Dans notre rubrique On Tour, nous vous avons fait découvrir des stades et des équipes des quatre coins du globe. Mais pour la première fois, nous allons vous faire vivre de l’intérieur un match de Bundesliga. Et quoi de mieux pour débuter que le « derby des Borussia » entre Mönchengladbach et Dortmund, le tout vu du Gästeblock, au milieu des 6000 fans du BVB. Récit.
11 h 37 : le train en provenance de Dortmund et à direction de Mönchengladbach entre en gare de Bochum. Sur le quai, impossible d’échapper à ce qui apparaît comme une évidence : ce samedi, c’est jour de match. Les écharpes et les maillots de Mönchengladbach et Dortmund sont présents partout. Bienvenue dans la Westphalie, une région qui respire le football. Il faut dire qu’il y a de quoi faire : Mönchengladbach, Leverkusen, Cologne, Dortmund, Schalke 04, Paderborn, si l’on ne compte que ceux évoluant au plus haut échelon national.
Une rivalité plus historique que géographique
Pas étonnant donc de retrouver parmi ces villes des rivalités tenaces et particulièrement hostiles. Celle qu’entretiennent Gladbach et le BVB n’est pas la plus exacerbée – l’ennemi juré des Fohlen reste Cologne et celui des Schwarzgelben Schalke 04 – mais l’accueil réservé aux fans de Dortmund n’a généralement rien d’une kermesse. Concernant ce match, le mot derby semble cependant un peu galvaudé, la rivalité entre les deux clubs étant plus historique que géographique, notamment depuis une défaite 12-0 du BVB en avril 1978, ce qui reste à l’heure actuelle le plus gros revers de l’histoire de la Bundesliga. C’est d’ailleurs dans les seventies – lorsque le club dominait le football allemand – que Mönchengladbach acquiert son surnom de Fohlen (poulain en Français), sobriquet utilisé pour la première fois par l’entraîneur de l’équipe, Hennes Weisweiler en raison du rythme élevé et de la vitesse du jeu pratiqué par ses joueurs.
Comme pour tous les matchs du BVB hors du Westfalenstadion, le parcage visiteur affiche complet, 6000 fans effectuent le cours déplacement pour rallier le Niederrhein. Un chiffre qui peut paraître insensé, mais qui n’est rien comparé aux 20000 Schwarzgelben (surnom du Borussia Dortmund, qui signifie jaunes et noirs, les couleurs traditionnelles du club de la Ruhr) qui avaient envahi le Borussia-Park il y a quatre ans. Les dirigeants de Gladbach ont retenu la leçon, et depuis, les fans du BVB ne peuvent pas acheter un billet en dehors du parcage qui leur est réservé. Les mauvais résultats du Borussia Dortmund cette saison n’ont en rien affecté le soutien inconditionnel des fans.
L’invasion jaune et noire au Borussia-Park en 2011
Après un transit en Regio, train régional envahi de supporters tenant une canette de bière (les deux font la paire outre-Rhin), la fin du trajet s’effectue en bus pour atteindre le stade qui se trouve au beau milieu d’un terrain vague, hormis quelques Biergarten et un terrain de hockey sur gazon. Les supporters des deux équipes sont logés à la même enseigne, sans aucun débordement. Quelques « BVB Huhrensohne ! » (BVB fils de p…) se font malgré tout entendre, les Fohlen sont en supériorité numérique, et ils en profitent.
On se faufile comme on peut, pour atteindre le Stehplatz Gäste, les deux blocks en places debout réservés au BVB. Le match approche peu à peu et le Borussia-Park se remplit à vu d’œil. Comme souvent du côté de Gladbach, les 54010 sièges ont trouvé preneur. Côté visiteurs, les visages sont crispés. Comme le fait remarquer un fan du BVB, « On a pas le droit au faux pas si on veut accrocher une place en Ligue Europa ! Mais bon, c’est une perspective qui paraissait impossible cet hiver, quand on était dans la zone de relégation ».
Le BVB continue à trainer son spleen
Elf vom Niederrhein, l’hymne des Poulains, accompagne l’entrée des joueurs dans une ambiance magnifique. Le Gästeblock donne lui aussi de la voix, le Heja BVB résonne avec une intensité rare dans les travées du Borussia-Park. Les locaux débutent le match à deux cent à l’heure, et il ne faut que 28 secondes à Wendt pour ouvrir le score, sous les yeux d’un parcage visiteur médusé. Le BVB ne pouvait pas rêver pire début de match, et se voit mené au score après quelques secondes. C’est également le temps qu’il va falloir aux fans des jaunes et noirs pour se remettre de ce but, les chants reprennent avec intensité, tout le répertoire y passe, notamment le : « Forza BVB, Schwarz und Gelb olé, ich hab mein Leben dir vermacht, jeden Tag und jede Nacht ». (Forza BVB, jaune et noir olé, je t’ai consacré ma vie, chaque jour et chaque nuit.)
