Son anglais n’a rien à envier aux natifs des États-Unis. Lorsque Simon Sebbah se présente face à notre micro, détendu et sourire aux lèvres, une sérénité implacable se dégage de la salle de presse du club de Dallas Sidekiks. Comme si, depuis son plus jeune âge, le milieu de terrain français de 27 ans était conditionné à devenir footballeur professionnel. Pourtant, rien ne prédisait l’enfant de la capitale à vivre le fameux « American Dream » (rêve américain). De Paris au Texas, voici l’itinéraire d’un homme à la persévérance exemplaire qui, dans la vie comme sur le terrain, ne laisse aucune place au hasard.
Allen, au nord du Texas, dans la banlieue de Dallas. Parmi ses rêves les plus fous, Simon Sebbah ne pouvait certainement pas imaginer un seul instant se retrouver un jour devant l’Allen Center, l’arène des Vert et Blanc des Sidekicks de Dallas. Il vient pourtant de signer son premier contrat professionnel dans une équipe de Major Arena Soccer League, division la plus importante d’Indoor Soccer. « Mon parcours est assez atypique mais oui, je suis footballeur professionnel. Aujourd’hui je peux le dire, j’ai réalisé un rêve. Mon rêve ! » Si de nombreux enfants du coin s’émerveillent à la simple évocation du Paris Saint-Germain, les chemins apparaissent souvent bien plus délicats quand il s’agit de toucher du bout des doigts une carrière professionnelle, en Europe ou ailleurs…
Comme des milliers de jeunes franciliens, le ballon rond envoûte rapidement le cœur de Simon. À 5 ans, sa première licence en poche, il interpelle déjà ses entraîneurs de l’époque, au sein de l’Ecole Sportive du 16ème (ES 16) : « J’ai le souvenir d’une parole de mon premier éducateur, il disait que j’étais un chien fou sur le terrain, je courais partout (rires) ! » Courir, encore, toujours. Se dépenser sans compter, Simon Sebbah n’a pas beaucoup changé en traversant l’Atlantique. Sur le terrain d’entraînement texan, il n’attire pas franchement les regards à la faveur d’un gabarit imposant, mais plutôt par cette combativité qui continue de le suivre encore aujourd’hui.
À l’époque, ce supporter inconditionnel du Paris Saint-Germain, passe 10 ans à l’ES 16, avant de changer de cap, viser plus haut et mine de rien de se rapprocher de son club de cœur. Il raconte : « À 15 ans, je joue avec l’ACBB (ndlr : Athletic Club de Boulogne-Billancourt), un super club reconnu en région parisienne, même si je ressens à cet instant un peu de frustration de ne pas rejoindre un centre de formation. Les études avant tout, comme m’ont toujours dit mes parents… »
L’arrivée en Californie
Comment se rapprocher alors le plus possible du ballon rond quand on ne peut y caresser le cuir ? Simple. En faisant du journalisme. 3 ans à l’ESJ Paris, pour apprendre les bases de la radio, la TV et celles de la presse écrite. « C’est un monde aussi magnifique que difficile à percer, se souvient-il. Il y a beaucoup de concurrence. J’y ai rencontré de belles personnes, j’ai pu réaliser des stages au sein de chaînes prestigieuses comme Canal+. Mais rien ne vaut l’excitation du terrain, d’ailleurs j’ai poursuivi, pendant mes études, à l’ES 16 et j’ai pu disputer quelques matchs de Coupe de France. Ces années restent inoubliables. »
En France, un étudiant est souvent apprécié par sa volonté, son sens du sacrifice. Il manque toutefois quelque chose à Simon d’indispensable pour réussir. L’anglais. En 2014, direction la côte ouest des États-Unis et la cité somptueuse de Santa-Barbara pour intégrer une université américaine classique. « Quand je quitte la France, je suis censé rester une seule année aux USA. Le destin en a décidé autrement ! », se marre-t-il.
A son arrivée, Simon repère rapidement au fond de sa salle de classe le terrain de soccer qui offre une vue merveilleuse sur la mer. :« Ce qui frappe en arrivant, c’est la culture sportive ici. Le sport est une institution. Il est aussi important que les études ou la culture par exemple. » Le « tryout », autrement dit, essai, se veut concluant et le milieu de terrain se joint à l’équipe universitaire de Santa Barbara City College. « Quand tu arrives de France, tu as envie de représenter ton pays quelque part. J’étais le petit français, j’avais ce souhait en moi de prouver », admet-il.
Texas et retour en France
Une première saison rondement menée avec une place de titulaire décrochée dans le onze californien. Lors de l’année suivante, Simon Sebbah prend presque naturellement le brassard de capitaine autour du bras, dispute l’intégralité des rencontres et emmène son équipe jusqu’aux play-offs. Son nom commence alors à circuler dans le pays du soccer… « La chance qu’on a ici, rajoute le Parisien de naissance, c’est d’avoir nos matchs retransmis en direct, en plus des nombreux supporters qui viennent au stade. C’était nouveau pour moi. En France, il faut attendre d’être en 3ème division pour voir des supporters venir t’encourager… »
Suite à cette saison prolifique, des offres de nouvelles universités se succèdent pour alterner football et études. Hawaï et San Francisco sont notamment intéressés. Simon décide de dire oui au Texas. Welcome donc à la West Texas A&M University, club de deuxième division universitaire NCAA !
Loin des plages somptueuses californiennes, la ville d’Amarillo va faire connaissance avec son nouveau numéro 6. Mais l’adaptation est plus difficile, une première blessure à la cuisse lors de son arrivée, une préparation tronquée et un nouvel environnement contraignent Simon à ralentir sa progression. Il réussit tout de même par revenir une première fois mais lors de la saison suivante, une blessure au 5ème métatarse l’éloigne des terrains pendant 6 mois. « C’est une énorme déception car je me sentais bien physiquement. Au même instant de gros problèmes familiaux m’ont contraint à rentrer en France et mettre quelques mois ma carrière de côté. Ce n’est pas simple à vivre mais ça forge un caractère aussi », lance-t-il.
Sa force de caractère, Simon la puise auprès des siens et dans sa capacité à ne jamais rien lâcher. A son retour pour la « spring season », il est nommé capitaine de l’équipe puis aligné dans le onze type de la conférence. Mister Sebbah termine là sa carrière universitaire.
« Devenir professionnel, la fierté de toute une vie »
Avec ses qualités de récupérateur, l’homme aux trois poumons aurait certainement pu évoluer en MLS, mais son âge (27 ans) l’oblige à revoir ses plans. Vient alors l’idée du football indoor. Un essai avec les Sidekiks, et une proposition de contrat de 3 saisons plus tard, voilà Simon Sebbah devenu professionnel. Positionné en défense dans un format 6 vs 6, les dimensions et les règles sont similaires à celles du hockey sur glace.
Et il ne rejoint pas n’importe quelle équipe puisque les Dallas Sidekicks ont remporté cinq titres de conférence et quatre championnats différents dont la World Indoor Soccer League en 2001. « C’est un autre football c’est vrai, reconnait-il, mais à mon âge c’était la seule manière pour moi d’avoir un statut de joueur professionnel »
Certes, Simon Sebbah n’évolue plus dans une équipe de football classique. Mais après tout, vivre le rêve américain n’a rien de classique non plus. Le milieu français continue sa route en plein Texas. La classe à Dallas quoi…
Jordan Abecassis