Le rôle social que peut jouer le mouvement ultra et ses groupes de supporters est trop souvent oublié. Rencontre avec deux artistes caennais membres du Malherbe Normandy Kop, Spag et Sebuk, qui se sont rendus pendant un mois à Jakarta en Indonésie pour peindre des fresques sur les murs des habitants dans un quartier défavorisé. Un projet que les Outsiders Krew, le nom de leur groupe artistique, ont baptisé « Share The Word ». Prochain lieu de pèlerinage ce lundi : Nairobi au Kenya.
Le projet « Share The Word » voit le jour en août 2013 quand deux caennais, membres du Malherbe Normandy Kop, principal groupe du supporters du Stade Malherbe Caen, prennent leurs valises direction Jakarta en Indonésie pour 3 semaines. Eux, ce sont Spag et Sebuk, passionnés depuis la fin des années 90 et dans leur dixième année en tant qu’encartés au MNK. Le premier, Spag, a 26 ans et est photographe du Malherbe Normandy Kop. Le second, Sebuk vice-président du groupe, a quant à lui 25 ans. Sous l’appellation d’Outsiders Krew, les deux amis tentent de peindre une autre image des zones pauvres dans le monde entier. Le premier fut Kampung Bayur, un quartier modeste coincé entre deux rivières polluées à Jakarta-Est, un lieu oublié par le reste de la ville où même la police n’ose pas s’aventurer. « En arrivant, on avait une sensation assez étrange. Ça puait énormément, les gens brûlaient leurs déchets mais étrangement ce lieu nous paraissait paisible comme un village dans une énorme ville. Nous avons tout de suite pris contact avec les habitants pour leur demander, à ceux qui le souhaitaient bien sûr, de nous donner un mot qui leur tenait à cœur pour qu’on puisse le peindre sur la façade de leur habitation. Ensuite, avec ce mot on fait tout à notre sauce, couleurs, police etc… C’était freestyle et sans croquis, un sacré challenge ! », nous confie Sebuk. « Au départ, il y avait un peu de réticence de la part de la population locale. Mais pas dans le mauvais sens du terme. Ils étaient surtout surpris de voir notre démarche mais une fois qu’ils ont vu la première fresque les gens étaient très demandeurs », poursuit Spag.
Un défi de taille donc pour nos baroudeurs mais parfaitement relevé et auto-financé par les deux artistes normands. En plus du rôle social, il y a aussi un rôle éducatif. L’autre but du projet est d’inspirer les enfants de ces quartiers délaissés en les faisant participer aux réalisations des fresques. Ces derniers n’ont pas d’arts plastiques à l’école en Indonésie et le mois d’août tombait à pic pendant les vacances scolaires pour leur offrir des livres, des craies et laisser place à leur créativité. Autre découverte : la photographie, en prenant beaucoup de photos avec ces derniers, le binôme a su redonner le sourire à chacun d’entre eux. Sebuk, un brin nostalgique, se souvient : « Ce qui fut le plus marquant c’est qu’à la fin de notre séjour, le quartier était couvert de nos graffitis et de leurs dessins à la craie que nous avons offert aux enfants. Kampung Bayur était complètement transformé ! Je me rappel du premier jour où nous sommes arrivés dans le quartier, on nous regardait bizarrement mais après quelques semaines on faisait partie de la famille comme si on avait toujours été là ». Si son compère se réjouit du résultat, il prône tout de même la continuité : « Notre travail a même attiré l’attention du plus grand journal indonésien. Et d’un coup d’un seul, Kampung Bayur était devenu un endroit cool, on en parlait enfin positivement. Mais le plus important pour nous ce ne sont pas que nos fresques restent à tout jamais, mais surtout que les habitants continuent à être créatifs ». Et le duo ne compte pas s’arrêter là. Prochaine étape : Nairobi au Kenya cette semaine, dans un quartier qu’ils choisiront sur place.
Et le mouvement ultra dans tout cela ?
« Quand on voyait des jeunes faire les cons à la Paillade, on les prenait avec nous pour peindre des drapeaux ». Cette anecdote de Sylvain, responsable de la Butte Paillade 1991 à Montpellier et partagée par d’autres groupes, résume l’essence même du projet « Share The Word ». Et tout une partie de la mentalité ultra trop souvent méconnue.
« Aujourd’hui on est artiste peintre et artiste photographe, c’est notre métier. On n’est jamais passés par une école d’art ou de photographie. C’est vraiment le Malherbe Normandy Kop et la tribune caennaise qui nous a formé. Spag est devenu photographe à l’âge de 16 ans et c’est là qu’il a découvert une vraie passion pour la photo en ayant des responsabilités au sein du groupe. Notre expérience et notre histoire commune sont nées au MNK », se remémore Sebuk.Son acolyte confirme : « On doit vraiment ça au Malherbe Normandy Kop. Ils nous ont responsabilisé pour ma part avec les photos et Sebuk au départ dans la confection de drapeaux, de tifos, de cartes de membres etc. Cela a même débouché sur des responsabilités encore plus importante ensuite avec la peinte de notre local ».
À l’heure ou les ultras sont souvent décriés, Spag et Sebuk comme d’autres nous rappellent leur rôle associatif. Il n’est pas rare de les voir se mobiliser pour la bonne cause. Le problème, c’est que personne n’en parle.
Salut les lads !
Bon séjour au Kenya et allez Malherbe .
Thor aîe !