Le match entre la Salernitana et la Nocerina a dépassé les frontières italiennes. Cette affiche de Lega Pro (troisième division) a été arrêtée au bout d’une vingtaine de minutes de jeu en raison de « menaces de mort ». Suffisant pour de nombreux médias pour noircir le tableau et se payer une nouvelle fois la tête des ultras.
Dimanche 10 novembre 2013. Alors que l’Italie a les yeux rivés sur le truculent Juve-Napoli, une partie de la Campanie attend une autre opposition explosive. Le derby entre les clubs de Salerno et de Nocera Inferiore. Les tribunes italiennes sont les plus touchées par la répression. Ainsi, pour la première fois, tous les tifosi nocerini sont interdits de déplacement. Absolument tous, même ceux munis de la sacrosainte tessera del tifoso. Du jamais vu, y compris lors des réceptions de tifoserie plus « à risque » du Napoli ou de l’Hellas au stade Arechi. Laissons de côté la violation d’une liberté individuelle sans véritable motif. Non, ce qui nous intéresse aujourd’hui ce sont les raisons pour lesquelles ce match occupe les gros titres. Les ultras de la Nocerina ont donc demandé à leurs joueurs de ne pas jouer en signe de soutien. Compliqué, sachant que cela équivaut à un match perdu.
La manifestation s’est déroulée au moment du départ des joueurs en bus avec des chants tels que « Sans nous, ne jouez pas ! ». Cette violence inouïe n’est prouvée que par une vidéo pour l’instant (voir ci-dessus), bien loin des menaces de morts, de mafia et de toutes les bêtises que l’on peut lire sur Internet…À croire certains articles (y compris en France), repris sans vérification journalistique d’usage, les ultras seraient au mieux des barras bravas au pire des terroristes. Reste qu’absolument « rien de tel » ne s’est produit au San Severino Park Hotel, confirme un témoin qui souhaite conserver l’anonymat. Le communiqué de la Curva Sud évoque lui « la requête d’un geste fort aux répercutions nationales ». Le second point erroné, repris par beaucoup, fait état de pressions de Nocerini aux alentours du stade avant et après la « rencontre ». Faux. C’est en réalité des supporters de la Salernitana qui protestent contre la tessera del tifoso. Pas un seul partisan rossonero n’a fait le déplacement suite à l’interdiction. Si le club (dont les dirigeants ont tous démissionné) annonce avoir dû convaincre les joueurs de sortir du bus, ce n’est certainement pas par peur de représailles. Idem pour les t-shirts « Respect pour Nocera » arborés plutôt fièrement par les hommes de Gaetano Fontana.
L’Italie s’enfonce (encore) dans le ridicule
Sur le terrain, la scène a désormais circulé et ridiculisé l’Italie de partout. Dès la première minute de jeu, 3 visiteurs demandent à sortir et épuisent le quota de remplacements. « Apeurés », parait-il. À titre personnel, j’aurais sans doute été surtout effrayé par les tifosi de l’équipe granata fous de rage que par des ultras absents. La mascarade continue jusqu’à la 21e minute ou 5 autres nocerini sont tombés comme des mouches. La victoire par forfait est attribuée à la Salernitana sous la bronca. A noter que les ultras de la Nocerina ont passé un message via un avion de tourisme pendant la rencontre avec une banderole : « Rispetto X Nocera e gli ultras » (Respect pour Nocera et les ultras).
Un joli pied de nez aux autorités sans haine ni violence. Antonio De Iesu, le responsable de l’antenne locale du ministère de l’Intérieur ne l’interprète pas de la même manière. Si le football est malade en Italie, ce n’est pas que la faute de ceux qui tentent de lutter contre le football business et les dérives de ses dirigeants. En témoigne la sortie ahurissante du « Questore » de Salerno : « Nous allons immédiatement proclamer un daspo [interdiction de stade] à celui qui a dirigé l’avion avec le message en faveur des ultras ». C’est officiel, l’Italie n’est plus une démocratie. Honte aux ultras, vraiment ? La bonne nouvelle, c’est qu’il écarte tout de même la thèse de la tifoseria noyautée par la mafia. Allez dire ça à certains confrères. Là où le club touche le fond, c’est lorsque le directeur sportif explique que les nombreuses blessures en 20 minutes sont liées au fait que les joueurs n’ont pas pu s’échauffer. Antonio De Iesu affirme détenir les preuves des menaces lors du départ du bus. Les auditions s’enchaînent depuis hier après-midi, rien n’a filtré dans un pays où les fuites judiciaires dans la presse sont pourtant courantes. Une vingtaine de tifosi restés à Nocera ont écopé d’un daspo. Une photo montrant un rassemblement supporters-joueurs devant l’hôtel est étalée en preuve dans tous les médias italiens. Pas très accablant.
Renommé par la presse le « derby de la honte », le responsable est peut-être ailleurs. Claudio Lotito le propriétaire de la Salernitana (et président de la Lazio) rappelle l’évidence : « Il y a avait un besoin de prévenir et d’envoyer les deux équipes dans une poule différente [lors de la refonte des championnats]. C’est comme faire jouer un match entre Israël et la Palestine ». Tout est dit.
Excellent papier, comme toujours !
Bravo, la Grinta, continuez !
Bravo.
Avez-vous des infos sur le président de la Nocerina ?