Le PSG a officialisé le transfert de Pablo Sarabia début juillet, l’un des meilleurs joueurs de la Liga en 2018-2019. Évoluant brillamment dans tous les rôles de l’animation offensive sous les ordres de Pablo Machín puis Joaquín Caparrós, il affiche un profil polyvalent qui symbolise parfaitement la recherche d’optimisation tactique de Thomas Tuchel.
Douze buts et meilleur passeur avec autant de passes décisives que Lionel Messi (13) en Liga lors de la saison précédente, sur l’écriteau des statistiques le constat est sans appel : Pablo Sarabia sort tout juste de sa meilleure saison. Pour le joueur espagnol, l’ascension se mesure dans les chiffres mais aussi dans l’interprétation des rôles sur le terrain. De ses débuts en équipe réserve du Real Madrid lorsqu’il jouait régulièrement en pointe de l’attaque à une position de numéro dix à Getafe, équipe pas naturellement engagée dans le déséquilibre par la possession du ballon, le joueur de la même génération (27 ans) que Morata-Isco-Koke s’est davantage présenté dans un rôle de finisseur que d’organisateur.
À Séville avec Jorge Sampaoli, Pablo Sarabia avait vaincu le scepticisme portant sur son volume de jeu en jouant tantôt ailier dans le 4-2-3-1, tantôt piston dans le 3-5-2 du technicien argentin. La saison passée sous Pablo Machín, Sarabia s’était transformé en brillant milieu relayeur aux côtés de Franco Vázquez et de Banega, devenant plus créateur que provocateur. Avant enfin de faire un retour en exil sur le côté droit dans l’équipe de Joaquín Caparrós. Alors, quelles options tactiques et qualités offre-t-il à l’entraîneur parisien ?
Jeu de corps et de surprise au milieu
Au regard de sa dernière saison, cette option peut s’imposer comme une évidence. Pourtant, elle perd de son caractère criant compte tenu du chemin pris par Thomas Tuchel depuis son arrivée. Replacé dans l’axe avec succès par Pablo Machín à Séville, au sein d’une équipe obsédée par la phase de transition et soucieuse de la phase préparatoire, la saison de Sarabia avait alors été accompagnée de performances de haut niveau. De quoi confirmer que son repositionnement axial convenait à ses qualités, même lorsqu’il fallait articuler le jeu plutôt que l’accélérer.
Impliqué sur 41% des buts de son équipe, il a assuré deux principales qualités : la justesse des mouvements et l’habileté avec le cuir. À proximité de la cage adverse ou plus en retrait, ces gestes lui ont offert un nouveau statut : d’une part, ce déplacement entre les lignes pour découvrir des lignes de passes à Banega. Ou ce jaillissement avec le pied, souvent, avec l’extrémité opposée du corps, parfois, sur un centre en retrait ou dans un espace libre au second poteau. D’autre part, cette conduite de balle illisible au centre du jeu, ces combinaisons minutieuses avec Ben Yedder et ces passes inattendues pour libérer le couloir à Jesús Navas.
Entre les lignes, Pablo Sarabia crée la différence par sa tendance à masquer ses intentions. Dans cette zone dense du terrain où son gabarit léger ne lui permet pas d’entrer en duel contre les milieux/défenseurs centraux adverses, il les prend de court et fait preuve d’une grande vitesse d’exécution. De manière récurrente, Sarabia envoie les adversaires dans une direction à travers l’orientation de son corps puis s’engage dans le sens opposé (vers le but rival) par un contrôle orienté ou une petite touche juste avant l’opposition. C’est l’art de créer des espaces là où il n’y en avait pas.
Pablo Sarabia dispose d’une vision de jeu de haut niveau. Ici, sous la pression de plusieurs joueurs adverse dans un petit périmètre, il va contrôler le ballon avec une talonnade pour se mettre dans une situation idéale : seul face au jeu et avec un champ de vision clair.
Sarabia fait mine de vouloir recevoir la balle recevoir dos au but à travers l’orientation de son corps et la direction de son doigt, mais il va en réalité aspirer puis dribbler le défenseur central sur son contrôle orienté.
À Paris désormais, Sarabia est obligé de s’adapter aux présences établies de Neymar et Di María et incertaine de Draxler dans le cœur du jeu. Devant Paredes et Verratti, la nouvelle recrue du PSG doit concurrencer l’Argentin et l’Allemand pour une place au milieu, celle du Brésilien étant incontournable. D’ailleurs puisque son profil le rapproche plus de Di María, qui a réalisé sa meilleure saison dans la capitale l’an dernier, voir Sarabia entrer en jeu à sa place de relayeur excentré serait un choix temporaire.
