Des quatre quarts de finale, ce PSG–Chelsea est sûrement l’un des plus intéressants. Parce qu’il promet, a priori, une savoureuse opposition de style entre le Chelsea compact de Mourinho et le PSG joueur de Blanc. Enjeux.
Chelsea contre les gros
Le gros point fort des Blues, et ce qui en fait un adversaire redoutable pour Paris, c’est leur capacité à résister, à tenir, et à gagner contre lesdits « gros ». Depuis son retour, le Mou ramène des clean sheets de tout le Royaume et fait exploser ses rivaux à Stamford Bridge. S’il a pris quelques risques au moment de gagner à City, libérant Hazard et Willian défensivement, c’est bien à Old Trafford et à l’Emirates qu’il a posé les fondations de ses certitudes défensives. Deux 0-0 conquis au prix d’une organisation ultra-prudente frisant avec le 6-3-1 avant un succès dans la tempête face au City de Pellegrini, après une approche risquée à la limite du déséquilibre. Ce jour-là Hazard avait réussi la bagatelle de 16 dribbles, jouissant de cette inhabituelle liberté. Car dans les grands matchs, le Belge, comme Willian est plus souvent astreint à un repli défensif discipliné.
Si le retour de Mourinho au Bridge est pour l’instant largement réussi, son Chelsea a connu quelques trous d’air, notamment à l’automne. Les Blues ont chuté 5 fois cette année en Premier League, et ce dans des circonstances assez similaires : Contre des équipes d’un calibre relativement inférieur au leur, et après des matchs dans lesquels les Londoniens furent « forcés » de posséder le ballon, privés de profondeur par des blocs regroupés. Dimanche, ils ont chuté face au Palace de Tony Pulis avec 67% de possession de balle.
L’ouverture du score d’Ibra au Parc face à Monaco en est la parfaite illustration : Souvent cette année, Paris n’a eu besoin que d’une passe verticale bien sentie pour s’engouffrer dans les trous de blocs imparfaits. Mercredi soir, pour marquer, il devra produire des enchainements de très haut niveau dans le camp de l’adversaire pour le déséquilibrer.
Ce n’est pas le Bayern qui arrive au Parc, mais le défi de Paris est là : sans le ballon et contre un gros, Chelsea n’a pas encore perdu cette année.
Van der Wiel contre Hazard, ou plutôt l’inverse
Si Mourinho est parvenu à finir la partie avec plus de tirs qu’Arsenal à l’Emirates à l’aller, et à gagner tant de matchs en imposant un tel cahier des charges à ses ailiers, c’est aussi grâce à la qualité de sa transition défense-attaque. Elle repose grandement sur Hazard. Cela va sans dire, cette année, il est l’atout offensif numéro 1 des Blues. Il est à Chelsea ce que Götze était à Dortmund l’an dernier. Le joueur cible, parfois dès la première relance. L’absence possible d’Eto’o pourrait accentuer cette polarisation du jeu, même si Torres est le préposé naturel aux matchs à l’extérieur, plus mangeur d’espace que le Camerounais.
Contre Galatasaray, lors d’un retour maitrisé par un Chelsea rigoureux et tranchant (20 tirs à 3 avec 45% de possession), le Belge a été trouvé 56 fois par ses coéquipiers. 16 de plus qu’Oscar, 20 de plus que Willian et 29 de plus qu’Eto’o. Souvent dos au but. Plus qu’un autre joueur, c’est lui qui est chargé de se retourner pour éliminer, casser une première ligne avant de prendre de la vitesse et de créer le déséquilibre dans les 30 derniers mètres. Il le fait sur l’ouverture du score d’Eto’o après avoir reçu le ballon dos au but sous la pression de Melo.
Plus souvent, on devrait voir Hazard dans son propre camp face à Van der Wiel que l’inverse. Idem de l’autre côté pour Willian face à Maxwell. Cette année, Paris tient le ballon et l’espace n’est plus dans le dos de la défense adverse, plutôt dans celui de ses latéraux. Chelsea pourrait abandonner cet espace au pressing pour mieux le dévorer en attaque rapide.
A ce moment là, bien plus qu’en Ligue 1 ou dans sa poule du premier tour, Blanc sera vraiment face au choix qu’il a fait en faisant de Van der Wiel son titulaire. Son efficacité défensive dans le 1 contre 1 sera un mur porteur de l’équilibre parisien.
La présence du Néerlandais est incertaine et Jallet (ou même Marquinhos) présentent des profils différents, mais globalement les enjeux seront les mêmes pour eux, l’apport des latéraux étant une caractéristique de base du modèle prôné par Blanc.
Mais le duel le plus intense et décisif, aura peut-être lieu entre les deux latéraux du PSG, dans le cœur du jeu.
