annoncée possession / défense compacte. Finalement, il n’a surpris personne et a juste privé son équipe de profondeur, Paris n’étant de toute façon pas disposé à être pris dans son dos.
En appliquant le même pressing, (à quatre, voire 5 avec Ramires) au PSG qu’à Arsenal, lors du 6-0 de samedi dernier, on peut considérer que Mourinho a un peu sous-estimé la force de frappe offensive et la qualité globale parisienne dans l’utilisation du ballon. En définitive, il s’est privé de verticalité avec cette animation offensive, et de solidité en choisissant deux 8 attirés par le ballon en phase défensive et par le but adverse en phase offensive. Face à la qualité de passe du PSG, notamment du duo Verratti – Motta, ça ne pardonne pas. Même s’il n’aura pris qu’un but dans ces circonstances, le Mou est évidemment malhonnête en disant après-match que des « erreurs individuelles » lui ont coûté le résultat.
La limite de son Real était de n’être parfois qu’un contre-modèle du Barça. Chelsea a échoué au Parc dans l’utilisation, comme le Real l’an dernier face à Manchester et à Dortmund. Mais aussi et surtout dans l’organisation, ce qui est beaucoup plus rare chez Mourinho. Soirée noire pour les Mourinhista du monde entier.
Suivre les hommes, plutôt que couvrir les zones
Chelsea se met en danger dans les mêmes circonstances en deuxième mi-temps. A la différence que Paris possède beaucoup plus le ballon. Et très bas. Le PSG de Blanc est définitivement une équipe de contre avec le ballon. Faire circuler en commençant les actions très bas, aspirer le milieu adverse et créer la différence par le jeu long. Dans cette configuration le pressing en trop grand nombre de Chelsea et l’indiscipline de Luiz et Ramires privent les Blues d’équilibre. Lassé par le manque d’options offertes par Schürrle, Mourinho fait entrer Torres à l’heure de jeu.
Paris prend l’avantage sur coup de pied arrêté, mais l’action qui amène la faute est parlante. Quand Silva et Alex sont à la manœuvre, Oscar se désintéresse du ballon et reste en individuelle sur Motta, qui l’attire sur sa droite. Quand le ballon arrive chez Maxwell, Willian est face à lui mais laisse un espace dans son dos, sans être couvert par Ivanovic. C’est le 8, David Luiz qui doit jouer les arrières latéraux face à Matuidi, comme très toujours très « plongeant » et actif offensivement. La faute sera fatale au défenseur brésilien, le PSG faisant parler son indéniable qualité sur coups de pieds arrêtés.
La faillite défensive de Mourinho est aussi là : plutôt que de couvrir des zones, ses hommes ont suivi des joueurs.
Chelsea se créera quelques opportunités en percutant par Oscar et Willian. Mais là encore, le bon repli de Paris neutralisera les Blues. En faisant (encore) moins défendre leurs ailiers, les londoniens s’exposent et tout cela rend la fin de match intense et indécise. L’entrée de Lucas rend l’équilibre défensif de Chelsea encore plus précaire. Cavani fait trembler Cech sur une de ses pénétrations. Avant que Pastore n’use des pouvoirs de Hiro Nakamura pour arrêter le temps, et statufier Lampard et Terry.
Conclusion
Le scénario du match était très spécial. La physionomie attendue était une sorte de reproduction des Clasico de ces dernières années, avec Blanc dans le rôle du possesseur candide. En réalité, en s’appuyant sur ce qu’il fait depuis plusieurs matchs, c’est à dire reculer, le PSG a pris Mourinho à son propre piège. Et le Special One a montré la principale limite qu’on lui connaît : Utiliser le ballon quand l’adversaire le prive de profondeur en se repliant. En plus d’une autre faille : Il a posé un plan défensif très inefficace.
Le plan parisien a parfaitement fonctionné, même si, à froid, il faudra tirer les enseignements négatifs de la première mi-temps : avoir concédé un but et un poteau face à une équipe peu performante dans l’attaque placée.
On pouvait prévoir des difficultés pour la relance longue (en temps) et appliqué de Paris, mais à l’initiative de ses tauliers derrière, le PSG a trouvé la verticalité en relance et dans la construction grâce à sa qualité au milieu.
Les deux équipes ont marqué assez tôt dans le match, et ont toutes les deux montré des imperfections défensives et organisationnelles. Il y a eu de l’espace entre les lignes des deux côtés, mais au jeu du plus compact, c’est Paris qui sort vainqueur. Les Parisiens ont certes reculé en première mi-temps, mais ce sont des séquences sur lesquelles ils pourront s’appuyer s’ils affrontent le Barça ou le Bayern.
Chelsea a terriblement souffert de l’absence d’Eto’o en attaque placée et Mourinho aurait pu tenter Demba Ba pour attaquer l’espace. À la condition qu’il l’eût créé en ne pressant pas aussi haut et de façon si désorganisée. L’indiscipline du duo (relativement inédit) David Luiz–Ramires s’est payée cher, et Matic est déjà indispensable à ce Chelsea-là. Là aussi, le Mou avait une occasion inédite de responsabiliser Mikel et de donner de la stabilité à son bloc.
Avec un 2-1, le retour aurait été extrêmement ouvert. Le but intemporel de Pastore, dont aucune analyse tactique ne saurait gâcher la magie, redistribue totalement les cartes et rend la mission des Blues extrêmement compliquée, voire impossible, au vu de leurs limites offensives.