86 buts marqués, 42 buts encaissés et une différence qui s’ajuste à +44. Dans le contexte du début des années 2000 et au sein des cinq « grands championnats » aucune équipe n’a marqué autant de buts. Le Real Madrid qui trône en tête de la Liga en 2002-2003 s’est fondé sur un déséquilibre offensif assumé. Alors que Florentino Perez a pris la présidence du club depuis 3 ans, Vicente Del Bosque qui l’accompagne, a la charge de remporter tous les titres, en proposant un jeu attractif et efficace tout en réussissant à harmoniser les egos de chacun des grands joueurs de l’effectif. Si le Real Madrid remporte un championnat dès l’année 2001 et une Ligue des champions en 2002, c’est peut-être l’année 2003 qui marque l’apogée dans le jeu d’une équipe unique à l’époque.
« Il n’y a aucune différence entre un bon manager et un bon entraîneur. L’un ne va pas sans l’autre. Pour être un bon entraîneur, il faut savoir gérer les relations humaines aussi bien que la stratégie« , dit Vicente Del Bosque. Si La Grinta ne donnera pas de clés concernant le management de Del Bosque, nous avons utilisé les nombreuses images des grands matchs de cette saison pour tenter de comprendre le cadre tactique qui animait cette équipe constituée d’immenses individualités. Quelles étaient les consignes fortes ? Quelles formes prenaient l’animation offensive et défensive ? Images et vidéos à l’appui on tente d’y répondre.
Note au lecteur : Etant donné que nous sommes dans l’analyse de matchs assez anciens, la qualité de la vidéo et donc des images sélectionnées n’est pas toujours optimale. Merci pour votre clémence. Remercions tout de suite le support footballia.net (et YouTube ici) sans qui rien ne serait possible. Les photos proviennent de l’agence Iconsport. Cet article est dédié à Alexandre Haddad. Mille mercis.
COMPOSITION ET ANIMATION REAL MADRID
Précisons-le d’entrée, Vicente Del Bosque dispose d’un effectif hors du commun pour l’époque. L’arrivée du Brésilien Ronaldo est le transfert marquant de l’été en Europe. Il suffit d’analyser les joueurs utilisés par l’entraîneur espagnol aux côtés de Makélélé dans ce 4-2-3-1 pour le confirmer : si Flavio Conceiçao est à l’image, José María Gutiérrez Hernández dit Guti, Esteban Cambiasso ou Steve McManaman ont su le suppléer à merveille. Fernando Morientes n’est pas encore parti à Monaco. Malgré ses titularisations très rares il parvient à marquer 5 buts dans ce championnat 2002-2003. Pour étayer l’effectif dessiné à l’époque, signalons la présence de jeunes joueurs issus de la Cantera qui accompagnent les joueurs de renom durant toute la saison. Pavon, Portillo, par exemple, participent à leur manière aux bons résultats de l’équipe. Enfin, signalons que le 4-2-3-1 n’est pas l’unique système utilisé par Del Bosque durant la saison. Le 4-4-2 à plat est un recours régulier par exemple.
LE REAL MADRID EN PHASE OFFENSIVE : UN CADRE MINIMALISTE POUR UNE LIBERTÉ MAXIMALE
RÉSUME VIDÉO ICI
Aujourd’hui, les recherches et le développement du jeu de position et de ses déclinaisons semblent donner la possibilité d’établir un cadre clair et cohérent permettant l’expression d’un jeu léché, fluide même avec des joueurs de moindre envergure. Le Club Atlético Vélez Sarsfield de Gabriel Heinze analysé par une autre plume de La Grinta, Rémi Dendani sur YouTube, ou bien le Sassuolo de Roberto De Zerbi en sont quelques exemples. D’ailleurs ne pourrait-on pas dire que ce type de méthodologie convient peut-être mieux à des joueurs « moyens » qu’à de grandes stars qui peuvent se montrer réticentes ? Si nous nous amusions à faire du « football-fiction » pensez-vous que des joueurs aussi créatifs que Zidane, Figo, Raùl, Guti, pourraient s’inscrire dans un tel modèle ? L’évolution du parcours de Maurizio Sarri dans les clubs de grande envergure mise en parallèle avec la réussite de Pep Guardiola dans le même type de structure permettrait de lancer les premières pierres d’un débat.
