Dixième à quatre points de la sixième place pour sa deuxième saison consécutive de Ligue 1, tout semble aller pour le mieux au Sporting Club de Bastia. Mais semble seulement. Explications.
Bastia est une ville méditerranéenne qui vit pour le foot. Le SCB rassemble tous ces passionnés jusqu’aux quatre coins de l’île. Comme tout endroit où le football est plus qu’un sport, Bastia et la Corse vivent pour le Sporting. Un amour tellement excessif qui peut parfois faire perdre la raison.
Le 8 février, Le SCB s’incline lourdement au Vélodrome face à l’OM devant 600 de ses supporters sans avoir combattu et avoir l’espace d’un instant mis en difficulté une équipe marseillaise alors en plein doute. À Bastia, où tout va plus vite qu’ailleurs, les gens commencent à regarder derrière au classement et parlent même de Ligue 2.
Trois jours plus tard, après une victoire à Toulouse, la première à l’extérieur cette saison, et auréolés de 3 points sur tapis vert (dans cette fameuse affaire du joueur suspendu contre Nantes), une partie des supporters oublient alors leurs doutes d’il y a à peine 72 heures et commencent à parler d’Europe…
Un recrutement estival porteur d’espoir…
Krasic, Boudebouz, Romaric, Squillaci, Modesto, etc. Que des « noms » ont débarqué cet été en Corse. Mais c’est bien connu, ce n’est pas en empilant les stars, qui plus est sur le déclin pour la plupart, que l’on constitue forcément une équipe de qualité. Si certains n’ont pas déçu, d’autres sont, en revanche, entrain de traverser cette saison comme des fantômes. L’exemple le plus criant est bien évidemment celui de Milos Krasic. Arrivé en grande pompe en fin de mercato, accueilli comme une rock star à l’aéroport de Poretta, l’ancien milieu du CSKA Moscou ou de la Juventus ne cesse de décevoir. Fredéric Hantz qui le qualifiait lui-même de « nouveau Rep » après un premier match abouti contre l’OM en septembre doit bien rire (ou pleurer) aujourd’hui de ses propres déclarations.
Si le coach bastiais lui a accordé une confiance aveugle jusqu’en décembre et annonçait qu’il faudrait attendre janvier pour voir « le vrai Krasic », nul doute qu’aujourd’hui, plus personne à Bastia n’espère plus quoi que ce soit d’un joueur qui restera comme un des plus gros flops de ces dix dernières années. Depuis le début de l’année, Krasic joue seulement quelques bouts de matchs par-ci par là voire ne joue pas du tout. Un désaveu terrible pour un joueur censé réincarner la tradition des grands joueurs à Bastia.
Mais avec 14 départs et 11 arrivées cet été, l’effectif a complètement été chamboulé et les joueurs ont dû mettre du temps à trouver les bons automatismes, notamment en attaque, ce qui peut sans doute expliquer le rendement de certaines recrues.
Cet hiver, une nouvelle star a posé ses valises à Bastia. Le club avait besoin d’un attaquant, car déçu des performances de ses joueurs en prêt (Raspentino et Bruno). La solution retenue ? Djibril Cissé, en manque de temps de jeu en Russie.
Encore une fois, de l’embellie et des espoirs fous. Encore une fois, des déceptions. Auteur de seulement un but en 10 apparitions, l’ancien attaquant d’Auxerre ne pèse pas assez dans le jeu comme pouvait laisser espérer son palmarès et sa longue carrière. Le Sporting a par ailleurs publié un communiqué la semaine dernière précisant que son joueur souffrait régulièrement des adducteurs et qu’il tirerait la langue pour se faire soigner à la fin de a saison afin d’aider son équipe à remplir ses objectifs.
Cependant, malgré le tableau noir de nombreuses recrues, de nouvelles têtes ont su s’imposer et justifier leur venues. Squillaci, transfuge d’Arsenal, est la plus grosse satisfaction de cette saison. Il aurait pu ne plus être au niveau après deux saisons à la cave, il n’en est rien. Le Corse d’origine est le patron de la défense bastiaise. Solide, excellent dans les duels, serein, il rassure une défense encore aux abois la saison dernière. À ses côtés, François Modesto, fait lui aussi partie des bonnes pioches du Sporting en compagnie de Drissa Diakité.
