Un rectangle vert, deux cages, quelques lignes blanches tracées et une tribune. Voilà le foot dans son plus simple appareil. Pourtant, certaines enceintes sont devenues, au fil des années, des lieux qui ont marqué, pour le meilleur et pour le pire, la mémoire des footeux du monde entier. Présentation de cinquante d’entre elles. Aujourd’hui : Medellín, Londres, Buenos Aires, Sheffield et Séville.
35. Estadio Atanasio Girardot, Medellín (Atlético Nacional)
« En plus d’être une icône de la ville, c’est ma seconde maison, où je retrouve mon équipe et mon autre famille, les supporters », explique Andrés, supporter de l’Atlético Nacional de Medellín.
Comme beaucoup de stades hébergeant deux équipes majeures, c’est les jours de clásico – le clásico antioqueño – que l’Atanasio est le plus impressionnant. Une tribune est garnie par les supporters d’Independiente, l’autre par ceux de l’Atlético. Une ferveur locale entre deux des meilleures équipes du pays, qui n’a pas d’égal en Colombie.
34. White Hart Lane, Londres (Tottenham Hotspur)
Un peu dépassé par ses riches voisins Arsenal et Chelsea, Tottenham reste l’une des équipes londoniennes les plus fameuses. Et White Hart Lane, son antre, construite en 1899, est un monument du foot anglais. Connu dans toute l’Europe pour son ambiance, malgré le spectacle parfois peu reluisant sur le terrain. Preuve de la fidélité des supporters Spurs : cette saison, White Hart Lane affiche un taux de remplissage moyen proche de 99%, le quatrième d’Angleterre. Mais le stade va bientôt être détruit pour un nouveau, plus grand, plus cher, plus moderne. Qui cédera probablement à la tentation du naming. Mais au moins, pas de craintes à avoir : aucun risque que le futur stade flambant neuf sonne creux.
33. Viejo Gasómetro, Buenos Aires (San Lorenzo)
Le Viejo Gasómetro, c’est une histoire unique dans le football mondial. Celle d’un club dépossédé de son stade qui tente, quarante ans après, de le reconstruire à l’emplacement où il se trouvait. L’ancienne arène du club argentin de San Lorenzo a en effet été détruite pendant la dictature militaire, qui voulait regrouper plusieurs des nombreux stades de Buenos Aires à un seul endroit. En 1979, le club joue son dernier match au Gasómetro, qui tenait son nom de sa ressemblance avec un silo de gaz. En 1981, le stade est détruit et le terrain acquis par la chaîne de supermarchés Carrefour.
Alors que les Cuervos jouent depuis 1994 dans un nouveau stade, leur rêve de retrouver leurs terres ne s’est jamais éteint. Il est maintenant en marche. Le président du club, le magnat des médias Marcelo Tinelli, veut racheter à Carrefour l’emplacement de l’ancien stade pour que le club retrouve enfin ses terres.
32. Hillsborough, Sheffield (Sheffield Wednesday FC)
96 morts, 766 blessés. C’est le bilan cru de la tragédie de Hillsborough, le 15 avril 1989. Lors d’une demi-finale de Coupe d’Angleterre entre Liverpool et Nottingham Forest, un mouvement de foule écrase des centaines de supporters Reds contre les grillages. C’est plus de vingt ans plus tard qu’on apprendra le rôle désastreux des forces de l’ordre dans ce drame.
Mais dans l’Angleterre conservatrice dirigée par Margaret Thatcher, cette tragédie, quatre ans après celle du Heysel, est le point de départ de la « sécurisation » des stades anglais prônée par le rapport Taylor. Les places debout des tribunes populaires disparaîtront peu à peu. Les prix des billets augmenteront, en même temps que les équipes anglaises commenceront à s’enrichir pour devenir les machines qu’elles sont aujourd’hui. Comme l’illustre inconnu Jean-Marc Bosman a changé la face du foot européen, le modeste stade de Hillsborough a profondément transformé le foot anglais.
31. Estadio Ramón Sánchez Pizjuán, Séville (FC Séville)
C’est à Séville qu’un soir de 1982, s’est jouée une rencontre qui reste, plus de trente ans après, dans les mémoires de tout un pays. Ce soir-là, cinquante millions de Français ont éprouvé, devant leur télé ou leur poste, des sentiments qu’ils n’auraient jamais cru éprouver devant une rencontre sportive.
La France a vibré à l’unisson derrière Platini, Giresse, Tigana, Bats, Six, Trésor. Elle a été grisée par une victoire qui semblait se dessiner lors des prolongations. Puis rattrapée et dépassée au finish, de la plus cruelle des manières, par des Allemands increvables. Elle s’est surprise à réveiller ses instincts les plus bas en haïssant profondément l’arbitre néerlandais Charles Corver. Elle a découvert que ce sport n’est pas qu’un jeu, et qu’il pouvait être parfois d’une terrible injustice. Au stade Sánchez Pizjuán de Séville, la France a découvert ce qu’était le foot. Elle l’oubliera seize ans plus tard, le 12 juillet 1998 exactement.