Pour autant, en 2002-2003, au sein des Galactiques, nous sommes très loin de ces préoccupations. Il existe des règles d’actions collectives et individuelles qui s’expriment au sein d’un système mais nous sommes très loin de tout jeu de position. Regarder ces matchs est une nécessité car cela permet, plus que jamais, de se rendre compte de l’évolution du football. Pour autant, comme nous le verrons, certaines définitions issues de la méthodologie autour du « jeu de position » peuvent nous aider à comprendre l’animation du Real Madrid de Zidane et consorts.
La disposition des joueurs et l’animation des phases de sortie de balle sont les révélateurs les plus nets de la « révolution tactique » connue par le football sur ces vingt dernières années. Le Real Madrid a l’habitude d’impliquer, a minima, 6 joueurs pour faire avancer le ballon jusqu’au camp adverse.
(Les 6 joueurs du Real chargés de remonter le ballon pour toucher les milieux offensifs et attaquants visibles ici)
Pourquoi autant de joueurs au niveau du ballon et si peu entre les lignes ? Les images laissent voir une volonté absolue de sécuriser la possession du ballon. L’idée est d’occuper rationnellement la largeur pour gagner des mètres en faisant courir l’adversaire, d’un côté à l’autre pour atteindre la médiane. Ils sont toujours en supériorité numérique dans cette zone, ce qui rend la volonté de les presser haut quasi-vaine. De toute manière, ils sont très rarement soumis à un pressing en phase de relance.
Souvent, l’adversaire tente d’empêcher la sortie du ballon du Real Madrid quand celui-ci est sur le côté en réduisant le temps et l’espace disponible. Mais face à une telle qualité technique, l’opposant voit sa volonté d’harcèlement se retourner contre lui en offrant beaucoup d’espaces aux Merengues (c.f vidéo). Le côté gauche, extrêmement fort et important dans cette équipe, est emblématique à cet égard : Roberto Carlos tente très souvent de ressortir proprement. Pour cela il s’appuie toujours sur les pieds presque « magiques » de Zidane face à lui et les constructions de triangle sur les ailes.
Ce qui étonne le plus à la vue des images, c’est la capacité a remporter des situations où le Real est en infériorité numérique : 2 contre 3, 3 contre 5, les Madrilènes semblent pouvoir s’en sortir quelque soit le nombre d’adversaires. Dans ce cadre, la faculté de conceptualisation en lien avec la méthodologie du jeu de position peut nous aider à mieux comprendre ces situations. Dans tous les contextes où le Real Madrid remporte des situations d’infériorité numérique, nous pourrions utiliser le terme de « supériorité socio-affective » dans le sens où, la force de la relation développée entre un groupe de joueurs associée à leur qualité technique permet de dépasser l’adversité numérique qui est proposée.
De surcroît, il arrive que Makélélé, et Conceiçao remontent un peu pour laisser s’exprimer la qualité de relance d’Ivan Helguera et de Fernando Hierro. Les deux Espagnols ont occupé le poste de milieu défensif avant de reculer. Sans le systématisme des meilleures équipes d’aujourd’hui, la charnière centrale sait prendre ses responsabilités (c.f vidéo). Non seulement, les Madrilènes sont capables de faire avancer le cuir par du jeu au sol, mais ils n’hésitent pas également à jouer par-dessus, sur Raùl ou Ronaldo.
(Alors que l’Atlético de Madrid tente de fermer le côté gauche avec 4 joueurs, Roberto Carlos fait l’effort de « voir loin ». Raùl, hors champ, se propose en appui. La solution longue est ici adoptée.)
(La solution longue est bonifiée par l’excellent jeu dos au but de Raùl. Ici, il réussit un contrôle de haute volée, obtenant une faute par la même occasion.)