Mais rien n’y fait, ce début de match est symptomatique de la saison des hommes de Jürgen Klopp, qui monopolise la chique sans pour autant se montrer dangereux. M’Gladbach évolue en contre et peu avant la demi-heure de jeu, Raffael vient doubler la mise. L’avant-garde des Fohlen se fait plaisir comme un ours au salon du miel face à une défense du BVB absente.
Dortmund n’a pas gagné une seule fois au Borussia-Park depuis que Lucien Favre entraîne Gladbach, et les supporters l’ont compris, ce n’est pas cet après-midi que le club de la Ruhr va rompre le mauvais sort. À défaut de voir une réaction de leur équipe, les groupes ultras, emmenés par The Unity, continuent de mettre leurs cordes vocales à rudes épreuves.
Après un passage aux toilettes pour évacuer les litres de bières engloutis avant le match, la seconde mi-temps débute par une domination éphémère du BVB. Les chants reprennent, les drapeaux s’agitent, le Gästeblock s’égosille et les « Scheiss Borussia Mönchegladbach, denn du bist ein scheiß Verein ! » entraînent une réponse immédiate de la Nordkurve sous le slogan « BVB Huhrensöhne ». Sur la pelouse, le BVB boit la tasse quand Nordtveit triple la mise sur corner. De nouveau, le Gästeblock se tait, sonné, K.O debout, le score commence à être sévère. Mais hors de question de s’avouer vaincus, les fans ne renoncent jamais et se remettent très vite à crier leur amour au club de la Ruhr.
À l’entame du dernier quart d’heure, Gündogan réduit le score, un but qui ne réveille pas pour autant le Gästeblock . Les supporters du BVB ne sont pas dupes, la supériorité de M’Gladbach est évidente sur cette rencontre, marquer deux buts en dix minutes n’effleure pas l’esprit de grand monde. Les chants se poursuivent, mais le cœur n’y est plus, la puissance des 6000 cordes vocales du début de match laisse place à celle des quelques irréductibles qui ne cesseront de s’égosiller qu’à la fin de la rencontre. L’ambiance survoltée du coup d’envoi laisse place à des regards vides, des mines déconfites et même de la frustration lorsqu’Immobile, à peine rentré, oublie ses partenaires et envoi deux pralines en tribune.
La Coupe d’Allemagne pour sécher ses larmes
Le coup de sifflet retenti – enfin – et vient mettre un terme à un calvaire qui aura duré 90 minutes pour le BVB. Les fans Schwarzgelben s’époumonent une ultime fois en entonnant «und wenn du das spiel verlierst ganz unten stehst dann steh’n wir hier und sing’ borussia – borussia bvb! » (Et lorsque tu perds le match, que tu te retrouves tout en bas, alors nous nous tenons là et chantons Borussia, Borussia BVB !) un chant qui sonne comme message très clair : dans la victoire comme la défaite, Dortmund pourra toujours compter sur son public.
Dans le bus qui ramène les supporters jusqu’à la ville de Mönchengladbach, la différence est saisissante : l’air abattu des fans du BVB contraste avec le sourire qui se lit sur le visage des fans des Fohlen. Ils l’ont bien compris, avec cette victoire, leur équipe de cœur à un pied et quatre orteils en Ligue des Champions.
Un supporter de Gladbach glisse alors quelques mots à un Dortmunder, « Bonne chance pour la demi-finale de Pokal face au Bayern Munich ». Le constat de ce supporter est lucide. Désormais, le moyen le plus crédible pour se qualifier en Europa League, c’est la Coupe d’Allemagne. Pour ce faire, il faudra croiser le fer avec l’ogre bavarois dans son antre de l’Allianz Arena. Un stade qui a déjà réussi au BVB par le passé.
Et au final, le BVB c’est qualifié face au Bayern et peut encore rêver d’une saison européenne l’année prochaine. Cela sera bien nécessaire pour espérer garder leurs meilleurs joueurs. Un match très bien raconté dans cet article.
Bonne continuation.