Motta (et/ou Verratti) – Oscar : faux 6 contre faux 10
De tous les numéro 10 de notre époque, Oscar est sûrement le plus discipliné tactiquement et le plus efficace dans son travail défensif. Installé cette saison dans l’axe du terrain par Mourinho au détriment fatal de Mata, le Brésilien est un redoutable « premier presseur » pour le (faux) 6 adverse. A cet égard, le duel qui l’opposera à Motta pourrait être le facteur X de cette relative opposition de style. Harcelé dès les premiers instants du derby, londonien, Arteta peut en attester.
Le reproche principal formulable au PSG de Blanc, à l’encontre de sa méthode et malgré ses résultats, c’est le temps assez conséquent pris par sa relance appliquée. Paris possède, mais pas forcément aussi haut que le Bayern ou le Barça. Parfois, le manque d’intensité et de verticalité dans l’animation est pointé du doigt.
Avec les deux Thiago et le hibou et à la baguette, Paris a parfois été mis en difficulté par certains pressings, comme ce fut le cas à Saint Etienne, à Monaco, ou à Bordeaux en coupe.
Mais Paris n’a-t-il pas en réalité deux faux 6 ? En feu cette saison, Il Gufetto s’est souvent montré très à son aise dans le dribble au moment de faire face au pressing. Le surnombre qu’il peut apporter et sa capacité à éliminer pourraient être précieux pour se sortir du pressing axial d’Oscar (et d’un autre ? Ramires ? David Luis ?).
Faux triangle à pointe basse contre (faux ?) triangle à pointe haute, 4-3-3 contre 4-4-1-1 : un 6 architecte sous la pression d’un 10 ouvrier, c’est une possibilité.
Ligne basse contre appels croisés
Autre différence notable entre Paris et les deux autres « possesseurs » encore en lice : la hauteur de leur lignes défensives. Le bloc de Laurent Blanc est naturellement assez haut, vue la domination qu’il exerce sur tous ses adversaires domestiques, mais sa défense n’est pas aussi proche de la ligne médiane que celle du Barça ou du Bayern. Quand les Bavarois provoquent entre 5 et 7 hors-jeux par match à leurs adversaires, le PSG n’en fait concéder aux attaquant adverses qu’entre 0 et 1 en moyenne.
Comment interpréter cette habitude de défendre finalement assez bas ? A l’aller, et surtout au retour, cette double confrontation aura valeur de test fiable, face à une des armes offensives principales de ce Chelsea-là : les appels croisés.
Depuis son retour, le Happy One a souvent clamé son ambition de voir son équipe récupérer le ballon assez rapidement. Il est vrai que Chelsea imprime parfois, par séquences, un pressing assez haut. Pour autant, le 4-2-3-1 de Mourinho utilise une recette relativement basique pour créer le déséquilibre chez ses adversaires, et surtout contre les mieux armés offensivement. Un bloc assez bas et compact et une recherche rapide de la verticalité. Grâce à ces fameuses courses dans l’espace, capables d’ouvrir des portes.
Sur l’ouverture du score contre Arsenal, Schürrle récupère le ballon à 40 mètres de ses buts, relativement bas. Il cherche immédiatement le une-deux avec Oscar, puis pique de droite à gauche, alors qu’Eto’o inverse sa course, et sera servi vers la droite.
Pour Paris, une ligne haute serait extrêmement risquée, car le joueur qui fait l’appel n’est pas forcément celui qui est servi. Défendre plus bas permettra-t-il au PSG de minimiser l’espace dans le dos de sa défense, ou les appels de Chelsea n’en seront-ils que plus dangereux, les offensifs londoniens jouissant d’une couverture plus profonde ? Dans tous les cas, la qualité de l’alignement parisien sera prépondérante.
Vers une possession équilibrée ?
Mais les matchs de Ligue des Champions ont cela de spécial que, les heures passées à disséquer le jeu de l’adversaire peuvent pousser les coachs à faire évoluer leurs plans respectifs, sachant que l’entraineur en face fait de même, surtout quand il s’appelle José Mourinho, maître de la micro-tactique. Je sais, tu sais, donc je change ?
Ainsi, le possible problème du duel relance-pressing, incarné par l’opposition potentielle Oscar (ou Willian) – Motta (avec l’appui de Verratti) pourrait être solutionné en amont par le duo Blanc – Gasset (ou par les joueurs eux-mêmes) par un jeu plus direct en plus vertical.
Paris a évolué dans ce sens ces dernières semaines, abandonnant même la possession sur la deuxième mi-temps contre Sainté, et à Monaco. Contre l’OM également, c’est en opérant un repli défensif efficace et en jouant plus direct et plus vertical que Paris avait fait craquer les hommes d’Anigo en début de deuxième mi-temps. Un recul qui n’avait d’ailleurs pas vraiment été ordonné par Blanc lors du match face aux Verts, témoin son agacement post-match.
Un PSG qui ferait trop durer les séquences dans son propre camp, c’est peut-être un PSG en danger. En allongeant, face à un adversaire qui viendra pour contrer, Paris pourrait donner au match un visage plus équilibré en termes de possession. La vraie clé de son salut ?