Si les plus jeunes ne prennent pas forcément la mesure de ce qu’est Raùl, les images de match laissent observer un attaquant au profil parfait pour développer un football protagoniste. Très fin techniquement, il est une ressource déterminante pour sortir le ballon. Le Real Madrid s’appuie énormément sur son jeu dos au but, en appui ou en déviation en phase d’attaque placée. Il rappelle à tous les observateurs, qu’un jeu de corps efficace n’est pas en lien avec le gabarit. C’est d’abord une technique, une connaissance de soi et un sens du déplacement dans le bon tempo. Sur tous ces points, Raùl présente des dispositions impressionnantes. Il n’est pas « qu’un buteur racé » mais aussi un formidable joueur de collectif. Le parallèle avec Karim Benzema, quelques années plus tard, portant le même maillot légendaire, est édifiant.
Ainsi, si les sorties de balle ne sont pas aussi travaillées que ce qu’elles peuvent être aujourd’hui au sein du même club (le rôle du gardien Casillas est négligeable dans ce moment du jeu), il y a des redondances importantes. La qualité individuelle n’exclut donc pas des cheminements et des circuits prioritaires précis. Qu’en-est-il plus haut sur le terrain ? Peut-on « encadrer » la créativité de joueurs comme Zidane, Figo, Raùl, Ronaldo, voire Guti ?
Si l’on a coutume d’identifier le moment où l’équipe tente de déstabiliser l’adversaire positionné lui dans son camp ou au niveau de la médiane par le terme « d’attaque placée » le mot s’avère ici presque inapproprié. Plus que des attaques placées, il s’agirait plutôt « d’inspirations placées » tant les joueurs ont la possibilité de créer des choses sur le terrain que l’entraîneur ne peut prévoir. Néanmoins, des zones de jeu sont priorisées et certains principes peuvent ressortir clairement.
D’abord l’équipe du Real Madrid a l’habitude de construire lentement ses attaques, par une circulation sur toute la largeur et une alternance avec du jeu en profondeur. L’objectif est de contrôler le tempo du match et surtout d’ouvrir des brèches pour jouer dans l’axe. Zidane, Figo, qui, sur le papier, occupent les côtés affectionnent de rentrer dans l’axe. L’idée est alors la suivante : trouver une ligne de passe dans le cœur du jeu autour de Ronaldo et Raùl qui excellent dans le jeu avec et sans ballon puis combiner avec Zidane et Figo pour déstabiliser l’adversaire et créer des occasions de but.
Mais pourquoi les permutations et les dézonages incessants de Figo et Zidane, par exemple, sont-ils si difficiles à défendre ? Les défenseurs savent que s’ils les suivent, les espaces qu’ils ouvriront dans leur dos pourront être exploités par d’autres joueurs. Ensuite, face à une telle qualité technique, les suivre ne veut pas dire récupérer le ballon. Les Galactiques savent contrôler le ballon à la perfection, obtenir des fautes. Tenter de les suivre ou de gicler n’est donc pas une garantie d’obtention du cuir. Néanmoins, si le défenseur ne sort pas, il prend le risque que son équipe sombre au milieu de terrain devant un ballon qui circule aisément grâce à la supériorité numérique et la qualité technique merengue. À chaque décrochage ou dézonage, dans un contexte de crise de temps et d’espace, c’est un dilemme difficile qui se présente à l’adversaire.
En outre, les termes issus du jeu de position peuvent nous aider à mieux comprendre la phase offensive du Real Madrid même si cette équipe ne peut y être affiliée. En effet, il s’agit tout simplement de créer une « supériorité numérique » dans l’axe qui couplée, à la mobilité, la qualité technique et la vista permet la création de décalages. Soulignons aussi l’entente remarquable entre Ronaldo et Raùl qui se cherchent constamment au sein des défenses adverses.