De là à pouvoir s’imposer à Paris ? Cela peut-être un projet à moyen terme. Les deux joueurs ont de la magie dans les pieds. Mais Di María aura bientôt trente-deux ans et contrairement au n°11, Sarabia dispose pleinement d’un énorme moteur. Et à l’inverse d’une zone plus basse du terrain, dans laquelle Paredes est spécialiste de la relance dans un tempo lent, lorsque l’on ajoute le volume de jeu aux inspirations à proximité de la surface adverse, c’est un jeu étincelant de surprise qui s’éveille.
Déséquilibre et densité sur l’aile
Exposé au sommet de la Liga par un long coup de chaud dans l’axe du jeu, c’est en jouant sur un côté que le gaucher s’est révélé. Émerge alors l’option la plus cohérente pour le joueur et le PSG. À Getafe ou Séville, il était un ailier créateur avec la balle et discipliné sans. Positionné à droite, sur son pied gauche, le plus naturel, il était imprévisible, alternant relais avec l’intérieur et débordement. Dans un premier temps, Sarabia dévoilait ses qualités de frappe, louche (sa spécialité) et passe en profondeur. Tuchel peut rêvasser des courses vers l’intérieur de Sarabia suivies des appels de Mbappé et Cavani derrière la défense.
Mais aussi de ses courses intérieures obligeant le latéral adverse à se recentrer, et donc libérer le couloir droit pour favoriser les montées de Thomas Meunier, déjà vues contre Nuremberg en match amical. Dans un second temps, celles de percussion, d’élimination par le dribble et de ses excellents centres. Avec vingt-trois buts et dix-sept passes décisives toutes compétitions confondues l’an passé, les chiffres affichent le talent de Sarabia : s’il a la créativité du leader technique pour créer des décalages, sa vraie spécialité est d’exploiter ceux qui existent.
Un « faux 9 » mobile et létal
Thomas Tuchel pourrait aller encore plus loin et ajouter une option à son jeu grâce au football multifonctions de l’Espagnol. Capable de participer à la fluidité d’un système élaboré, de dynamiser le jeu, Sarabia a montré à Séville qu’il pouvait être létal dans la zone de vérité. En progressant dans les derniers mètres adverses par le dribble ou par des combinaisons, il est devenu le spécialiste des buts de raccroc où il met à profit sa science du déplacement par ses projections dans les espaces en deuxième rideau.
À Séville toujours, au poste de faux numéro neuf, son volume de jeu le positionnait leader de la charge du pressing aux côtés de Ben Yedder ou André Silva, ses récupérations hautes auront souvent été décisives et servi le jeu ultra-vertical de Pablo Machin. Cette mobilité devrait séduire Thomas Tuchel compte tenu du volume de jeu de ces profils offensifs et de sa constante fidélité à la récupération immédiate très haut sur le terrain via un pressing agressif.
Avec Pablo Sarabia, Paris a trouvé un profil polyvalent unique en Espagne (en attendant qu’Oyarzabal continue de grandir), et qui en Europe se reflète quasi-unanimement à travers le portrait de Bernardo Silva, le prestige du toucher de balle en moins mais des qualités de finisseur en plus. Décisif à la construction au milieu avec sa vision du jeu, dans le mouvement grâce à ses appels et ses déviations mais aussi à la finition à l’aide de ses deux pieds, ses bons centres, son jeu de tête, et sa présence dans la surface, le joueur espagnol s’inscrit parfaitement dans le projet PSG de Thomas Tuchel passant non seulement par une variété de schémas de jeu mais surtout de fonctions.
L’étiquette de remplaçant de luxe promise à Sarabia et Ander Herrera pourrait se fendre en cas de départs et d’absences pour blessure, une récurrence dans l’entrejeu parisien. Seulement dans tous les cas, ces arrivées vont faire augmenter la marge de manœuvre du technicien allemand. Un éventail de jeu élargi pour le PSG, auparavant hautement fragile et dont les effectifs qui se sont opposés dans la dernière finale de Ligue des champions ont montré toute l’importance.
Pour ma part, je trouve que Pablo Sarabia est meilleur lorsqu’il joue derrière l’attaquant. En effet, il a d’ailleurs été décisif avec le PSG en jouant près des buts adverses avec son but face au Real Madrid. De plus, il a montré qu’il avait la justesse technique et le coup d’œil pour évoluer à ce poste.