Calciopoli, Calcioscommesse, Totonero… la liste est tellement longue que nous ne pourrons tous les énumérer. Les scandales à répétition de différentes natures qui touchent le football italien portent atteinte à son image au point d’en devenir un cliché. Le dernier, révélé en début de semaine, ne devrait pas arranger les choses. Le président du club de Catane est accusé d’avoir truqué plusieurs matchs pour sauver son équipe menacée de descendre en troisième division. Et les écoutes téléphoniques ne laissent guère de doute.
« […] Un train est à 15 heures […] Il y en a deux autres mais… ». La conversation entre l’ex-directeur sportif de Catane Daniele Delli Carri et son président Antonino Pulvirenti est a priori anodine. Oui, sauf que dans un langage codé que la mafia ne renierait pas, un « train » est un match arrangé et l’horaire indique le nombre de joueurs corrompus. Forcément, les écoutes téléphoniques divulguées par la police italienne prennent une toute autre ampleur. D’où le surnom donné à la dernière tourmente du Calcio, « treno del gol » (train du but). Cinq rencontres sont suspectées d’avoir illicitement tourné en faveur de Catane pour assurer son maintien en Serie B. Sans compter l’autre cas révélé, Messine-Ischia, à l’étage en-dessous, et en relation avec une autre enquête.
Un nouveau coup de tonnerre qui tombe un mois après une opération une opération appelée « Dirty Soccer » (football sale) qui a mené à 50 arrestations en lien avec 31 matchs truqués, principalement en Lega Pro. Le football italien n’avait plus vu son image autant écornée depuis le Calciopoli – affaire de désignations arbitrales – en 2006. Évidemment, le traitement douteux des médias n’y est pas étranger, mais le Calcio donne le bâton pour se faire battre. Entre le dérapage de Carlo Tavecchio (là encore mal retranscrit), les fameuses écoutes téléphoniques de Claudio Lotito, la gestion toujours aussi catastrophique des problèmes de supporters et l’omniprésence de la corruption, pas étonnant que les stades se vident.
La moitié de la Serie B impliquée
Bien entendu, lorsque ce genre d’affaires éclate, la tendance est de stigmatiser plutôt que de reconnaître le travail des autorités. Si l’Italie est le pays de la mafia, il est surtout le pays de l’antimafia avec le plus de moyens consacrés à la lutte contre la pieuvre. Il en va de même pour la délinquance dans le football, quitte à parfois en faire trop avec une justice sportive éclair contrastant la lenteur civile. Peu importe les donneurs de leçons qui ferment les yeux sur les faits similaires dans leur football. Pour le coup, en moins de deux mois, tout a été déballé par la police italienne.
C’est du côté de Varese que la mèche a été vendue, après que l’association Federbet a repéré un flux anormal de paris sur une victoire de Catane. L’hypothèse d’un réseau de paris clandestins est exclue, pour l’instant. Varese-Catania (0-3), Catania-Trapani (4-1), Latina-Catania (1-2), Catania-Ternana (2-0), Catania-Livorno (1-1) sont « truqués à 100% » selon le procureur de Catane Giovanni Salvi. Même le match à Bologne (promu en Serie A) du 27 avril, perdu 2-0, fait l’objet d’une enquête. Delli Carri parle avec un agent, Piero di Luzio, de la difficulté de corrompre les Felsinei. Si aucun joueur de l’équipe ne figure parmi les 19 personnes inculpées, nous en retrouvons d’autres clubs, comme Alessandro Bernardini (Livourne) Riccardo Fiamozzi (Varese), Antonio Daì (Trapani) et Matteo Bruscagin (Latina). Plusieurs autres dirigeants ou intermédiaires se placent sur le banc des accusés. Ce qui fait dire à Salvi que « le scandale ne s’arrête pas là ». La preuve, le président de la Lazio et conseiller fédéral, Claudio Lotito, apparaît dans l’ordonnance relative à l’enquête, remercié par un dirigeant de Catane « d’avoir en quelque sorte conditionné la victoire 1-0 contre Avellino », d’après La Gazzetta Dello Sport. Chaque jour passé révèle de nouvelles combines : toujours selon le journal rose, Carpi (0-0) est aussi inquiété, puisque là aussi, des paris sur un match nul et vierge ont explosé. Les enquêteurs supputent également une tentative de corruption de deux joueurs de Brescia et des soupçons se portent sur Citadella et Bari.
Les conséquences sportives plausibles
Si les autorités sont aussi convaincues, c’est que certaines écoutes sont des plus explicites. Comme lorsque Daniele Delli Carri se félicite avec Di Luzio : « C’est la première fois que Catane est sauvé après 35 journées ». Gianluca Impellizzeri, considéré comme la garantie financière du système et qui opère dans les paris en ligne, jubile aussi : « […] On va aux play-off, on va aux play-off ! Quatre victoires consécutives ! […] ». Toujours Impellizzeri : « J’ai rechargé encore 1500 euros avec la carte de crédit. Et je n’ai même pas pu les jouer […] Mais vive le sport ! ». « Ils sont idiots, trop faibles. Si on n’y pensait pas nous pour ces cinq matchs… On serait vraiment descendus », conclut-il.
Suffisant pour prédire un sombre avenir au club sicilien. Catane risque « la rétrogradation à la dernière place du classement », affirme Andrea Abodi, le président de la Serie B. De quoi également perturber la saison prochaine, puisqu’un report des championnats est même évoqué en attendant l’avancée de l’enquête. Catane pourrait finir radié, et les autres clubs impliqués devraient aussi écoper de sanctions sportives (retrait de points ?). En cas de culpabilité, Carpi voire Bologne auraient leur montée en Serie A invalidée. Brescia, relégué sportivement de Serie B, pourrait être repêché ou non selon son degré d’implication dans l’affaire. Enfin, la fédération promet de lourdes sanctions aux personnes (joueurs compris) ayant « omis de dénoncer un délit ». En théorie, les principaux concernés vont passer par la case prison. Toutefois, l’avocat du président Pulvirenti annonce déjà la couleur de la défense : « J’ai constaté des divergences entre l’ordonnance et les accusations, par exemple, il n’existe aucune preuve sur le versement d’argent de l’agent Arbotti aux joueurs » .
Le Codacons (l’UFC italien) lance une action en justice pour rembourser tous les supporters floués (spectateurs, parieurs, etc.). Les tifosi de Catane sont bien sûr les premiers touchés par les magouilles de leurs dirigeants. Ils se sont réunis une première fois jeudi pour manifester leur colère Piazza Dante, alors qu’un nouveau rassemblement a eu lieu ce samedi. Communiqués, banderoles, ils protestent impuissants. Mais il parait que ce sont eux « la ruine du Calcio »…