Vicente Del Bosque donne une grande liberté de déplacement à ses joueurs, l’essentiel étant qu’il y ait toujours une menace dans la profondeur afin de rendre efficace les nombreux décrochages et permutations des milieux et des attaquants. Disposer de Ronaldo comme attaquant de pointe est un luxe dans un tel contexte. Même s’il n’a pas la vitesse de ses années barcelonaises ou interistes (avant sa blessure), il représente une menace constante pour les défenses car un temps d’avance est automatiquement punitif (29 buts en 42 matchs toutes compétitions confondues). Il est suppléé par Raùl mais surtout par les latéraux dont Roberto Carlos qui renforce encore l’importance du côté gauche du Real Madrid en phase offensive. Le deuxième cheminement très travaillé au sein de ce modèle de jeu est clairement visible : trouver le latéral lancé dans un espace libre. Si l’accumulation de décrochages et de permutations dans l’axe peut donner l’impression parfois que les joueurs « s’agglutinent », c’est aussi un moyen de libérer de l’espace pour les TGV brésiliens.
La troisième séquence redondante de l’animation du Real Madrid est la volonté de placer ses meilleurs dribbleurs en situation de un contre un. Le cas de Figo est emblématique à cet égard. Souvent présent dans l’axe pour participer aux combinaisons, il sait aussi faire confiance à Makélélé, qui, (contrairement aux idées reçues), est capable d’orienter le jeu pour placer son partenaire en situation de un contre un. L’international portugais ravage ensuite les appuis des défenseurs, qui, fréquemment, se retrouvent impuissants et regardent, fesses contre le sol, la fin du débordement du Portugais. Il est d’ailleurs plus qu’agréable de voir les offensifs effectuer râteaux, passements de jambes, roulettes, feintes de frappes tant ces dribbles semblent parfois disparaître des terrains, remplacés par des feintes plus « académiques ». Dans la terminologie du jeu de position, cette capacité à placer les meilleurs éléments du groupe dans les situations qu’ils affectionnent pourrait se résumer en quelque sorte à l’expression « supériorité qualitative ».
Vicente Del Bosque a su harmoniser au sein d’un modèle de jeu des principes cruciaux pour être efficace en attaque (savoir varier jeu dans les pieds et jeu en profondeur), tout en laissant une grande liberté à ses milieux offensifs pour « improviser ». Cette improvisation se retrouve aussi en phase de finition. On peut y retrouver 3 règles d’actions très fréquentes dans beaucoup d’équipes : multiplier les centres notamment à l’initiative de Figo, Salgado ou Roberto Carlos dont les pieds soyeux peuvent faire des merveilles. Combiner dans l’axe permet de se mettre régulièrement dans des positions de frappe favorables. Le Real Madrid n’hésite pas à utiliser ces avantages positionnels pour frapper régulièrement mais aussi pour combiner dans des espaces infimes et finir d’une passe en retrait dans un but quasiment vide.
Cette liberté de choix et d’action entraîne inévitablement un déchet important, qui ressort dans certains matchs. Mais défensivement, comment le Real Madrid s’organise-t-il pour récupérer la sphère ? Comment s’organiser pour faire défendre toutes ces étoiles ?
LE REAL MADRID SANS LE BALLON ET EN TRANSITIONS : ENTRE FRIABILITÉ ET EXPLOSIVITE
RÉSUMÉ VIDÉO ICI
Il est toujours important de se replacer dans le contexte de la formation du joueur dans les années 90-2000 pour mieux comprendre l’animation défensive de cette équipe. Dans le football d’aujourd’hui, la tendance est à la formation de joueurs « bioniques » au plus haut niveau, c’est à dire capables de tout faire sur le terrain et de s’impliquer avec une efficacité presque identique dans toutes les phases de jeu. David Alaba, Kimmich, Griezmann, De Bruyne, sont quelques exemples « prototypiques ». Si les joueurs ont su attraper le wagon du centre de formation probablement grâce à un don qui sortait du lot, ils ont développé un panel si complet qu’on se retrouve presque incapable de ressortir une seule qualité qu’ils maîtriseraient plus que n’importe quelle autre.
Le football des années 90-2000 est différent sur ce point. Sans vouloir caricaturer les profils, il y a malgré tout une majorité de joueurs qui ont une dominante forte dans ce qu’ils sont capables de faire sur le terrain. Ainsi la frontière entre les joueurs chargés de « détruire » le jeu adverse et ceux chargés de le « créer » est plus forte. Au Real Madrid, durant la saison 2002-2003, la division du travail semble prégnante. Flavio Conceiçao est recruté dans le meilleur club du monde pour être « l’adjoint » de Makélélé à la récupération. C’est son rôle et cela transpire sur le terrain. L’international français Makélélé, comme son partenaire brésilien, est loin d’être maladroit avec ses pieds. Il a joué milieu de côté au FCN de Coco Suaudeau et avec réussite. Cependant, durant cette saison, on le sent pleinement investi dans sa mission de métronome, chargé de colmater les brèches, diriger la défense, temporiser et intervenir quand il le faut pour redistribuer le ballon à la ligne offensive.
