Le Sporting Club de Bastia s’est qualifié ce mercredi au bout du suspense (0-0) après la séance de tirs aux buts en finale de la Coupe de la Ligue où il retrouvera le PSG. Récit d’un exploit rendu possible par un incroyable soutien populaire dont nous étions témoins.
Depuis de nombreuses années, la Coupe de la Ligue est critiquée, snobée même par de nombreux clubs. Certains demandent à tort ou à raison sa suppression. Pourtant, elle peut offrir de belles scènes et de beaux décors. Ce fut le cas mercredi soir.
Invasion turchina
C’est l’histoire de 3000 bleus, venus des quatre coins de la Corse et du continent en bus, avion ou bateau pour la plupart de Bastia, qui se réunissent autour d’une même cause, d’un même idéal, d’une même passion. En croisade pour « faire exploser le Rocher en 1000 morceaux », comme le souhaitait Ghislain Printant.
Le décor est planté. Car cette demi-finale entre Monaco et Bastia dépasse largement le simple cadre d’une rencontre de football. C’est avant tout la Corse contre le continent. Ou plutôt la Corse contre les Russes. La passion contre le business serait t-on tenté d’ajouter. Une vraie croisade, on vous dit.
Une heure et demie avant le début de la rencontre, le parcage bastiais se remplit au fur et à mesure de l’arrivée progressive des 24 cars réquisitionnés pour faire transiter tout ce beau monde, sans compter les supporters s’y rendant par leurs propres moyens. Le plus gros contingent des 3000 turchini attendus est arrivé le matin même de Bastia, en ferry dans une ambiance invraisemblable. Fumigènes, drapeaux, chants, tout y est pour transformer en quelques minutes le bateau en mini Furiani, pour ce qui reste comme à chaque fois l’image forte du déplacement.
Côté terrain, les joueurs bastiais sont acclamés à leur entrée pour tâter le terrain puis un peu plus tard lors de leur échauffement. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour comprendre que cette soirée allait être animée exclusivement par le parcage visiteurs, d’autant plus que les ultras monégasques étaient en grève pour cette rencontre. Les joueurs de la Principauté sont raccompagnés par une énorme bronca à leur retour aux vestiaires. C’est confirmé, ce soir – même si le décor change – le Sporting jouera bien à domicile.
Le coup d’envoi approche. En tribune, les visages se crispent, les cordes vocales s’apprêtent à être mises à rude épreuve. Alors que les joueurs pénètrent sur la pelouse, un magnifique tifo est déployé. Craquage de fumigènes, drapeaux bleu et blanc élevés fièrement avec une inscription claire et équivoque « Per difende i nostri culori in Pariggi, una sola strada : quella di a vittoria » (« Pour défendre nos couleurs à Paris, une seule voie : celle de la victoire »). Tout est en place, Anthony Gautier, l’arbitre de la rencontre peut lâcher les fauves.
Les Lions de Furiani
Sur le terrain, les Bastiais livrent une performance de très haute qualité, surtout en première période. Les occasions de but sont nombreuses, mais toujours un score nul et vierge à la pause. Côté monégasque, une frappe de Berbatov bien détournée par Areola fait trembler le Louis II (vous avez bien lu). Rien d’autre de bien menaçant pour les Corses qui sont bien dans leur match.
La deuxième mi-temps est plus terne, je jeu se fait surtout au milieu de terrain et les ballons propres exploitables offensivement sont peu nombreux si ce n’est à la fin du temps réglementaire avec cinq bonnes minutes d’assaut monégasque sur les buts corses. Mais rien ne sera marqué. Les Bastiais accrochent une prolongation et s’accordent le droit de rêver au moins 30 minutes supplémentaires. Surtout que plus le temps passe, plus les chances de renverser le Rocher augmentent. Grâce notamment au 12ème voire 13ème homme insulaire. Le public pousse fort derrière son équipe, combattive et accrocheuse, sous le regard interloqué des supporters ou spectateurs de l’ASM, étonnés et peu habitués à voir pareille cacophonie.
Tout le répertoire de chants à la gloire du Sporting est religieusement récité. Notamment le « Ssu cantu » particulièrement en rapport avec cet engouement extraordinaire qui a fait déplacer 3000 personnes en pleine semaine : « Ti cont’una storia d’amore chì si pò nasce aiaccinu e esse bastiacciu di core (…) cant’a Corsica simu noi simu noi è solu noi » (« Je vais te raconter une histoire d’amour, qu’on peut naître ajaccien et être bastiais de cœur. Chante la Corse c’est nous, c’est nous et seulement nous »).
Portés par cette vague bleue, les Bastiais repoussent un peu plus loin leurs limites physiques pour décrocher une séance de tirs au but.
Effectuée côté parcage et aussi longue qu’éprouvante pour les cœurs, elle offre finalement l’occasion à Squillaci, après un ultime raté monégasque, d’envoyer le peuple bleu au Stade de France face au PSG. 20 ans après, ce serait la remake de la première finale de cette épreuve. L’histoire ne ment jamais. Même pas le temps au ballon de faire trembler les filets que plusieurs centaines de turchini envahissent le terrain, ivres de joie. Les « on est en finale » claquent, les yeux s’humidifient. Joueurs, supporters et forces de l’ordre ne forment alors plus qu’un dans une ambiance indescriptible.
Retour triomphant
Après avoir salué les héros et être remontés en tribune, les Bastiais quittent le stade. Certains ne seront chez eux que le lendemain matin mais qu’importe. Ils n’ont pas encore fini leur travail. Sur le chemin du retour, les derniers fumigènes restants sont craqués alors que les différents bus communiquent entre eux par klaxons et chants.
Les joueurs, arrivés en pleine nuit à Bastia ont été reçus comme il se doit par un comité garni. Nul doute qu’ils n’auront pas dormi beaucoup cette nuit. C’est pour cela, et alors qu’un match capital pour le maintien contre Metz se profile samedi déjà, que Printant a refusé la requête des joueurs d’accueillir les supporters revenant en bateau ce matin. Preuve que quelque chose de fort s’est vraiment créé.
Malgré l’absence des joueurs, après leur débarquement, des centaines de Bastiais ont défilé dans les rues de la ville pour se réjouir encore un peu de ce véritable exploit.
En finale, le Sporting recroisera le PSG à qui il a plante quatre pions début janvier. Brandao, monsieur Coupe de la Ligue (il en remporté trois) et compatriote de Thiago Motta sera de retour. 30 à 40 000 turchini déferleront sur le Stade de France le 11 avril. Pour une nouvelle croisade.