Romaric, convainquant en défense centrale -moins au milieu-, et Ryad Boudebouz oscillent entre le bon et le moins bon. Lors du dernier match à Furiani, les supporters turchini ont même déployé une banderole destinée aux dirigeants pour la prochaine campagne de recrutement : « Pour la saison prochaine mieux que des anciennes stars … des Cahuzac ! ». Quant à Bruno et Raspentino, les deux joueurs prêtés (avec option d’achat pour le premier), ils ont vécu une saison contrastée. Mis au placard à tour de rôle, ils retrouvent la confiance progressivement. Ils ont même inscrit chacun un but contre Reims il y a deux semaines.
Des performances à l’extérieur pas à la hauteur
Cela ne vous aura pas échappé si vous êtes un suiveur attentif de la Ligue 1 : le Sporting a les pires difficultés à l’extérieur cette saison. Septième du classement à domicile devant, notamment, l’OM ou l’OL, le SCB a en revanche les pires difficultés à faire un résultat hors de ses bases avec 9 défaites en 16 déplacements, ce qui fait de Bastia la 18ème équipe à l’extérieur.
Plus que les défaites, c’est la manière qui agace le plus les supporters. L’impression que les joueurs se déplacent déjà défaitistes, sans réelle motivation ni engagement sur le terrain. Certains avouent même un relâchement lors des déplacements après une victoire à domicile. « Peut-être qu’on se repose trop sur nos lauriers à l’extérieur après avoir gagné à la maison », avance Julien Sablé. Ces contre-performances, la dernière en date à Rennes (défaite 3-0) ont le don d’agacer Frédéric Hantz jusque-là assez patient et confiant : « Ce match est dans la continuité de notre saison malheureusement. On bat Reims dans un match très important la semaine passée et une semaine plus tard, c’est quasiment le néant. C’est difficile à comprendre, à analyser et à faire évoluer. C’est surtout un problème mental, d’engagement. C’est une déception… C’est agaçant ! ».
Dans ces conditions-là, difficile d’enchaîner les bons résultats et de viser très haut dans ce championnat.
L’autre gros motif d’agacement chez les supporters cette saison est le manque de combativité flagrant montré lors de certains matchs très importants pour les « accaniti turchini ». L’OM, Monaco, le PSG, Saint-Etienne, autant de rencontres où le Sporting est passé à côté, en termes de résultat mais aussi sur la forme.
Aussi, si la saison dernière, le jeu déployé par les Bastiais était agréable à voir, la donne n’est plus la même cette saison. Les Thauvin, Rothen ou Modeste sont partis et les recrues ont mis du temps à trouver les bons automatismes si ce n’est encore fait. Ajoutez à dela un Khazri moins fringuant et vous obtenez une équipe en difficulté dès qu’il s’agit de faire le jeu. Ainsi, le Sporting gagne souvent ses matchs péniblement à domicile 1-0. Et on ne parle même pas du contenu des rencontres loin d’Armand-Cesari…
Trop d’ambitions ou trop de pragmatisme ?
À Bastia plus qu’ailleurs, tout va plus vite. Dans le bon sens comme dans le mauvais. Quand les Krasic, Boudebouz ou Squillaci ont débarqué cet été, nombreux ont été ceux à parler d’Europe dès cette année. Un doux euphémisme quand on connaît les difficultés d’une seconde année en Ligue 1 et les perturbations à l’intersaison. Mais un objectif pas si éloigné de la réalité que cela. En effet, même si cela ne reflète pas souvent la réalité du terrain, il n’est pas totalement fou d’annoncer que, en se basant sur l’effectif, le club pourrait jouer le top 8 voire plus en cas de malentendu.
Si au début de saison et tout au long de cette année, les joueurs et les dirigeants ne cessent de marteler que l’objectif principal est le maintien, Frédéric Hantz a annoncé début janvier qu’il se fixait comme objectif de terminer dans la première partie de tableau. Un objectif plus à la hauteur des ambitions des supporters.
En début de saison, le club a présenté un nouveau projet intitulé « A Corsica Vince » ( « La Corse qui gagne » ) étalé sur cinq ans. Sur le plan sportif, il a pour but de pérenniser le SCB en Ligue 1, en retrouvant l’Europe d’ici cinq ans. Sur le plan économique, le budget doit passer de 23M€ à 30M€. Enfin, la maison bleue veut devenir une vraie locomotive économique de la région.
Si la saison du Sporting n’est pas fondamentalement mauvaise et est même satisfaisante d’un point de vue comptable, elle l’est moins lorsque l’on regarde de plus près le recrutement effectué, les nombreux matchs sans ou les difficultés à l’extérieur. Mais qui sait, là ou plus qu’ailleurs tout évolue très vite, si le constat sera toujours le même en fin de saison ?