Malheureusement, les chiffres manquent pour étayer l’influence défensive de l’international français qui saute aux yeux lors de la vision des rencontres. À la perte de balle, la première ligne du Real Madrid prend beaucoup de temps pour se replier et former le bloc. Les joueurs de la maison blanche défendent souvent en reculant avec 6 joueurs pleinement impliqués dans cette phase de jeu :
(Alors que Valence a récupéré le ballon dans les pieds de Zidane, 6 joueurs merengues tentent de ralentir la progression en attendant la reconstruction du bloc.)
Dans le cadre de ce repli, il est à noter que Zidane est l’étoile offensive qui présente le plus de discipline et de vivacité :
(Zidane, entouré ici, est le premier joueur à se replacer derrière le ballon.)
Même si Makélélé, Helguera ou Hierro font preuve d’un grand sang-froid pour intervenir à propos, la phase de transition défensive est l’une des grandes faiblesses des Galactiques de Vicente Del Bosque. La Real Sociedad de Denoueix l’a bien observé et les Basques sauront leur faire mal dans ce secteur lorsqu’ils les recevront à domicile. Cependant, lorsque le Real Madrid forme son bloc, quelle forme prend-t-il et quelles sont les règles d’action qui l’anime ?
Le Real Madrid de Del Bosque défend collectivement sous la forme d’un 4-2-3-1 ou d’un 4-4-2 médian :
(À l’image, les 5 milieux de terrain du 4-2-3-1 positionnés en phase défensive.)
(L’autre déclinaison dominante du Real Madrid en phase de défense placée : le 4-4-2 à plat)
Les joueurs se placent initialement dans une zone précise (même si les compensations d’un joueur offensif pour un autre sont présentes) puis ils ont tendance à suivre leur vis-à-vis si celui-ci quitte sa zone. Toutefois, les joueurs les plus créatifs présentent des lacunes tant dans les duels que dans les interceptions. Ainsi, leur rôle le plus important est de cadrer l’adversaire pour provoquer une erreur technique. Si celui-ci n’en commet pas, il n’est pas rare de voir Makélélé, Cambiasso, Conceiçao ou tout autre joueur à vocation plus défensive devoir gagner des duels en infériorité numérique, intercepter in extremis, en bref réaliser des petits exploits défensifs.
Dans ce registre, soulignons le rôle d’Iker Casillas, décisif à de nombreuses reprises. Les joueurs du Real Madrid ont parfois des difficultés à « nettoyer » la surface de réparation ou à cadrer un adversaire en situation de frappe. C’est dans ces moments-là que l’international espagnol sait intervenir avec pertinence. Très tonique sur sa ligne de but il laisse observer d’immenses qualités de réflexe. Sans forcément être très académique, il fait aussi preuve de courage sur les coups de pied arrêtés défensifs ou les corners durant lesquels il tente par tous les moyens de sortir le ballon.
Pour autant, comme le montre la vidéo, ce n’est pas forcément l’implication défensive qui manque à cette équipe. Les difficultés sont visibles dans la coordination collective des efforts de plus en plus durs à réaliser en fonction du temps restant à jouer.
Les conséquences sont simples pour le bloc équipe galactique : celui-ci a tendance à être positionné assez bas.
(Une configuration défensive fréquente : l’adversaire fait circuler le cuir dans les 45 derniers mètres du Real Madrid. Rien n’est encore gagné pour l’opposant car il doit faire face au talent défensif des 4 joueurs axiaux du Real Madrid : Hierro, Helguera, Makélélé et ici Guti.)
