Les crises économiques favorisent les idées extrémistes, souvent dangereuses pour une société démocratique. L’Espagne n’échappe pas à la règle et subit cette recrudescence des partis d’extrême droite. Le football, si populaire, est au cœur des tensions politiques dans la capitale madrilène. Retour sur la montée de l’extrême droite qui remet en cause la pérennité du mouvement ultra au sein du Real Madrid.
Les Ultras Sur du Real Madrid, principal groupe de supporters, se charge d’animer le Fondo Sur du stade Bernabéu. Apparu au début des années 1980, il traîne derrière lui une réputation sulfureuse avec des membres proches du milieu skinhead, de partis d’extrême droite voire de la mouvance néo-nazie. À l’origine, le groupe est apolitique mais dans une Espagne encore marquée par le franquisme où le régionalisme catalan et basque est ancré dans la société, la politique vient s’immiscer dans les gradins du Bernabéu. Le leader historique, José Luis Ochaíta alias « Ocha » a été pendant de nombreuses années interdit de stade en plus d’être arrêté à Bonn (Allemagne) en 1998 pour avoir brandi une croix gammée. D’autant que le groupe a déjà déployé une bâche sur laquelle les « s » « d’Ultras Sur » reprennent la calligraphie des Waffen-SS Allemands du IIIe Reich (voir photo).
Cependant, les chants racistes et franquistes ainsi que les actes de violence à répétition ne conviennent pas au Real Madrid dont l’image se veut élégante. Il faut dire que les fans font la Une des journaux et les polémiques enflent de l’autre côté des Pyrénées. Lors de la finale de Coupe d’Espagne face au rival du FC Barcelone en 2011, les Ultras Sur ont déployé une bâche célébrant l’anniversaire d’Adolf Hitler. La direction du club décide d’opter pour le dialogue avec les différents protagonistes concluant sur une tribune moins politisée et des actes de violence en nette baisse. Toutefois, cette décision ne convient pas à l’ensemble de la frange des « supporters » Madrilènes . Survient alors un conflit interne pour le contrôle du groupe.
Une scission interne officialisée
Désormais, une guerre interne oppose l’ancienne génération avec notamment Álvaro Cadenas, longtemps numéro deux de « Ocha » au sein des Ultras Sur et les jeunes membres de la « Madrid City Firm« fédérés autour de Antonio Menéndez alias « El niño ». Ces derniers, pour la plupart encartés à des partis d’extrême droite, souhaitent une politisation accrue de la tribune et sont prêts à utiliser la violence pour parvenir à leurs fins. En effet, les hostilités entre les deux factions débutent le samedi 9 novembre lorsque le Real Madrid reçoit la Real Sociedad pour le compte de la treizième journée de championnat. « El niño » s’est présenté au Drakkar (lieu de rassemblement des Ultras Sur) pour s’auto-proclamer leader du groupe entraînant des actes de violence entre les deux noyaux. Cet événement a poussé les actuels dirigeants de l’entité à officialiser la lutte interne. Et à l’heure du match, le secteur des Ultras Sur était quasiment vide du fait de ces tensions. Il est important de préciser aussi l’aspect économique du contrôle du groupe. Un site internet spécialisé a été crée pour le merchandising de produits dérivés (écharpes, t-shirts,livres,…). Entre la vente de ces différents produits et le revenu dégagé grâce à la vente des places octroyées par la direction du Real Madrid, diriger les Ultras Sur reste une activité très lucrative.
Un futur incertain
Les dirigeants du club se mobilisent face à cette escalade de la violence. Ainsi, lors de la rencontre face à Galatasaray au stade Bernabéu, les conditions d’accès à la tribune des Ultras Surs étaient drastiques. Les supporters pouvaient accéder au Fondo Sur en présentant uniquement la carte de membre et d’identité avec pour conséquence la présence de « seulement » 155 ultras. De plus, quatre individus ont été sanctionnés d’une amende de 3000 euros ainsi que d’une interdiction de stade de douze mois pour avoir brandi des croix gammées lors du derby face à l’Atlético Madrid en octobre dernier. Notons qu’en 2010, le groupe de supporter Blood & Honour de l’Atlético a été dissous par le gouvernement en raison d’incitations à la haine, à la violence et à la discrimination. Néanmoins, dans le cas du Real Madrid, les pouvoirs publics ont déconseillé à la direction du club de dissoudre le groupe de peur que ses membres ne deviennent incontrôlables. L’équipe dirigeant, Florentino Pérez en tête de file, souhaite régler le « problème Ultras Sur » le plus rapidement possible. Lors du match opposant le Real Madrid à Olimpc Xativa (Copa del Rey) hier soir, le Fondo Sur a connu son dernier match avec l’organisation actuelle. D’ailleurs, le président des Merengues a décidé de la mise en place de la Grada Joven constituée essentiellement de jeunes fans afin de mettre fin à l’hégémonie des Ultras Sur dans la tribune. Cette mesure prendra effet à partir de janvier 2014 lors de Real Madrid-Celta Vigo et comprendra également un contrôle d’identité à l’entrée.
Alors que le club vient de rentrer en conflit direct avec les Ultras Sur afin d’endiguer la violence, le futur du mouvement ultra dans la capitale espagnole s’écrit en pointillés. Encore une fois, ces différents événements démontrent que la politique et le football ne font pas bon ménage. Dans un cadre bien différent, le président du FC Barcelone Joan Laporta avait décidé de couper les liens avec les Boixos Noi , les supporters catalans les plus virulents après plusieurs débordements. Ce qui lui a valu des menaces de mort. Bon courage, Florentino.