Dans cette équipe, un joueur semble être « en avance » sur son époque de par son profil ultra complet : l’Espagnol Guti. Sa « modernité » transparaît à travers son aisance pour s’exprimer dans toutes les phases de jeu. Son volume de courses défensif et offensif est conséquent, il fait l’étalage d’une rigueur tactique défensive insoupçonnée. Dans la phase de transition offensive, il est capable de porter le ballon sur de longues distances sans perdre la sphère, de se projeter, de fixer, voire même de finir de nombreuses actions débutées dans sa propre surface. Ses matchs durant la saison 2002-2003 laissent entendre qu’il pouvait déjà faire partie de la catégorie des joueurs « bioniques » plus fréquents dans le football d’aujourd’hui.
Cette tendance du bloc à être coupé en deux, peut paradoxalement présenter des avantages quand il s’agit de mener des contre-attaques. En effet, comme l’illustre la vidéo, les efforts des joueurs plus défensifs pour récupérer des ballons dans des situations complexes peuvent être fortement récompensés lorsqu’il s’agit de contre-attaquer. Sous-estimer la force du Real Madrid dans cette phase de jeu en 2002-2003 serait une grave erreur. Les transitions s’animent sensiblement de la même manière mais restent diablement efficaces. Zinedine Zidane est le premier joueur qu’il faut toucher pour les Merengues.
Si cette stratégie présente le défaut de la lisibilité, la qualité du tricolore est telle pour absorber une éventuelle pression, qu’il semble vain de vouloir harceler le numéro 5 français. Ensuite, c’est une suite d’appels organisés et dévastateurs lorsqu’ils s’associent au sens du timing de l’homme au crâne dégarni : Figo ou Raùl initient en général des appels vers les couloirs pendant que Ronaldo fixe la défense centrale. Figo, Raùl et Ronaldo ont les capacités de finir seuls les actions lorsqu’ils se trouvent en zone de finition. Sans oublier les projections ponctuelles d’un relayeur ou d’un latéral comme R.Carlos ou Salgado depuis l’arrière qui peuvent faire des dégâts.
CONCLUSION
Ainsi, à la question comment développer un football construit, protagoniste et efficace avec beaucoup de solistes, la réponse s’avère limpide au prisme de l’analyse : le plus simplement possible. Au final, Vicente Del Bosque ne fait pas tant différemment que n’importe quel entraîneur : il analyse les grandes qualités de son effectif et les complémentarités. Dans le cas où l’effectif est composé de nombreux joueurs très créatifs attirés par le jeu offensif, il tente d’équilibrer sa composition de départ en ajoutant des « spécialistes » du travail défensif (mais précisons encore qu’ils ne sont pas manchots balle au pied). A minima, les joueurs de l’ombre sont pleinement conscients et investis dans leur mission obscure. Leur rôle est connu et assumé. Si l’on peut « compléter » ce sens de l’offensive, Vicente Del Bosque ne fait pas l’erreur de le brimer.
C’est la force de son attaque qui le mènera au titre et aux demi-finales de Ligue des champions. Pour autant, si le Real Madrid n’est pas impressionnant défensivement (3ème meilleure défense de Liga malgré tout), Vicente Del Bosque a réussi à impliquer tous ses joueurs dans cette phase de jeu. Les lacunes de placement, le manque d’agressivité est compensé par une solidarité et une intelligence situationnelle conséquente. Tant et si bien que ce qui peut s’avérer comme une faiblesse, le manque de vivacité dans le repli par exemple, peut se transformer en force lorsqu’il s’agit de contre-attaquer avec de nombreux joueurs déjà prêts à se projeter. Star ou homme de l’ombre, l’entraîneur espagnol a su fédérer tout son effectif dans son sillage. Vicente Del Bosque, à l’image d’un Phil Jackson analysant l’effectif des Bulls, disposait de tous les ingrédients de la performance : « le talent, leadership, l’attitude et un objectif commun« .
Pour aller plus loin :
- Visionner les matchs sur Footballia notamment la campagne de Ligue des Champions disponible ici : https://footballia.net/fr/equipes/real-madrid?page=19
- Lire la Biographie de Vicente Del Bosque : Vicente, Biografia autorizada par Miguel Angel Diaz